"Take Shelter" : tempête sous un crâne
Curtis mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède, alors que son comportement devient de plus en plus inquiétant.
Grand prix du Festival de Deauville et de la Semaine de la critique à Cannes, « Take Shelter » s’apparente à un semblant de film catastrophe. Un citoyen américain lambda a des prémonitions quant à l’imminence d’une tempête dévastatrice, voire apocalyptique. Elles empiètent sur son équilibre mental, allant jusqu’à détruire sa vie de famille et toute sociabilité. Cette tempête n’est-elle pas celle qui se joue sous son crâne, comme déconcerté par une société américaine en rupture d’un rêve désormais perdu ?
Citoyen moyen, Curtis (Michael Shannon) est l’archétype de cette classe moyenne laminée par la crise des subprimes. Il exerce un emploi ingrat qui le monopolise plus que de raison, son épouse aligne les petits boulots, et leur enfant soude leur couple, fragilisé par une maison qu’ils n’ont pas fini de payer.
Cette tempête qui approche est à l’image de cette décomposition en marche qui risque d’envoyer en éclat la construction de toute une vie. Dans « Take Shelter », elle prend la forme d’une peur phobique bien ancrée dans la personnalité de Curtis. Il y voit le péril qui menace sa femme et sa fille et qu’il doit protéger coûte que coûte. Pour prévenir le désastre, il s’engage dans la construction obsessionnelle d’un abri anti-tornade.
Son entreprise, sans fondement aux yeux de son entourage, va le faire passer pour fou, schizophrène-paranoïaque, aux yeux de son épouse (Jessica Chastain), de ses collègues et de son employeur. Il y perdra son emploi et les créanciers ne seront pas longs à débarquer. Michael Shannon avait déjà interprété un déséquilibré dans le perturbant et perturbé « Bug » de William Friedkin. Mais, là, il parvenait à contaminer de sa folie obsessionnelle une jeune femme croisée sur sa route. Dans « Take Shalter », il est seul à l’affronter, alors qu’il pourrait bien avoir raison.
Durant tout le film, Jeff Nichols joue de l’ambivalence entre paranoïa et prémonition, en alternant l’exposé d’un homme perturbé par des visions et des
événements objectifs qui, à ses yeux, les confirment. Ce qui nous vaut des images splendides de cieux apocalyptiques, étranges et réalistes qui concrétisent et confirment ses appréhensions. Grand film paranoïaque et métaphore sur l’état de l’Amérique contemporaine post-11 septembre et crise financière, « Take Shelter » assimile le paranoïaque à un individu détenteur d’une balance plus précise pour peser le poids de la réalité.
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