3 questions à Michel Le Bris, directeur du festival "Etonnants Voyageurs"
Votre définition du voyage ?
L’expérience de l’Autre et de l’Ailleurs. De l’Autre, car c’est le face à face avec autrui qui vous ouvre à l’humanité, et vous révèle à vous-même. De l’Ailleurs : dans mes années étudiantes, nos maîtres-penseurs répétaient que « tout texte – et donc tout homme – est le produit de ses contextes ». Que reste-t-il de vous quand s’effacent les contextes ? Une œuvre d’art n’est-elle pas ce qui transcende ses contextes, travers les âges et les cultures ? Et ne témoignent-elles pas de ce qu’il est en l’homme, précisément, une dimension de transcendance ? Voilà tout ce que met en jeu l’expérience du voyage. L’Autre et Ailleurs : le plus court chemin de soi à soi.
Votre définition d'Etonnants Voyageurs ?
L’affirmation de l’urgence d’une « littérature-monde ». La littérature n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle entretient avec le monde un rapport d’incandescence. Un monde disparaît, disions-nous en 1990 à la naissance du festival, un autre naît devant nous, fascinant, inquiétant. Notre conviction : ce sont les artistes, les écrivains qui disent l’inconnu du monde qui vient. A cette époque la littérature française était absorbée dans la contemplation de son nombril : moi je rêvais d’une littérature ouverte aux vents du monde ! D’où le sous-titre du festival dès le départ : « quand les écrivains redécouvrent le monde ». Et je crois que nous aurons contribué à faire bouger les lignes !
S’il ne fallait retenir qu’une chose : notre « manifeste pour une littérature-monde en français », aura renouvelé notre vision de la francophonie : non pas une survivance du temps des colonies, mais un espace-monde en français où tous seraient sur un pied d’égalité. 15 colloques internationaux, depuis, ont montré l’impact de cette idée.
Un rêve pour Etonnant voyageurs ?
Mais c’est Etonnants Voyageurs qui a été, et est toujours, mon rêve ! Aujourd’hui, commence une nouvelle étape. Après celle ouverte en l’an 2 000 quand nous avons fait le pari un peu fou de nous projeter dans le monde, en créant des festivals tour à tour à Missoula (Montana) à Dublin, à Sarajevo, après la levée du siège, à Bamako, à Haïfa, à Port-au-Prince, festivals qui, en retour, auront nourri celui de Saint-Malo. Une grande leçon : quand on s’ouvre au monde, le monde s’ouvre à vous. Aujourd’hui commence une autre étape : nous intégrons la « Word Alliance », qui regroupe, avec nous, les sept plus grands festivals littéraires du monde : Edimbourg, Berlin, Jaïpur en Inde, Pékin, Melbourne, Toronto et le World Voices du Pen Club de New York. Avec beaucoup de projets en commun. Ce qui signifie très concrètement des échanges entre nous. Autrement dit, que la littérature française rentre de nouveau dans le grand dialogue des littératures du monde. Il était temps !
Un rêve, pour la prochaine année ? Un grand festival en Afrique, qui serait celui de l’Afrique nouvelle en plein essor, en train de prendre toute sa place dans le monde qui vient… Quelque chose me dit que nous y parviendrons. Rendez-vous dans quelques mois ?
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