"Piazza Fontana" : chronique italienne d'une manipulation politique
De Marco Tullio Giordana (Italie), avec : Valério Mastandrea, Pierfrancesco Favino, Michela Cescon - 2h00 - Sortie : 28 novembre
Synopsis : Milan, 1969 : une bombe explose à la Banque Nationale d'Agriculture, Piazza Fontana, faisant 17 morts et 88 blessés. Le commissaire chargé de l'enquête, s'oriente vers les milieux d'extrême gauche et d'extrême droite mais peu à peu, il a la certitude que les responsables sont au pouvoir.
Les années de plomb
En 1969, l’Italie est au seuil de ce qu’il est convenu d’appeler les années de plomb qui qualifient les vagues d’attentats successifs ayant embrasé le pays, comme peu après l’Europe entière et notamment l’Allemagne. Vue la nature de ces actes criminels, « Piazza Fontana » renoue avec la prolifique veine du cinéma politique transalpin qui connût son heure de gloire dans les années 70.
Marco Tullio Giordana ne réalise donc pas un thriller ou un polar, même si la majeure partie de son film se déroule dans les commissariats et autres palais de justice. Il reconstitue avec minutie une enquête d’emblée orientée à charge contre la mouvance anarchiste italienne. Relatées du point de vue du jeune commissaire Luigi Calabresi, de la brigade politique, ses investigations le guident rapidement sur la trace de manipulations politiques, une « stratégie de la tension » inaugurée en Italie avec l’attentat de la Piazza Fontana.
Effet de miroir
Très didactique dans l’évolution de son récit, « Piazza Fontana » veut rafraîchir la mémoire des Italiens sur une part de son histoire qui a tendance à être oubliée, voire inconnue des jeunes générations, alors que le pays, comme nombre d’autres en Europe, traverse une crise sociale majeure, à l’image des années 60. Le contexte politique actuel italien, avec la montée du nationalisme dans le nord, corrobore également celui du tournant des années 60/70 avec la montée en puissance des néofascistes. L’effet de miroir est saisissant.
L’enquête sur l’attentat de la Piazza Fontana aboutira à l’inculpation et aux procès - cinq au total - de néofascistes et d’anarchistes qui seront tour à tour accusés de terrorisme, créant ainsi une confusion totale des mobiles et nature des motivations politiques, noyant le poisson dans un épais brouillard, afin de protéger un pouvoir qui avait toutes les raisons de s’inquiéter des montées extrémistes. Marco Tullio Giordana traite son sujet avec recul et sans préjugés, s’attachant à relater les faits sans affecte, ni partialité. Il n’en reste pas moins que son film demeure d’une froideur chirurgicale, claustrophobe et bavard. Passionnant dans le fond, la forme perd en efficacité. Pointe alors la question de savoir si un documentaire n’aurait pas été plus pertinent.
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