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"Shéhérazade", une histoire d'amour à Marseille dans les quartiers

Inspiré d'un vrai fait divers, "Shéhérazade" de Jean-Bernard Marlin raconte une histoire d'amour à Marseille entre un petit caïd et une jeune prostituée. Pour son premier long métrage récompensé par le prix Jean Vigo, en salles mercredi, le réalisateur a fait le choix d'interprètes non professionnels. Ils sont tous bluffants.
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Dylan Robert (Zacharie) et Kenza Fortas (Shéhérazade) dans "Shéhérazade" de Jean-Bernard Marlin.
 (Ad Vitam)

Reportage : P. Deschamps, J-M Lequertier, E. Rassat, M. Sermerdjian


Son héros est un authentique repris de justice

Pour mener à bien son projet, Jean-Bernard Marlin a mené huit mois de castings sauvages dans des foyers de la cité phocéenne ou à la sortie des prisons. Il a fini par trouver la perle rare avec Dylan Robert, qui tient le rôle principal, celui de Zachary. 

"J'étais incarcéré. Une éducatrice m'a parlé du casting", affirmait le jeune homme lors du dernier Festival de Cannes, sans en dire plus sur son parcours. Une fois libéré de prison, il s'est plongé dans le projet. Celui qui n'avait jamais imaginé être acteur, mais pensait devenir carreleur, a travaillé pendant deux mois le jeu et les émotions avec le reste du casting, composé comme lui de débutants, tous bluffants, à l'image d'Idir Azougli, le méchant du film.

"JB (le réalisateur, ndlr) m'a demandé de suivre toutes mes impulsions", se souvient Dylan Robert, qui à l'écran, est tout en violence prête à exploser, fougueux et amoureux pudique de Shéhérazade.

 

"Chez nous, l'amour c'est la haine"

Elle, c'est Kenza Fortas, une Marseillaise débordante de charisme, filmée pour la première fois. Si son parcours n'a rien à voir avec son personnage, elle connait la réalité des quartiers et les tabous qui vont avec, comme l'amour, l'autre sujet du film. "Chez nous, l'amour c'est la haine, on s'aime avec la haine, c'est pour cela que c'est difficile de dire je t'aime. On ne le dit pas, on le sait, c'est comme ça", expliquait-t-elle avant la projection cannoise du film, présenté à la Semaine de la Critique.

Dans le film, l'amour naissant de Zachary pour Shéhérazade passe mal auprès de ses proches, famille et compagnons de délinquance. A tel point qu'il va avoir du mal à assumer ses sentiments.
 
"Le côté jeune de quartier, ce n'est pas l'essentiel du film, mais il peut intéresser des gens d'un tout autre univers parce que finalement ce qu'il raconte est plus universel", souligne le réalisateur, qui a voulu à la fois montrer une éducation sentimentale, parler de la délinquance et de Marseille. Avec une exigence toute documentaire, il a d'ailleurs passé plusieurs mois à observer les jeunes filles qui se prostituent dans le quartier de la Rotonde à Marseille et à les faire parler de leur quotidien et de leurs histoires d'amour.

Les deux interprètes principaux du film étaient interviewés à Cannes pour l'émission "Stupéfiant!" (France 2)

 

Avec l'accent de Marseille

Dans ce film, la langue tient un rôle central, certains dialogues étant difficiles à comprendre pour les oreilles non exercées à l'accent marseillais, aux expressions locales et à celles de la rue. L'idée était de "sonner juste quitte à ce que le spectateur ne comprenne pas tout", confirme Jean-Bernard Marlin. "Si ces jeunes parlent comme des Parisiens, mon film ne tient pas", glisse celui qui est originaire de Marseille... mais en a perdu l'accent. 

Diplômé de l'Atelier Scénario de La Fémis, il avait déjà été remarqué en 2013 pour son court métrage "La Fugue", récompensé à la Berlinale, qui traitait déjà de délinquance dans la cité phocéenne.

"C'est aussi politique de mettre en lumière des gens qu'on voit peu au cinéma", dit-il. Avec "Shéhérazade", il a reçu le prix Jean-Vigo 2018, ex-aequo avec "Un couteau dans le coeur" de Yann Gonzalez. 

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