"Welcome to New York" de Ferrara sur internet, expérimentation ou révolution ?
La loi définit, via ce qu'on appelle la chronologie des médias, l'ordre et les délais d'exploitation d'un film selon les différents supports. La salle de cinéma bénéficie d'une première fenêtre d'exclusivité de quatre mois, avant celle du DVD et de la vidéo à la demande (VoD, paiement à l'acte), puis celle des chaînes payantes avant les généralistes et enfin la vidéo à la demande par abonnement (SVOD), 36 mois plus tard.
Wild Bunch, un des grands de la production et de la distribution, a jeté un pavé dans la mare en annonçant la sortie le 17 mai du film inspiré par l'affaire DSK, directement en VoD en France, comme il a droit de le faire. Ce qui est interdit c'est une sortie couplée en salles et VoD. Il sortira en revanche simultanément en salles et en VOD dans plusieurs pays comme aux Etats-Unis.
ATTENTION : des images peuvent heurter la sensibilité de certains spectateurs
Coup de pub ou révolution souhaitée?
"Nous ne demandons pas que tous les films sortent en salles et en Vod en même temps", assurait-il il y a peu en plaidant uniquement pour des "cas particuliers". Pour Brahim Chioua, autre membre fondateur de la société, interrogé par l'AFP, il doit s'agir "d'une vraie expérience" car "il y a eu des essais dans le passé mais pas avec des films importants sur lesquels il y avait de l'attente". Cette décision a ravivé les débats en France entre pro et anti évolution d'un schéma conçu avant l'ère internet, c'est-à-dire que le consommateur ne devienne son propre programmateur sur tous les supports.
Des rapports récents suggéraient de ramener l'exclusivité de la salle à 3 mois ou de pouvoir expérimenter sous condition la sortie simultanée en salle et VoD notamment pour les films à petits budgets qui pourraient ainsi mutualiser leurs frais de publicité, voire le sortir effectivement directement en VoD au cas par cas. Des propositions rejetées par un grand nombre de professionnels.
Réticences des diffuseurs en salles
Alain Sussfeld, directeur général du groupe UGC (production, distribution et exploitation), est catégorique: "dès l'instant où une oeuvre est diffusée sur quelque media que ce soit avant la salle de cinéma, nous n'en n'assurerons pas la diffusion et ce quelque soit le résultat du film. Chacun prend ses responsabilités", dit-il à l'AFP. Et de fermer la porte aussi à toute expérimentation.
Il faut savoir aussi qu'en France, les diffuseurs (distributeurs, télévisions, etc.) financent une large part du cinéma via leurs obligations légales. Même détermination du côté des salles d'Art et Essai.
Le président de l'AFCAE (Association Française des Cinémas d’Art & d’Essai), Patrick Brouiller, relève que "les films qui ont relativement bien fonctionné en salles marchent mieux ensuite sur les autres supports. C'est une réalité chiffrée quotidienne", explique-t-il. Question de notoriété.
Les cinéastes partagés
Du côté des cinéastes, la position est plus mesurée. "C'est extrêmement dommage que Wild Bunch sorte uniquement son film en VoD. Cela montre l'archaïsme de la chronologie des médias", déclare à l'AFP Florence Gastaud, la déléguée générale de l'association de cinéastes Arp. "Si cela ne marche pas, on leur dira que c'est parce que le film est mauvais. Si ca marche, il y aura des salles pour le vouloir comme il y en a qui le voudraient aujourd'hui", assure-t-elle.
Car relève Florence Gastaud, un Ferrara n'appartient pas aux films porteurs, même avec Depardieu au générique. Le nombre des copies en salles serait forcément limité. "La vraie question pour les films mal exposés c'est comment on fait pour les distribuer. Est-ce une hérésie de sortir sur plusieurs supports en même temps, je ne le crois pas...", dit-elle. A Cannes, un débat initié par les institutions européennes sera organisé justement autour des sorties simultanées multi-supports et multi-territoires.
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