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Frises du Parthénon : le Royaume-Uni refuse un retour en Grèce parce que le pays "a peur d'ouvrir la boîte de Pandore", analyse un historien du patrimoine

La ministre britannique de la Culture a assuré mercredi à la BBC que les frises du Parthénon du British Museum appartiennent au Royaume-Uni et ne seront pas rendus à la Grèce.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des marbres du Parthénon, également connus sous le nom de marbres d'Elgin, au British Museum de Londres, le 9 janvier 2023. (DANIEL LEAL / AFP)

"La question du Parthénon s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large parce que derrière, le Royaume-Uni a peur d'ouvrir la boîte de Pandore en commençant par là pour finir par être dépouillé d'un certain nombre de biens considérés comme spoliés", analyse jeudi 12 janvier sur franceinfo Dominique Poulot, historien du patrimoine, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au sujet du refus du Royaume-Uni de restituer à la Grèce les frises du Parthénon exposées au British Museum de Londres. "Il y a un enjeu considérable, poursuit Dominique Poulot. Il y a l'idée que le Royaume-Uni s'est approprié culturellement les marbres et que désormais ils font partie de la culture britannique autant voire davantage que de la culture grecque."

franceinfo : Est-ce qu'on est face à un cas d'école du problème des restitutions ?

Dominique Poulot : Oui tout à fait mais je voudrais souligner que ça n'arrive pas aujourd'hui par hasard. Il y a un double contexte à cette affaire. D'abord international, qu'on pourrait qualifier de post-colonial, à savoir la multiplication à travers le monde de restitutions aux pays du sud et particulièrement africains. Ensuite, un contexte post-Covid de reconstruction des grands musées nationaux à travers le monde qui ont à faire face à une crise de la fréquentation touristique, de revenus, de nécessité de replacer leurs collections.

La question du Parthénon s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large parce que derrière, le Royaume-Uni a peur d'ouvrir la boîte de Pandore en commençant par là pour finir par être dépouillé d'un certain nombre de biens considérés comme spoliés. C'est pour cela qu'il y a un enjeu considérable.

Est-ce que d'autres raisons peuvent expliquer cette situation ?

Il y a aussi deux contextes nationaux : un contexte grec, à savoir l'investissement considérable du gouvernement pour décrocher un accord. Ça fait plus de dix ans qu'ils ont construit un superbe musée qui abrite des copies en face du Parthénon des marbres londoniens. Enfin, du côté anglais, en dehors du fait que plus de 50% de la population d'après des sondages serait favorable au retour, il y a l'instabilité politique qu'on connaît avec la succession de ministres de la Culture.

Il faut aussi noter une coïncidence chronologique parce que certains musées en Angleterre dépendent d'une loi différente de la loi nationale. À la fin de l'année 2022, cette loi a changé pour dire que finalement les musées concernés pouvaient restituer des biens à conditions qu'ils puissent prouver devant une commission qu'il y avait une obligation morale qui les contraignait à les rendre.

Un comité de l'Unesco a demandé au Royaume-Uni de restituer les fresques. Que dit le droit international à ce sujet et est-ce qu'il est appliqué ?

L'Unesco a fait cette demande depuis un certain temps. La notion de propriété culturelle est apparue dans les années 1970 mais l'Unesco n'a pas le droit de dire à un État ce qu'il doit faire. Chaque pays a une législation indépendante. Dans le cas français, il y a une inaliénabilité des collections des musées qui fait qu'on doit produire une loi spécifique à chaque fois qu'on enlève ou qu'on restitue les biens d'un musée. Il y a donc un imbroglio juridique. D'ailleurs, la défense du British Museum, c'est de dire que l'on ne considère l'affaire que d'un point de vue juridique ou politique tandis que leur notre souci c'est de permettre l'accès le plus large possible aux marbres.

Sur le fait qu'ils en ont pris soin c'est méprisant parce que ça veut dire qu'un pays comme la Grèce ne pourrait pas en prendre soin. Enfin, pour contrer l'argument du British Museum qui disait que la Grèce n'avait pas de musée pour abriter les frises, le pays s'est doté d'un musée. Il y a l'idée que le Royaume-Uni s'est approprié culturellement les marbres et que désormais ils font partie de la culture britannique autant voire davantage que de la culture grecque.

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