"L'humour à mort", le documentaire qui fait revivre les disparus de Charlie Hebdo
Qui d'autre ? Qui d'autre que Daniel Leconte pour réaliser cet hommage aux disparus des attentats du 7 janvier. En 2008, c'est lui déjà qui réalisait "C'est dur d'être aimé par des cons", quand Charlie Hebdo avait été attaqué en justice après les publications des caricatures de Mahomet.
"On n'est pas obligé d'éliminer physiquement son détracteur"
Il signait alors une réflexion ardente sur la liberté d'expression, sur les peurs et les lâchetés qu'elle suscitait. "On a le droit de ne pas trouver drôle ou de trouver énervant un dessin. Mais on n'est pas obligé de déclarer la guerre et d'éliminer physiquement son détracteur", confiait alors à cette époque Charb. Des propos qui prennent toute leur résonnance aujourd'hui.Sept ans après, avec les rushes non utilisés du film, les images des manifestations du 11 janvier et de nouveaux entretiens, Daniel et Emmanuel Leconte tentent de condenser le drame des attentats de janvier. Celui du 7 dans lequel douze personnes, dont certains des plus grands dessinateurs de presse français, Cabu, Wolinski, Charb, Tignous et Honoré, ont perdu la vie. Et celui du 9 dans l'Hyper Casher de la porte de Vincennes où quatre otages étaient assassinés.
Un film émotionnel
Le documentaire se veut surtout un hommage poignant à tous. Un film qui se positionne clairement comme une œuvre subjective au sein de la famille Charlie Hebdo. Une façon aussi pour les documentaristes de lutter contre la volatilité des informations dans les médias et l'opinion publique. Contre certaines mises en relief "un peu scabreuses". Le documentaire ne se prive ainsi pas de placer une réponse acerbe aux propos de Delfeil de Ton, l'un des fondateurs de l'hebdomadaire satirique, auteur d'une tribune parue dans l'Obs titrée "Je t'en veux vraiment Charb".Ce placement a toutefois une vraie limite. Car ce film est loin d'expliquer autant qu'il n'émeut. Le documentaire n'évoque en effet que très partiellement quelques questions intéressantes sur les causes des attentats et sur l'état réel de la société française après ceux-ci. Un film émotionnel qui souffre d'une mise en scène plutôt maladroite. Un assemblage d'images sans homogénéité enrobé d'une voix off pesante et d'une bande son tire-larmes.
Porte-parole
Il n'empêche, le film a surtout le mérite de faire revivre les dessinateurs en se faisant leur porte-parole. Pour faire encore et toujours raisonner leur voix, leur malice, leur humour, leur ironie contre la barbarie.La caméra nous emmène aussi dans les locaux de Libération, durant les jours qui ont précédé la sortie du "numéro des survivants" du 14 janvier. C'est un peu la version en image de ce "Charlie post-attaque" où les rescapés se sont démenés pour "tout pardonner" qui nous est dévoilé. On en serait presque à regretter que tout le documentaire ne soit pas entièrement consacré à ces instants-là. Ou à cet ultime chapitre qui dresse brièvement un portrait enjoué des dessinateurs de Charlie Hebdo avec en trame une soirée au karaoké où ils étaient tous réunis. La vie, la légèreté, l'inconscience, les rires, la liberté. Leurs remèdes contre l'obscurantisme.
Reportage : F. Maillard-Laudisa / G. Pinol / F. Clarke / P.M. de la Foata
Documentaire de Daniel et Emmanuel Conte. Durée : 1h30. Sortie le 16 décembre.
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