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"Toni Erdmann", le pitre au cœur gros comme ça de Maren Ade

"Toni Erdmann" ? Un ovni. Voilà ce qu’avait présenté à Cannes en compétition la réalisatrice allemande Maren Ade; son troisième long métrage. Un ovni savoureux et touchant. Très bien accueilli par la presse internationale sur la Croisette, le film est pourtant reparti bredouille d'un palmarès dont les favoris étaient absents.
Article rédigé par franceinfo - Boris Courret
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Peter Simonischek et Sandra Hüller dans "Toni Erdmann" de Maren Ade
 (Komplizen Film)

 

Un long plan séquence de l’entrée d’une maison, filmé caméra à l’épaule. Deux poubelles, une porte. Hors-champs, on entend un véhicule se garer. Une scène d’ouverture interminable. Et on se dit que ce film de 2h42 sera vraiment long. Très long. Mais dès le plan suivant, on se rend compte qu’on se trompait.
 
Un livreur parvient sur le palier. Sonne. Un vieil homme lui ouvre. "Ce colis doit certainement être pour mon frère, il sort de prison", sourit-il en appelant un Winfried qui s’empresse d’arriver, affublé d’un peignoir informe, d’un bandeau multicolore sur le front, de lunettes improbables et d’un dentier insensé. Le jeune livreur ne sait plus s’il doit s’esclaffer ou s’enfuir. La salle, elle, a fait son choix. Elle est déjà hilare. Ce n’est que le début. "Merci, j’avais hâte de la désamorcer", lance Wilfried, au coursier.  

Hurluberlu

Mais qui est cet hurluberlu ? De quel mal peut-il bien souffrir. D’ailleurs, a-t-il vraiment un grain ou se moque-t-il du monde ? La seconde option semble la plus apte. Winfried est un zozo fantasque et loufoque. Mais c’est surtout un papa à qui sa fille manque. Terriblement.

Elle s’appelle Ines, a 37 ans et vit dans un Bucarest froid et dépouillé. Celui des grandes sociétés et du consulting. Un monde qui fait face à un autre et en est séparé par une infime barrière. Celui des bidonvilles de la capitale roumaine. Deux univers qui vivent au même endroit, sans se voir. C’est ici, dans ce milieu presque sordide que la réalisatrice, Maren Ade, a choisi de faire jaillir l’humour original et décalé de son film. Bien aidée par la prestation formidable de son acteur, le facétieux Peter Simonischek, dont le personnage ne tardera pas à rendre visite à sa fifille, au grand dam de cette dernière.
  (Komplizen Film / NFP marketing & distribution)

Non-dits

C’est la troisième réalisation de Maren Ade, l’une des cinéastes allemandes les plus prometteuses de sa génération qui présentait à Sundance, il y a 16 ans, son premier film "The Forest fort tress", jamais diffusé en France. Et elle vient de nous balancer un film hors des sentiers battus, plein de fantaisie.

L’humour de "Toni Erdmann" ne repose ni sur la construction d’un scénario, ou d’une quelconque intrique, mais sur ses personnages. Leurs facéties. Celle de Winfried. Ce clown grotesque se fat passer pour "Toni Erdmann", fameux homme d'affires s’incrustant incognito aux coktails de ce Bucarest friqué où chacun se ressemble. Il finira par fasciner par sa différence et son originalité les collègues de sa fille.

Ines est interprétée par une Sandra Huller en exact contraire de son père. Une incarnation psycho-rigide, jusqu’à ce qu’une petite phrase de son paternel ne provoque en elle un chambardement. Car derrière l’humour, c’est surtout une réflexion touchante sur les rapports père-fille que nous propose la cinéaste. Sur les non-dits et l’amour qu’on ne s’avoue jamais vraiment. Et 2h42 plus tard, nous voilà déçus de ne pas rester encore un peu avec eux. 

"Toni Erdman" : l'affiche française
 (Haut et Court )

LA FICHE

Comédie dramatique de Maren Ade - Avec Peter Simonischek, Sandra Hüller, Michael Wittenborn - Durée : 2h42 - Sortie le 17 août 2016.

Synopsis : Quand Ines, femme d’affaire d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Sa vie parfaitement organisée ne souffre pas le moindre désordre mais lorsque son père lui pose la question "es-tu heureuse ?", son incapacité à répondre est le début d'un bouleversement profond. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l'aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann…

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