"The Artist" : le silence est d'or
Hollywood 1927. George Valentin est une vedette du cinéma muet à qui tout sourit. L’arrivée des films parlants va le faire sombrer dans l’oubli. Peppy Miller, jeune figurante, va elle, être propulsée au firmament des stars.
L’histoire de leurs destins croisés, ou comment la célébrité, l’orgueil et l’argent peuvent être autant d’obstacles à leur histoire d’amour.
Culoté
Cela faisait depuis le tournage d’ "OSS 117, mission au Caire", que Michel Hazanavicius rêvait de tourner un film muet en noir et blanc. Tout son entourage était condescendant autour de lui. Il écrit une première mouture du scénario, puis se focalise sur l’époque du passage du muet au parlant entre 1927 et 1931 à Hollywood. Grâce au producteur Thomas Langman, le projet prend tournure, avec notamment l’ambition de filmer à Hollywood même. Marché conclu, avec ses acteurs fétiches Jean Dujardin et Bérénice Béjo pour un film qui s’est vu récompenser du Prix d’interprétation masculine pour le premier.
Projet culoté, à l’époque de l’expansion du relief, du numérique, de l’Imax et du son DST, "The Artist" revient aux sources du cinéma, tout en étant d’une modernité étonnante. Reprenant avec talent les arcanes du genre - format standard (4/3), éclairages expressionnistes ou veloutés, jeu exacerbé des acteurs -, ce bijou est une ode au cinéma d’antan, une réflexion sur la starification et son impact sur la personnalité de l’acteur, en même temps qu’un mélo flamboyant tel qu’on en réalisait dans les années 20.
Panthéon
Michel Hazanavicius maitrise de bout en bout son sujet, se plaisant à citer les films et comédiens de l’époque, de Murnau à Lang, en passant par Douglas Fairbanks ou Jean Harlow. Mais Hazanavicius se plaît à mélanger ces références à des cinéastes et films plus récents, tels que "Le Silence est d’or", "Chantons sous la pluie" ou "Vertigo", pour en faire comme un panthéon du cinéma qu'il aime.
Réalisé à Hollywood dans les studios de la Warner et de la Paramount qui ont créé ce cinéma, filmant dans les villas des stars de l’époque, il la recrée de toutes pièces avec un art de la précision qui sert son propos de façon magistrale, notamment grâce à la photographie de Guillaume Shiffmann. Il a bénéficié de la participation d’acteurs américains, tels que John Goodman et James Cromwell qui se sont pris au jeu, ravis de participer à une évocation de l’histoire hollywoodienne. Sans oublier le chien qui suit partout Dujardin, à la source de plus d’un gag. Privilégiant l’émotion, du rire aux larmes, "The Artist" est une déclaration d’amour au cinéma absolument bouleversante et jubilatoire.
L’expressivité corporelle de Dujardin fait merveille, en phase totale avec le sujet. Maîtrisé de bout en bout, avec un scénario aux petits oignons, une évocation du Hollywood de l’âge d’or et de la révolution du parlant, "The Artist" donne également envie de se ressourcer à l’art du muet et de (re)découvrir des œuvres d’une beauté inouïe au regard de la production contemporaine. Il n’est pas question d’être passéiste, de clamer « c’était mieux avant », mais de s’ouvrir à une autre cinématographie pour mieux se relier à celle d’aujourd’hui. Dans ce sens, Michel Hazanavicius nous invite au cœur de son Xanadu, avec comme sésame, le plaisir.
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