Moins de sexualisation et plus de tempérament : quand les jeux vidéo proposent enfin des personnages féminins loin des clichés
De plus en plus de studios et éditeurs osent porter à l'écran des figures féminines plus riches et moins stéréotypées telles qu'Aloy dans le nouveau volet de la saga "Horizon". Des associations considèrent qu'ils ont aussi un impact dans la société.
Horizon, The Last Of US, Beyond Two Souls ou Life Is Strange. Ces jeux vidéo ont un point commun : proposer des figures qui soient des femmes puissantes et fortes. Dans le dernier opus Horizon Forbidden West, Aloy, personnage principal, apparaît comme une aventurière, une lanceuse d’alertes écologique, une combattante qui doit compter sur elle-même et ses qualités de stratège pour sauver l'humanité.
L'identification en question
"Ce qui change avec un tel personnage, c'est sa détermination et son caractère. Elle sort du lot par son courage, parce qu'elle n'a peur de rien, note Carole Quintaine, créatrice de contenus jeux vidéo sur YouTube. C'est une bonne chose, à mon sens, d'avoir des profils différents et à l'image de la réalité. Mais encore faut-il que l'histoire soit aussi bien écrite car une protagoniste seule ne suffit pas à avoir un bon jeu. Et c'est bien le cas avec Horizon."
De quoi rompre avec d'autres personnages hyper-sexualisés ou incarnant des rôles secondaires, voire carrément potiches. En tenue légère ou de soubrette, avec des poitrines exagérées ou des voix lascives. Reviennent alors en mémoire des titres comme Soul Calibur 5, Xtreme Beach Volley ou Metal Gear Solid 5. Pas franchement des jeux qui ont valorisé la femme. Par le passé, des studios ont même utilisé le corps d’un personnage féminin pour promouvoir un jeu.
Pour Carole Quintaine, "beaucoup de personnages aujourd'hui comme Aloy ou Ellie (The Last Of US) portent le message qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une grosse poitrine ou telles ou telles mensurations pour être une héroïne dans les jeux vidéo et par effet miroir dans la vie. Ces personnages permettent aussi aux joueuses de mieux s'identifier. Car aujourd'hui, le public des jeux vidéo s'est féminisé. 50% des joueurs sont des joueuses."
Notre entretien avec Carole Quintaine :
Quand Batman adopte un déhanché surjoué
Afin d'illustrer les représentations caricaturales et sexualisées, l'association Women in Games a récemment mené une opération appellée Gender swap - rouler des fesses pour ouvrir les yeux. Le principe : appliquer à des Batman ou Superman les stéréotypes qui collent à la peau de personnages féminins. Les super-héros se retrouvent donc avec des déhanchés surjoués, des postures sensuelles, des minauderies. Le but est que chacun puisse se rendre compte du grotesque des situations ainsi créées et de susciter la discussion.
Voici le résultat en vidéo :
Comment expliquer alors certaines visions réductrices de la femme dans l'univers des jeux vidéo ? "Aujourd'hui encore, il n'y a que 22% de femmes dans cette industrie en France, soit moins d'une personne sur quatre", éclaire Morgane Falaize, présidente de Women in games. Les jeux sont donc fabriqués par des groupes très homogènes, majoritairement composés d'hommes hétérosexuels."
Selon l'association, les studios et éditeurs changent toutefois le regard porté sur les personnages féminins, soit parce que les représentations d'hier ne sont plus acceptés par les joueurs et joueuses et qu'ils doivent s'adapter, soit parce qu'ils sont passés par une sincère prise de conscience et volonté d'aller de l'avant. Des faits de harcèlement et de sexisme au sein des équipes ont aussi conduit à de nouvelles orientations.
La responsabilité des studios
Morgane Falaize en est convaincue : "L'industrie du jeu vidéo, au même titre que l'industrie du divertissement, le cinéma, les séries télé ou même la publicité ont un impact sur la vision que l'on a du monde. À force de voir des femmes qui ne sont que des faire-valoir ou avec des attitudes dévalorisantes, cela joue sur la manière dont les joueurs vont voir le monde autour d'eux. Nous sommes persuadés que le jeu vidéo qui est la première industrie créative au monde a une grande responsabilité à prendre sur les sujets sociétaux."
Morgane Falaize, présidente de Women in games :
Pour que les femmes soient plus nombreuses au stade de la conception
Women in Games agit aussi pour informer sur les métiers du jeu vidéo pour que de plus en plus de femmes les rejoignent, ainsi que pour encourager les entreprises à mieux les intégrer professionnellement. L’association donne également des clés aux joueuses en ligne pour les aider à faire face au cyber-harcèlement dont elles sont régulièrement victimes.
L'association Afrogameuse milite elle aussi pour qu’il y ait davantage de femmes dans les studios, et à des postes à responsabilité. Pour davantage de diversité enfin. "Pour les femmes racisées, et noires en particulier, un regard exotique ou fantasmé voire fétichiste est encore trop souvent véhiculé", regrette Jennifer Lufau, fondatrice de l’association. On peut encore avoir droit à des personnages de couleur ne reposant sur aucun sentiment, proposés uniquement sur le plan de la force. Ou ayant toutes les mêmes coiffures, les mêmes apparences". Afrogameuse et Women in Games oeuvrent d'ailleurs de concert pour passer à une nouvelle étape dans l'histoire des jeux vidéo.
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