"Augustine" : quand Charcot exhibait l'hystérie
1875. Augustine, jeune fille atteinte d'hystérie, arrive à l'hôpital de la Salpêtrière. Elle devient le modèle favori du nouveau laboratoire de photographie et la patiente du professeur Charcot.
Charcot ambigue
Alors que le nouveau film de David Cronenberg, "A Dangerous Method" traite de la rencontre entre Carl J. Jung et Sigmund Freud, avec comme médiatrice Sabina Spielrein - future première femme psychanalyste -, le moyen métrage de Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat, "Augustine", en constitue le complément parfait. Son sujet : les rapports ambigus du professeur Jean-Martin Charcot, pionnier de la neurologie, avec une de ses patientes hystériques, à la Salpêtrière, à Paris en 1875.
Si ambiguité il y a, c’est dans l’approche thérapeutique pratiquée à l’époque, toute expérimentale. Très influencée par la naissance de technologies nouvelles, ses usages restent discutables sur plus d’un aspect. Ainsi, celui consistant à exhiber les patientes devant un parterre de visiteurs chaque semaine, en déclenchant ou en reconstituant (!) les crises les plus spectaculaires. L’on n’est pas loin des exhibitions de monstres de foire, très pratiquées à l’époque, telle la Vénus Hottentote qui a fait l’objet cette année de "La Vénus noire" d’Abdellatif Kechiche.
Hystérie cinématographique
Augustine demeure la plus célèbre patiente de Charcot qui se servit notamment de la photographie naissante pour fixer ses fameuses crises. Arrivée à l’âge de 14 ans à la Salpêtrière, elle fut son modèle "préféré" pour le caractère régulier de ses manifestations, non moins impressionnantes, mais également sa beauté. Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat ont privilégié cet aspect historique en tournant leur film en noir et blanc 16 mm gonflé en 35 mm, afin de retrouver le grain des images de l’époque, avec un noir et blanc très contrasté et un son qui fait plus d'"Augustine" un "film sonore" que "parlant". Parti pris justifié, teinté d’un réalisme qui n’est pas sans évoquer "L’Enfant sauvage" de François Truffaut, sur le sauvageon de l’Aveyron dont la découverte dans ces forêts "antédiluviennes" remonte à 1801.
"Augustine" s’attarde également sur tout un attirail auquel faisait appel Charcot pour ses thérapies, tel ce curieux "compresseur ovarien", une ceinture qui appuyait sur les ovaires afin de stopper la crise. L’électricité était mise à contribution, ainsi que l’hypnose, principale apport de Charcot à Freud dans ses recherches initiales qui conduiront à la psychanalyse.
Le destin d’Augustine, dont le véritable nom est Louise (comme si on lui avait changé, à l'image d'une prostituée) est des plus romanesques. Lasse d’être exhibée et de devoir feindre l’hystérie (« On peut défaire et refaire à volonté et on peut observer tout à loisir » disait Charcot), elle s’enfuit de la Salpêtrière déguisée en homme (Maud Forget est coiffée de la casquette de Jeanne Moreau dans "Jules et Jim" de Truffaut) pour ne plus jamais faire reparler d’elle. Le sujet fascine et fait depuis l’objet d’un long métrage d’Alice Winocour, actuellement en tournage, avec Vincent Lindon dans le rôle du professeur Charcot.
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