Universal Studios : cent ans de succès à la Cinémathèque
Au commencement, était Carl Leammle
Immigré allemand en 1906, Carl Leammle, le futur créateur du studio Universal, s’installe à Chicago. Le cinéma existe depuis décembre 1895, il y a tout juste 10 ans, son exploitation commerciale commençant en 1896. Trois ans après son arrivée aux Etats-Unis, Leammle est un des premiers à penser le cinéma de façon globale dès 1909 en fondant La Moving Picture Company of America qui est à la fois exploitant, distributeur et producteur de films.
Sa première production, « Hiawatta », sort le 25 octobre 1909. Deux ans plus tard, en 1911, la Moving Picture s’expatrie à Hollywood avant de devenir Universal en 1912 en fusionnant avec la Powers Motion Pictures, Rex Motion Pictures Company, Champion Films Company, Nestor Film et New York Motion Picture. Le premier film Universal arrive sur les écrans en 1913 : « Traffic in Souls » de George Loane, sur l’esclavagisme blanc.
Leammle voit grand. Il achète un ranch de 100 hectares en 1914, dont il repense totalement l’espace pour y installer une véritable ville entièrement consacré à la production et la réalisation de films, désormais baptisée Universal City.
La politique du « coup »
Depuis 1915, la production cinématographique s’est internationalisée, la durée des films s’est allongée et le marché jusqu’alors dédié au marché forain s’est transformé en exploitation en salles. Le cinéma de genre s’installe, avec en premier lieu les mélodrames, et la figure centrale de la femme fatale - la « Vamp » -, et le western.
La concurrence est rude entre les compagnies qui ont fait d’Hollywood leur terrain de jeu. Universal se distingue de ses concurrents avec des productions modestes, parmi lesquels émerge régulièrement une superproduction qui garantit au studio une image de prestige sans équivalent dans la profession. Aussi a-t-on l'habitude de la qualifié de "plus petite des majors".
"Folie de femme" d'Erich Von Stroheim : extrait
Un de ces premiers « coups » n’est autre que « Folie de femme » d’Erich Von Stroheim, qui, en 1922, est considéré comme le film le plus cher de l’histoire du cinéma, avec la reconstitution en studio du Monte-Carlo de l’époque et son célèbre Hôtel de Paris, haut lieu de la jet-set dees années 20, sous l’impulsion de l’écrivain Francis Ford Fitzgerald. Tourné sur un scénario pour une durée de six heures, Leammle imposera à Stroheim de réduire son film à une durée de 2h10, ce qui pour l’époque est déjà exceptionnel.
Autres « coups » restés dans les annales : « Notre Dame de Paris », en 1923, de Wallace Worsley, avec Lon Chaney dans le rôle de Quasimodo, puis « Le Fantôme de l’opéra » (1925) de Rupert Julian qui restera longtemps dans les esprits pour cette nouvelle composition exceptionnelle de Lon Chaney dans le rôle-titre, d’après le romancier français Gaston Leroux. Chaney, surnommé l’homme aux mille visages, pour son art du maquillage, devient la star en titre de l’Universal.
"Le Fantôme de l'opéra" de Rupert Julian : extrait
Le studio de l’horreur
Le parlant s’imposant en 1927, Universal tourne encore un de ses grands films prestigieux, avec ce nouvel apport technique, l’adaptation du roman d’Erich Maria Remarque, « A l’Ouest rien de nouveau », signée Lewis Melleston, qui reste à ce jour la meilleure version au cinéma de ce livre mythique sur le premier conflit mondial, récompensée » de l’Oscar du Meilleur film.
En 1929, Carl Leammle passe le relais à son fils Carl Leammle Jr. à la tête d’Universal. Le fondateur historique mourra en 1939, à l’âge de 79 ans. La crise du jeudi noir frappe de plein fouet l’industrie cinématographique en 1929, comme tout le pays. Défiant son père dans sa nouvelle politique de gestion, Carl Leammle Jr. se lance dans l’adaptation de deux classiques de la littérature fantastique gothique : « Dracula » et « Frankenstein », tous deux produits en 1931. Ces deux énormes succès vont sauver la firme de la banqueroute.
"Dracula" de Tod Browning : la bande-annonce
Le premier, réalisé par Tod Browning, alors au faîte de sa gloire, avec Bela Lugosi dans le rôle-titre, fait un tabac, tout comme le second, signé James Wales, avec Boris Karloff dans le rôle du monstre. Universal est ainsi à l’origine d’une lignée de films fantastiques jusque dans les années 40, entraînant dans sa lignée les autres studios (MGM, RKO, Paramount, Warner Bros.). Le studio est ainsi l’instigateur de ce qu’il est désormais convenu de nommer « l’âge d’or du cinéma fantastique américain » dont les têtes d’affiche sont Bela Lugosi et Boris Karloff.
"Frankensteinh" de James Whale : la bande-annonce
Universal devient « International »
Au sortir de la guerre, Universal fusionne en 1946 avec International Pictures et se divise en deux entités : Universal International, placée sous la gouverne de la maison mère, et Universal Pictures.
En 1947, la britannique Rank Films, devient majoritaire dans Universal International qui va désormais distribuer Outre-Atlantique des films d’Outre-Manche et pas des moindres. Tels « Brève rencontre » de David Lean et « Hamlet » de Laurence Olivier, Oscar du meilleur film en 1948.
"Hamlet" de Laurence Olivier : extrait
Trois ans plus tard, l’actionnariat d’Universal change encore de mains, les disques Decca devenant possesseur de 36% des parts, pour bientôt en prendre le contrôle, sous la houlette du président de Decca Records, Nate Blumberg.
L’Universal Studios Tour
Dès la naissance d’Universal, Car Leammle avait imaginé faire visiter aux touristes les lieux de tournage de ses productions. Cette initiative originale a dû être abandonnée en 1930 en raison du désordre occasionné par les visiteurs sur les plateaux.
En 1955, Walt Disney révolutionne les parcs d’attractions en inaugurant la mode des parcs à thème avec son premier Disneyland, qui fera des petits, en 1955, en Floride. Neuf ans plus tard, Universal relance son idée en ouvrant en 1964 son Unviversal Studios Tour. En 1966, les visiteurs sont invités à poser avec des accessoires de tournage, et l’année suivante l’Universal Tour Entertainment comprend un spectacle de cascades.
Le succès est au rendez-vous et les attractions ne cessent de s’étoffer avec notamment, en 1973, « Le Passage de la mer Rouge », en référence au film « Les Dix commandements » de Cecil B. De Mille. En 1976, c’est le « Jaws Experience » qui renvoie aux « Dents de la mer » de Steven Spielberg sorti un an auparavant. En 1985, c’est « King Kong » qui a droit aux honneurs, puis en 1989 le film « Tremblement de terre », qui avait été oscarisé au milieu des années 70 pour le son et les effets spéciaux.
Universal, ou la maison Spielberg
La sortie à l’été 1975 aux Etats-Unis des « Dents de la mer », premier film réalisé pour le cinéma de Steven Spielberg (« Duel », sa première réalisation est un téléfilm) marque un tournant dans l’histoire du studio. Le film est considéré comme le premier blockbuster, pour l énormité de ses gains et le phénomène mondial que constitue son succès.
Sorti dans un module de 409 salles le 20 juin, le film se retrouve sur 675 écrans un mois plus tard, et rembourse son budget de 12 millions de dollars en quelque jours, engrangeant 7,1 millions de dollars de recettes son premier week-end d’exploitation. Les 100 millions de dollars sont atteints au mois de septembre, faisant des « Dents de la mer » le plus gros succès cinématographique de l’époque.
"Les Dents de la mer" : la bande-annonce
Sorti en France le 28 janvier 1976, le film atteint les 6,2 millions d’entrées, passe depuis régulièrement à la télévision et vient de ressortir en DVD/Blu-ray remasterisé. Le phénomène se reproduit avec « E.T. l’extraterrestre » en 1982, le film amassant aux Etats-Unis 359 millions de dollars et 9,4 millions de spectateurs en France. Puis, en 1993, c’est « Jurassic Park », toujours du même Spielberg - décidément le wonder boy maison -, avec 350 millions de dollars de recettes au compteur et 6,5 millions d’entrées en France. Sa « Liste de Schindler », sorti la même année, se voit récompensé de l’Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur en 1994.
Première major
Tous ces succès n’empêchent pas Universal de passer de mains en mains. En 2000, Vivendi, Canal+ et Seagram, propriétaires du studio, fusionnent et accouchent de Vivendi Universal.
En 2001, est inauguré au Japon l’Universal Studio Japan à Osaka, un nouveau parc d’attractions couronné de succès avec un million de visiteurs en 37 jours. Deux ans plus tard Universal est la seule major qui recense six films à plus de 100 millions de recettes (« American Pie 3 », « Bruce tout puissant », « Le Chat Chapeauté », « Fast and Furious 2 », « Hulk » et « Pur sans, la légende de Seabiscuit »).
2004 voit la vente des actifs médias américains de Vivendi Universal à General Electric qui possède la chaîne de télévision NBC. La désormais NBC Universal est détenue à hauteur de 80% par General Electric et 20% par Vivendi. Trois ans plus tard Universal affiche les meilleurs résultats financiers de son histoire avec 2,1 milliards de dollars amassés dans le monde, avec cinq films au-dessus des 100 millions de dollars de recettes.
"Blanche-Neige et le chasseur" : la bande-annonce
En 2011, General Electric cède 51% de ses actifs NBC à Comcast Corporation. Au premier trimestre 2012, Universal dominait toujours le box-office américain avec 294,8 millions de dollars de recettes. Le succès de « Contrebande » a créé la surprise, « Sécurité rapprochée » a franchi la barre des 100 millions de dollars, « Le Lorax » a cassé la baraque l'été dernier, en engrangeant 121 millions de dollars en 10 jours aux Etats-Unis. « Blanche Neige et le chasseur » s'est également avéré un succès, même s'il est plus mitigé. Mais Universal renouait avec le cinéma fantastique dont il fut le principal initiateur et contributeur depuis les années 20.
La Cinémathèque française rend aujourd'hui hommage à cette grande dame avec la projection de 100 films qui recouvrent toutes les époques, avec quelques raretés à la clé.
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