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Sortie VOD : "Made in France", plongée brutale dans une cellule djihadiste française

Pour sa nouvelle réalisation, Nicolas Boukhrief nous propose un thriller sur le terrorisme islamiste en France vu de l'intérieur. Un film brutal, haletant, au réalisme refroidissant qui ne sortira finalement qu'en e-cinéma sur les plateformes VOD le 29 janvier.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
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Dimitri Storoge, François Civil, Nassim Si Ahmed et Ahmed Dramé dans "Made in France"
 (Emmanuelle Jacobson-Roques / Pretty Picture)
"Salafistes", le documentaire troublant donnant, entre Tombouctou, la Mauritanie, l'Irak ou la Tunisie, la parole à ces terroristes, est sorti en salles ce mercredi, avec restriction d'âge. "Made in France" n'a lui, pas eu cette chance.
 
Le film, qui devait sortir le 18 novembre, a d'abord été décalé en raison des attentats du 13. Qui ne se souvient pas de ces affiches glaçantes, au lendemain des attaques, représentant une tour Eiffel en kalachnikov accompagnée de cette phrase effrayante : "La menace vient de l'intérieur" ? Une campagne de publicité retirée dans l'empressement et une sortie repoussée au 20 janvier. Et une explication, pour le moins sibylline de Pretty Pictures, le distributeur, dans 20minutes : "Les circonstances exceptionnelles font qu'il a fallu s'adapter".
Ancienne affiche de "Made in France"
 (Pretty Pictures)


"Difficultés de programmation"

Les salles acceptant de projeter le film ne se bousculant pas au portillon, la sortie cinéma avorte. "Suite à des difficultés de programmation en salles liées au sujet du film, Made in France sortira (via TF1 vidéo) vendredi 29 janvier en exclusivité e-cinéma sur toutes les plateformes VOD", annonçait, début janvier, la société par communiqué.
 
"Made in France". Un film maudit qui trotte dans la tête de son réalisateur Nicolas Boukhrief, depuis un petit bout de temps. Depuis la fin de la cavale de Khaled Kelkal, en direct devant les caméras de télévisions. Ce terroriste islamiste algérien du GIA (Groupe islamique armé), principal responsable de la vague d'attentats commis en France à l'été 1995 et l'attaque du RER B à Saint-Michel. Mais le projet germera véritablement en 2012, après l'affaire Merah.
François Civil, Nassim Si Ahmed et Dimitri Storoge dans "Made in France"
 (Emmanuelle Jacobson-Roques / Pretty Pictures)


Frontal

Boukrhief veut parler de ces jeunes gens en manque d'idéal. De ces jeunes gens qui, "hier encore, s'identifiaient à Scarface pour se forger un destin à leurs yeux romantique et qui aujourd'hui se rêvent en guerrier de la foi en lutte contre le mode de vie haram (illégal) des sociétés occidentales". Et il va le faire de façon frontale. Brutale. Dans un registre correspondant au type d'images qu'ils consomment. Le thriller.
 
Made in France met en scène Sam (Malik Zidi), journaliste indépendant qui va profiter de sa culture musulmane pour infiltrer les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Dans une mosquée clandestine, il sympathise avec Driss (Nassim Si Ahmed), Sidi (Ahmed Dramé) et Christophe (François Civil). Trois mecs sans vraiment de repères, mais bien décidés à faire le djihad. Hassan lui, (Dimitri Storoge) en revient. Il leurs annonce qu'ils ont reçu pour mission de créer une cellule djihadiste pour semer le chaos dans Paris. Un honneur selon lui. Paniqué par la situation, Sam informe la police. Mais complice malgré lui, elle fera pression pour qu'il la renseigne des faits et gestes de ces apprentis terroristes.
Dimitri Storoge, François Civil, Malik Zidi et Nassim Si Ahmed dans "Made in France"


Pur polar

C'est donc au bas de la hiérarchie du djihadisme que s'intéresse le réalisateur. Pas aux États qui le financent ou aux chefs de guerres. Mais à ses bleus. Une idée de départ intéressante pour un sujet casse-gueule. Mais dans les écueils, Boukhrief ne sombre jamais. À aucun moment, il ne tente l'analyse psychologique. Il se contente de montrer des situations et des êtres en perdition dans un polar au découpage minutieux. Un pur polar. Un polar dur.
 
À l'image de ses précédentes réalisations comme "Le Convoyeur" (2003) avec Jean Dujardin, François Berléand et Albert Dupontel. L'on y suivait le quotidien d'employés d'une société de transport de fonds à bout de nerfs, victimes de trois violents braquages dans l'année. Dans cette entreprise, un homme un peu étrange s'infiltrait, déjà, sans que l'on sache s'il s'agissait véritablement d'un ancien chômeur, d'un flic ou d'un braqueur.  Et déjà, derrière l'uniforme, on sondait les mécanismes de chacun.
Nassim Si Ahmed dans "Made in France"
 (Pretty Pictures)


Uppercut 

Fidèle à ses obsessions, Boukhrief, en dépeignant froidement le quotidien de ces terroristes novices, parvient une nouvelle fois à nous livrer un habile portrait de ses personnages, sans basculer dans la caricature. Le plus jeune, timide et un peu effacé qui semble surtout chercher un sens à sa vie (Ahmed Dramé), et qui tombe totalement sous la coupe de son chef, fanatique aveuglé par la haine (Dimitri Storoge). Le petit bourge qui s'ennuie un peu dans son confort et vouant une admiration à Al Pacino, aux armes et à la violence (François Civil). Et surtout Nassim Si Ahmed, déstabilisant en fougueux et belliqueux apprenti djihadiste.
 
Sur eux, le réalisateur ouvre une fenêtre sinistre. Des paumés, pour la plupart, qui se font endoctriner surtout par faiblesse, instrumentalisation et méconnaissance. Le résultat est un brillant mélange d'introspection et d'angoisse. Avec, en filigrane, une tension sourde portée par une mise en scène au millimètre. "Made in France" est un uppercut. Bref. Froid. Précis. 

LA FICHE

Thriller de Nicolas Boukhrief - Avec Malik Zidi, Nassim Si Ahmed, Ahmed Dramé, François Civil, Dimitri Storoge et Franck Gastambide - Durée : 1h34. Sortie e-cinéma/VOD le 29 janvier.

Synopsis : Sam, journaliste indépendant, profite de sa culture musulmane pour infiltrer les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Il se rapproche d’un groupe de quatre jeunes qui ont reçu pour mission de créer une cellule djihadiste et semer le chaos au cœur de Paris.

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