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Exposition "Piinpi" à l'Ambassade d'Australie : à travers leurs créateurs de mode, découvrez la culture des Aborigènes

"Piinpi. Mode Aborigène contemporaine" met en lumière le travail d’artistes et de créateurs aborigènes d’Australie. Avec cette exposition, à la fois multiculturelle et multicolore, c'est la découverte d'un monde si singulier d’histoire et de tradition.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Exposition "Piinpi : mode Aborigène contemporaine" à l'Ambassade d'Australie à Paris en janvier 2022. Une sculpture corporelle - Body Armour. A Weave of Reflection Pink and Orange (2018) - de la créatrice de mode et artiste Grace Lillian Lee (WADE LEWIS ART)

En présentant le travail d’artistes et de créateurs, l'exposition Piinpi. Mode Aborigène contemporaine souligne la force et la diversité du secteur de la mode et du textile aborigènes actuellement en pleine expansion.

Créée par la Bendigo Art Gallery, l'exposition Piinpi met en lumière des pièces uniques réalisées par une trentaine d'artistes et créateurs, originaires de centres urbains comme de centres d’art plus isolés. Initiée en Australie, cette exposition à l'ambassade d’Australie à Paris jusqu'au 19 avril est doublée d'une présentation au BHV Marais jusqu'au 27 février. Ces manifestations s'inscrivent dans le cadre du programme Australia now France 2021-2022.

Des créateurs inspirés par les saisons

Pour ces peuples autochtones d’Australie, la connaissance de la terre et des saisons tient une importance culturelle majeure. Piinpi est une expression que les Kanichi Thampanyu - peuple des Premières nations de la péninsule de York à l’est du Cap - utilisent pour décrire l'impact des saisons sur le paysage. 

Le projet a été conçu par Shonae Hobson, une femme Kaantju de l’est du Cap York. Mais "ce n'est pas vraiment une exposition", explique Harriet O'Malley, l'attachée culturelle de l'Ambassade d'Australie à Paris qui préfère parler d'une "manifestation de culture aborigène. C'est très holistique. La création est un acte spirituel où tout est lié, si vous prenez soin de la terre, elle va prendre soin de vous. La nature est présente dans les oeuvres avec cette notion de communauté et de transmission générationnelle des anciens aux plus jeunes". 

Bien que leur nombre puisse varier d’une communauté à l’autre, l’exposition s’articule autour de quatre saisons reconnues : la saison du feu, la saison des pluies, la saison des fleurs et la saison des vents. A l'entrée de l'exposition, deux vidéos très intéressantes permettent de débuter ce voyage en terre australienne et de comprendre l'importance de la nature sur la création. 

La transmission des savoirs entre les générations

L'exposition - que l'on peut apercevoir depuis la rue - se tient au rez-de-chaussée du grand hall de l'Ambassade d'Australie divisé en six espaces. Le premier présente quatre silhouettes de la créatrice de mode et artiste Lyn-Al Young pour qui "l'action de peindre et de créer établit un lien spirituel profond entre le créateur et le vêtement". Les quatre robes, peintes à la main avec des techniques ancestrales, font référence à la culture australienne : ainsi l'une verte et rouge est inspirée des couleurs d'une plante emblématique du pays, tandis qu'une autre - dans des tonalités rouges, oranges et jaunes - évoque les incendies terribles que le pays a subi avant le Covid-19, "en même temps que la pratique culturelle qui consiste à gérer la terre avec le feu", précise Harriet O'Malley.   

Le tableau suivant s'intitule Kayman, la saison du feu et de la fumée. Ici les robes blanches et jaunes de Mary Dhapalany, Julie Shaw et Evonne Munuyngu sont accessoirisées de chapeaux et de dilly bags (petits sacs traditionnels dont les femmes se servaient pour la cueillette) qui célèbrent la pratique ancestrale du tissage des fibres. 

Vient ensuite la thématique Ngurkitha (la saison des pluies) avec les sculptures corporelles de Grace Lillian Lee. Cette artiste, issue de la plus grande école de design à Melbourne, a été formée par son oncle designer de coiffes de danse. "Ses sculptures sont conçues pour rendre la femme puissante" explique l'attachée culturelle.

A côté, on découvre d'autres silhouettes signées Trudy Inkamala, Marlene Rubuntja, Roxanne Oliver, Rosabella Ryder, Rhonda Sharpe et Elverina Johnson... Ces créateurs utilisent des symboles de la vie quotidienne sur leurs modèles - de la peinture corporelle employée pour les cérémonies, la représentation du traditionnel boomerang... "ll est important de raconter une histoire en gardant toujours en tête l'idée de la transmission des savoirs entre les générations", insiste Harriet O'Malley. 

Exposition "Piinpi : mode Aborigène contemporaine" à l'Ambassade d'Australie à Paris. Les sculptures corporelles de la créatrice de mode et artiste Grace Lillian Lee (DR)

La thématique Pinga (la saison des fleurs) donne, quant à elle, la part belle à la sérigraphie, au fait main, à la nature (les pommes rouges du bush australien, la fleur de lys...) sur les robes de Peggy Griffiths, Delany Griffiths, Anita Churchill, Cathy Ward, Kelly-Anne Drill et Jan Griffiths, Grace Rosendale, Joash Teo, Esmae Bowen et Elise Baglot.

Avec Piicha Piicha (la saison des vents frais) d'autres silhouettes présentent le courant du recyclage : "la mode aborigène est un mode durable, tout est fait main - les teintures végétales, la sérigraphie, les broderies, les colliers de graines et de coquillages - avec la récupération de ce qui vient de la mer, entre autres. Les filets de pêche récupérés par les rangers sont tissés par les femmes", précise l'attachée culturelle qui nous montre encore un manteau de Rodney Carter réalisé en peau d'opossum dont des peaux sont rajoutées à ce vêtement au fil des années. 

Enfin, la thématique streetwear Blak and Deadly correspond "un peu au mouvement militant black power aux États-Unis dans les années 70. L'artiste Destiny Deacon a utilisé le mot black dans les années 90 comme terme d'emporwement pour proclamer leur identité noire haut et fort... Blak and Deadly signifiant noir et fier" souligne Harriet O'Malley qui nous montre, à titre d'exemple, une combinaison de Teagan Cowlishaw réalisée avec des restes de coussin à paillettes noires et dorées avec un imprimé lustré or. 

La thématique streetwear Black and Deadly de l'exposition "Piinpi : mode Aborigène contemporaine" à l'Ambassade d'Australie (CORINNE JEAMMET)

"Couleurs Australie. Un voyage chromatique" au BHV Marais

Outre l'exposition présentée à l’Ambassade d’Australie, une autre présentation, Couleurs Australie. Un voyage chromatique se tient au BHV Marais jusqu'au 27 février 2022. Les vitrines du magasin, rue de Rivoli, accueillent plusieurs vidéos de Leila Jeffreys sur le thème Nature is not a place to visit. It is home : à travers ses vidéos, l'artiste invite à voir la nature comme notre maison, plus que comme un simple lieu à visiter. Ces vidéos sont une véritable déclaration d’amour à la végétation australienne, une incitation à découvrir les merveilles du monde naturel, à s’en inspirer et à le préserver. A l'intérieur du magasin, au rez-de-chaussée, un espace regroupe plusieurs marques australiennes comme Martin Grant, Bond-Eye, Blundstone, Brontibay... tandis qu'au 5e étage à l'Observatoire cinq silhouettes créatives jouxtent des photos de mode. 

Une des photos de l'exposition "Piinpi : mode Aborigène contemporaine" à l'Observatoire du BHV Marais à Paris (CORINNE JEAMMET)

"Piinpi. Mode Aborigène contemporaine" jusqu'au 19 avril 2022 à l'Ambassade d’Australie. 4, rue Jean Rey. 75015 Paris. Du lundi au vendredi (hors jours fériés) de 9h à 17h. Entrée libre sur présentation d’une pièce d’identité.

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