"Americano" : de la métaphysique du film
Martin vit à Paris avec Claire. Leur relation est dans une impasse. Lorsqu’il perd sa mère, restée en Californie, Martin doit retourner dans la ville de son enfance pour s’occuper de la succession. Pour faire son deuil, Martin va devoir revisiter son passé.
Souvenirs, souvenirs
Comédien, Mathieu Demy passe pour la première fois derrière la caméra. Normal, fils de Jacques Demy et Agnès Varda, il a ça dans les gènes. Si l’on insiste sur ses origines, c’est que son film en parle. Pas des siennes propres, mais de celles du personnage qu’il incarne et a écrit, confronté au deuil d’une mère, et à la remémoration de l’enfance.
Si les premiers films sont souvent imprégnés de souvenirs ou d’éléments autobiographiques, Mathieu Demy s’en détourne en inventant une histoire de famille qui n’a rien à voir avec la sienne. "Americano" n’en reste pas moins une histoire de famille, repose sur le thème de la souvenance et de la résurgence du passé dans le présent.
Mathieu Demy l’exprime en insérant dans son film, des extraits d’un film tourné par sa mère Agnès Varda, où il apparaît enfant, au contact d’une mère fictionnelle. A croire qu’il a déduit de ces scènes son film en salle aujourd’hui. C’est d’ailleurs la part la plus réussie d"’Americano". La différence entre la matière filmique de ces scènes ressurgies du passé, et celles tournées aujourd’hui, traduisent, inscrivent dans la chair même du film, la distance entre présent et passé, que Martin (Mathieu Demy) essaye de remonter.
Cinéma, cinémas
Ayant convoqué Géraldine Chaplin, Chiara Mastroniani, Jean-Pierre Mocky, Salma Hayek devant la caméra, une telle distribution veut bien dire que Mathieu Demy invite le cinéma dans son film. Le cinéma ne stigmatise-t-il pas le rapport du présent au passé, en pérennisant un temps disparu ? C’est tout le propos d’"Americano", où un homme va en quête (enquête) de son enfance.
Si cette intention est au cœur du film, elle reste sensible sur le seul plan formel. "Americano" pèche en effet sur le plan dramatique, puisque l’on ne croit pas une seconde à l’histoire de Martin, alors que le cinéma, c’est aussi faire croire par l’identification. Martin est tout le long du film un personnage qui s'illusionne, il veut croire que Lola (Salma Hayek) est bien la fillette qu'il a connue enfant, il s'étonne que sa décapotable soi volée en plein Tijuana... Martin est un personnage qui se mord (mort) la queue. A moins que cette négation participe du propos de Mathieu Demy sur le cinéma, en dénonçant son processus fictionnel et illusionniste. Il interroge ainsi la matière filmique même. Intéressant, mais cette intellectualisation laisse sur le bord du chemin toute émotion.
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