"Les Invisibles", une comédie sociale sur des femmes SDF avec Audrey Lamy et Corinne Masiero
Une quinzaine d'actrices non-professionnelles, qui ont connu la rue, mettent leur vérité au service des "Invisibles" de Louis-Julien Petit, aux côtés de Corinne Masiero, une fidèle de Petit, d'Audrey Lamy ou de Deborah Lukumuena ("Divines") pour une comédie sociale entre émotion et éclat de rire, en salles mercredi. Une épopée tragicomique, résolument ancrée dans le réel.
Et pour cause. Le réalisateur de 35 ans, salué pour "Discount" (2015), a passé un an comme bénévole en centres d'accueil pour femmes, à Grenoble et Paris notamment, pour comprendre et trouver le ton juste. "Quand on traite un sujet comme celui-ci, on a intérêt à être juste...", avait-t-il expliqué en août au Festival du film francophone d'Angoulême, où son troisième long métrage était présenté en avant-première.
Reportage : P. Deschamps / G. Michel / O. Lecointe / H. Horoks
"Résistantes modernes"
Un film inspiré d'un documentaire/livre sur les femmes SDF de Claire Lajeunie en 2014. Ses "Invisibles" sont bien sûr les femmes accueillies - 40% des sans-abris -, qui souvent se griment, se cachent pour échapper à la violence de la rue, explique-t-il. Mais aussi "les personnes qui ne sont pas aidées à aider les autres, ces travailleuses sociales et leur combat acharné, sans reconnaissance".
"Mon idée c'était un film sur les résistantes modernes, des femmes qui vont s'unir et combattre ensemble, en se disant : OK, on nous met de côté, donc on va prendre notre destin en mains, trouver une solution." Solution qui, dans le film, passe par redécouvrir "qui" étaient ces femmes, ce qu'elles faisaient "avant", leurs compétences, leur formation, etc.
Dans "Les Invisibles", travailleuse sociales et SDF jettent tout dans la bataille pour réinsérer à tour de bras avant la fermeture du centre, leur "Cour des miracles". Usant de subterfuges (mensonges, falsification, piston) mais aussi d'ateliers de prise de confiance, d'entretiens, d'embauche à blanc. Et se muant de facto en centre d'accueil 24/24h, en toute illégalité.
"C'est interdit, mais c'est juste"
"Leur combat est une utopie, c'est ce qui m'intéressait. Ce n'est pas le but qui est important, c'est l'action, l'action commune, le vivre ensemble. Se dire, c'est interdit, mais c'est juste, en tout cas", souligne Louis-Julien Petit, qui cite comme inspiration des Ken Loach, Stephen Frears, films sociétaux de la Grande-Bretagne post-Thatcher. Mais aussi "La vie est belle" de Roberto Benigni (1997), qui "arrive à parler de l'horreur de manière comique".
"Les Invisibles" effleure, mais évite l'écueil de l'acharnement contre une administration aveugle et lente. "Cela ne m'intéressait pas, et cela a déjà été fait magnifiquement par Loach dans 'I, Daniel Blake', un chef d'oeuvre...", glisse Louis-Julien Petit.
En revanche, dans la place laissée individuellement aux "accueillies", avec chacune son langage, sa personnalité, sa trajectoire, ses réparties, il ne perd jamais son fil rouge humain -et comique. "Eh, t'as pas le monopole de la réussite, Chantal !", lance une SDF à une autre.
Chantal. "Un emblème de ce film, le symbole de la résilience", dit Corinne Masiero, du personnage joué par Adolpha van Meerhaeghe, sa "pote". Une ex-SDF de 70 ans, qui comme dans le film a connu la prison (elle tua son mari violent) et la rue. Elle donne aujourd'hui des lectures avec Corinne Masiero (des textes écrits en prison), de petits ateliers artistiques, à son appartement, et "continue de faire le bien autour d'elle".
"Ce film dénonce un truc et demande des solutions à ceux qui le regardent", s'emporte l'actrice roubaisienne engagée à gauche. "Il y a des tas d'associations, des gens qui se bougent le cul, mais les politiques maintenant faut qu'ils prennent leur responsabilités. Pas demain. Maintenant".
LA FICHE
Réalisateur : Louis-Julien Petit
Pays : France
Avec : Audrey Lamy, Corinne Masiero, Déborah Lukumuena, Noémie Lvovsky, Sarah Suco, Brigitte Sy, Pablo Pauly, Quentin Faure...
Durée : 1h42
Synopsis : Suite à une décision municipale, l’Envol, centre d’accueil pour femmes SDF, va fermer. Il ne reste plus que trois mois aux travailleuses sociales pour réinsérer coûte que coûte les femmes dont elles s’occupent : falsifications, pistons, mensonges… Désormais, tout est permis !
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