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Tati l'intégrale, à déguster sans modération

Il suffit d'allonger le bras pour entrer en contact avec l'objet. C'est un coffret mystérieux qui vous est proposé depuis quelques jours. Il contient 6 longs métrages, et 7 courts. L'oeuvre de toute une vie est là, à portée de main et d'exaltation souriante.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Brusini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les vacances de Monsieur Hulot : Photo Jacques Tati
 (Carlotta Films)

Attention, la chose a des effets puissants. Si vous aimez la surprise, l'élégance, le rire et la poésie, la formule magique est écrite, on la prononce sans effort aucun. Dites TA TI.   

Pris au piège de l'innocence
Dès que l’on s’approche de la chose, elle intrigue, mieux, elle attire. Il est vrai que son revêtement noir peut évoquer le  redoutable monolithe cher à Stanley Kubrick dans « 2001 Odyssée de l’espace ». Mais ici, quelques traits multicolores viennent  affirmer qu’une force est bien là sans toutefois rien d’inquiétant.  Ce graffiti évoquerait plutôt une enfance aussi candide que rieuse avec juste deux syllabes :TATI. Et vous voilà pris au piège de l’innocence, car vous l’avez ouvert.

Votre monde va basculer
En sept DVD, votre monde va basculer. Gare à vous, la première image suffit au passage vers ce monde singulier où les apparences sont …des apparences. Cette pâtisserie par exemple, elle semble parfaitement inoffensive. Les clients, exclusivement des représentants mâles d’un village français des années soixante-dix, apprécient par dessus tout les tartelettes. Ils en redemandent façon « remettez-nous ça la patronne !» Faut dire qu’elles sont fortement imbibées d’alcool. Une scène filmée dans l’arrière-boutique révèle l’astuce de la boulangère. Alors, quand l’un des amateurs montre quelques signes d’agressivité, la tenancière du lieu (la comédienne Dominique Lavanant toute jeune à l’époque) le fait sortir manu militari. Tout cela est filmé dans un pur souci de naturalisme. Sauf que quelqu’un a légèrement poussé le curseur de la réalité. Quelque chose cloche. D’ailleurs, quand sortent ces enivrés du petit gâteau, il leur est impossible d’enfourcher la bicyclette ou de faire quelques mètres. Et la maréchaussée de cueillir tout ce beau monde qui manifestement vient d’abuser de la tartelette.

Méfiez-vous donc de ce monolithe aux dvd qui prétendent aussi faire du reportage pour mieux vous faire apercevoir l’envers du décor de la vie. Ainsi, ce match d’une finale de foot à Bastia en 1978. Toute la population locale a revêtu les couleurs du club, les hyper vieux comme les bébés. Et ça hurle, ça chante, ça parle. Un joyeux brouhaha court à travers la ville. Mais la nuit venue, la pluie s’abat sur le stade de Furiani. A nouveau, quelqu’un vient d’actionner le curseur du réel. Le terrain de jeu se fait piscine, les cris sont lancés sous l’eau (au sens propre du terme), peu à peu l’effervescence reflue et sur la plage improvisée du foot ne flottent plus que quelques sachets plastiques.

"Cours du soir" : 27 minutes de délice
« Forza Bastia » et « Dégustation maison » sont deux des courts métrages signés du pousseur de curseur Jacques TATI, car c’est lui le «malin», l’auteur de ce déphasage permanent. Si vous souhaitez mieux le connaître, allez donc aux « cours du soir », 27 minutes de délice. Tout est là, un immeuble ultra moderne et impersonnel dans lequel pénètre un grand monsieur à fière allure quoique très dégingandé. Une pipe vient mettre la touche finale à cette silhouette échassière. Face à une vingtaine d’aspirants bureaucrates de la finance, l’homme va enseigner l’art du fumeur, du pêcheur… Le maître n’est autre que Jacques Tati en personne dans la quintessence de son art, le mime. Drôle, critique, touchant, triste et réjoui, bref, fascinant. La cause est donc entendue, vous plongez.
"Cours du soir"
 (Nicolas Ribowski)
Les courts, les longs... A déguster sans modération
Après les courts, voici les longs métrages. Bienheureux que vous êtes, en train de découvrir « Les Vacances de Monsieur Hulot », « Mon Oncle », « Playtime » ou « Trafic ». Dégustez donc sans modération. Comme si l’on vous disait que vous avez là sous vos yeux un génie digne de Chaplin ou Keaton. Comme si l’on ajoutait que le traitement méticuleux du son comme du cadre mérite de revoir le même film quasiment dans la foulée du premier visionnage. Vous êtes désormais accro à cette cure permanente de ravissement poétique. Il faut dire que des experts de la chose se cachent derrière cette funeste entreprise.  
Macha Makéïeff et Jérôme Deschamps sont les grands responsables de l’édification du monolithe TATI. Mais oui, ceux-la mêmes qui ont créé les « Deschiens » à la télé. Tous les films de leur grand ancêtre dans le métier, sont ici rassemblés, remastérisés en un seul coffret. Si vous décidez quand même de vous approcher de la chose, au moins, on vous aura prévenu.

Intégrale Jacques Tati (2014)
70,22 euros

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