"J. Edgar" : Eastwood Hoover the top
La vie publique et privée de l’une des figures les plus puissantes, les plus controversées et les plus énigmatiques du 20e siècle, J. Edgar Hoover. Incarnation du maintien de la loi en Amérique pendant près de cinquante ans, J. Edgar Hoover était à la fois craint et admiré, honni et révéré. Derrière les portes fermées, il cachait des secrets qui auraient pu ruiner son image, sa carrière et sa vie.
Matière première
Le biopic va bien à Clint Eastwood qui avait réalisé un de ses plus beaux films avec "Bird", sur la vie de Charlie Parker. Il s’attaque cette fois à une grande figure de la politique américaine, J. Edgar Hoover, qui créa le FBI dans les années 20 et y resta aux commandes jusqu’à sa mort sous la présidence de Richard Nixon, soit pendant près d’un demi siècle.
Figure controversée s’il en est, anti-communiste viscéral, détenteur de dossiers secrets qui faisaient trembler tout l’establishment, Hoover a sévi sous huit présidents et traversé trois guerres. Autant dire qu’il y a matière à un film. Et qu’il revienne à Clint Eastwood de le réaliser avec Leonardo DiCaprio dans le rôle-titre constituent deux atouts de poids. La forme classique propre à Eastwood convient à un sujet délicat quand il s’agit d’un homme de pouvoir comme Hoover, manipulateur et efficace dans son rôle d’inquisiteur contre le grand banditisme ; à la fois brutal et convaincu de ses méthodes qui révolutionnèrent la police par l’institution d’expertises médico-légales et scientifiques.
Emplâtrage
Pas facile de ne pas tomber dans le piège de la glorification ou du dossier à charge. Le classicisme d’Eastwood lui donne le recul indispensable à un traitement équilibré d’un sujet qui offre son flanc à tous les excès. Comme dans "Bird", il ne suit pas une chronologie linéaire mais passe d’une époque à l’autre tout en souplesse, ce qui en dynamise la narration. Dommage pourtant que les maquillages vieillissant les personnages joués par DiCaprio (par ailleurs remarquable), Naomi Watts et Armie Hammer ne soient pas à la hauteur de la belle teneur artistique du film. Ils sont littéralement recouverts d’un emplâtrage qui freine leur crédibilité au premier coup d’œil.
A personnalité complexe, alchimie filmique
Hoover s’est toujours érigé comme un défenseur de l’intégrité américaine, non seulement face à l’explosion de la pègre dans le sillage de la grande dépression, mais également contre l’infiltration communiste et la crainte d’une invasion intérieure qui l’obséda sa vie durant. Si Eastwood retrace les grandes étapes de son parcours, dont l’affaire du rapt du bébé Lindbergh qui propulsa le FBI et Hoover en haut de la popularité, il aborde également l’homme, pourtant très avare en confidences sur sa vie privée, alors qu’il ne se privait pas de piller celle des autres.
Son attachement excessif à une mère qui fut pour lui un modèle de rigueur et son homosexualité refoulée, vécue avec son plus proche collaborateur, sa quête constante de reconnaissance, sinon de vedettariat et son culte du secret alimentent une personnalité complexe mise à plat par une alchimie filmique prenante.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.