« The Iron Lady », un tour de Maggie controversé en Angleterre
La bande annonce en V.O.
La sortie de «The Iron Lady» ne peut évidemment pas susciter les mêmes réactions au Royaume-Uni et dans le reste du monde. Le pays d’origine de Margaret Hilda Roberts Thatcher a eu les honneurs du film en avant-première. Là-bas, la figure de l’ancien Premier ministre demeure étonnamment persistante.
D’abord, parce que le Royaume-Uni et la plus grande part du monde occidental vivent encore selon les dogmes imposés à marche forcée et défendus bec et ongles par Madame Thatcher, même si ces idées ont été très sérieusement mises à mal par la crise, mais aussi parce que Margaret Thatcher est toujours en vie.
Certes à 86 ans, la Dame de Fer n’est plus - de longue date - que l’ombre de l’impitoyable géant politique qu’elle fut. A l’image du film, la baronne Thatcher serait égarée dans les ombres de la démence sénile, oubliant même peut-être parfois qu’elle fut la seule femme Premier ministre britannique. Ironie de l’Histoire, elle connait ainsi le même destin que l’autre grand chef d’orchestre de la Révolution conservatrice-libérale et son plus fidèle ami en politique, Ronald Reagan.
La peinture d’une « Lady » passablement gaga
Toutefois une fois passé l’hommage unanimement rendu au tour de Maggie que constitue la stupéfiante performance de Meryl Streep, la peinture d’une «Lady» passablement gaga n’a pas été du goût des fans britanniques de la dame, particulièrement dans les rangs du Parti conservateur. L’actuel occupant du 10, Downing Street, David Cameron, a déploré cette triste peinture de l’icône des Tories qui occulte selon lui la grandeur «extraordinaire» du personnage. A demi-mots, Cameron a aussi laissé entendre qu’il aurait peut-être été plus judicieux d’attendre la disparition du sujet…
L’un des ministres de premier plan de la Dame de fer (et accessoirement l’un des principaux artisans de son humiliante chute…), Douglas Hurd, a évoqué un «spectacle macabre». L’ex-porte-parole de Margaret Thatcher, Bernard Ingham a insisté sur la vaillance intellectuelle de son ancienne supérieure. Quand il la voit, dit-il, «elle n’est pas sénile», preuve peut-être aussi de la puissance du mythe au sein du parti Tory.
Enfin, conviée à la première londonienne du film, la famille Thatcher a simplement ignoré l’invitation.
A gauche, on vilipende également le long métrage de Phyllida Lloyd pour les mêmes raisons mais dans une optique toute différente. Le quotidien "The Guardian" se scandalise de cette dame de Fer à l’esprit rouillé car elle risque finalement d’être vue comme un personnage vulnérable et sympathique qui ferait oublier le «Premier ministre le plus destructeur des temps modernes». Bigre.
Certains cercles envisagent de grandes fêtes pour célébrer sa mort...
Le film ramène donc Thatcher l’insensible au premier plan dans son pays et réactive la haine qu’elle déchaîna tout au long de ses onze années de règne mais aussi bien au-delà, une singularité pour une figure politique démocratique qui a quitté le pouvoir depuis si longtemps.
Une toute récente pétition a ainsi exigé que dans l’éventualité probable de funérailles nationales, la totalité de l’opération soit entièrement privatisée. Pour les initiateurs du texte qui ne portent pas l’intéressée dans leurs coeurs, ce serait le plus bel hommage rendu à sa politique ultralibérale. Plus cruels encore, certains cercles envisagent carrément de grandes fêtes pour célébrer sa mort.
Enfin dans le nord de l’Angleterre, près de trente ans après, la région des mines n’a pas oublié son long combat avec l’inflexible Margaret. Un appel au boycott du film a été lancé.
La réalisatrice Phyllida Lloyd a parfaitement saisi l’équation d’une figure qui déchaîne inlassablement les passions: «Il y a une incapacité générale à montrer Margaret Thatcher autrement que comme un monstre ou comme une sainte.» Ce diagnostic tranché reprend le point de vue de Tom Green, auteur en 2008 d’une pièce controversée intitulée «La mort de Margaret Thatcher» : «Si vous n’étiez pas l’un de ses admirateurs, c’était un monstre.»
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