Présumé coupable
Le calvaire d'Alain Marécaux - "l'huissier" de l'affaire d'Outreau - arrêté en 2001 ainsi que sa femme et 12 autres personnes pour d'horribles actes de pédophilies qu'ils n'ont jamais commis. La descente en enfer d'un homme innocent face à un système judiciaire incroyablement injuste et inhumain.
L'histoire de sa vie et de celle de ses proches broyée par une des plus importantes erreurs judiciaires de notre époque...
A quelque deux mois de distance, deux films français reconstituent ce qui aux yeux de leurs auteurs constituent deux erreurs judiciaires majeures. Et pas des moindres, puisqu’il s’agit dans le premier cas d’"Omar m’a tuer" (sur l’affaire Omar Raddad) de Roschdy Zem et aujourd’hui de "Présumé coupable" sur l’affaire d’Outreau, de Vincent Garenq. Deux faits divers, deux procès qui ont fait coulé beaucoup d’encre, remettant fortement en cause l’institution judiciaire française et dont ce sont emparés des cinéastes sous un angle militant, où s’expose leur intime conviction au regard des dossiers, tout comme le ferait un juge, selon le droit français.
Dans les deux cas, les sujets tournent autour de deux hommes pris dans les méandres de la justice sous un angle résolument kafkaïen, Omar Raddad et Alain Marécaux, l’huissier accusé de pédophilie dans l’affaire d’Outreau. Chacun d’eux a écrit et publié le récit de son calvaire, à l’origine des deux films, "Chronique de mon erreur judiciaire" (Flammarion) devenant aujourd’hui "Présumé coupable" au cinéma.
Autant "Omar m’a tuer" ne convainquait guère sur le plan cinématographique (malgré l’impressionnante composition de Sami Bouajila) que "Présumé coupable" suscite l’adhésion. La performance de Philippe Torreton, qui interprète Alain Marécaux n’est pas le seul atout allant au bénéfice du film, même si elle est remarquable, au-delà de sa performance physique sur laquelle ont d’ores et déjà beaucoup glosé les commentateurs. L’écriture et la mise en scène de Vincent Garenq y participent pour beaucoup, serrant de près son personnage martyrisé par une justice œuvrant uniquement à charge (comme ce fut d’ailleurs le cas pour Raddad), faisant usage d’une caméra portée, non seulement dans le souci d’apporter une patte documentaire au film, mais qui transmet le bouillonnement intérieur, le stress subi par Marécaux à tous les stades de ce qui se révèle être un véritable martyr. Le cadre enserre constamment le personnage dans des espaces cloisonnés par des pans (murs, grilles, vitres, portes…) qui traduisent son enfermement tant physique que mental sous la pression judiciaire.
Ouvertement à décharge (comme "Omar m’a tuer"), "Présumé coupable" cerne également de près le rôle essentiel qu’a tenu dans cette affaire le juge Burgaud, dont Raphaël Ferret rend toute la froideur et la conduite uniquement à charge de son instruction qui lui furent reprochées. Wladimir Yordanoff n’est pas moins remarquable dans le rôle de Maître Hubert Delarue qui défendait Marécaux et les autres accusés d’Outreau.
"Présumé coupable" ne s’inscrit pas dans le même contexte qu’"Omar m’a tuer", Omar Raddad œuvrant toujours à la reconnaissance de son innocence (il a été gracié et non lavé de tous soupçons), alors qu’Alain Marécaux, ainsi que les autres accusés dans l’affaire, ont été acquittés au terme de plusieurs procès. Mais Raddad comme Marécaux demeurent des êtres brisés dans leur vie, par une machine judiciaire qui les entache encore aujourd’hui. Raddad n’est toujours pas innocenté et des rumeurs suspicieuses tournent toujours autour de Marécaux, de la bouche même du garde des Sceaux en fonction à l’époque, Pascal Clément, ce qui ne manque pas d’ulcérer Garenq et Torreton, ce dernier envisageant même faire valoir un droit de réponse à son encontre.
Vincent Garenq souligne le "degré zéro d’imagination" de son film par rapport aux faits sur lesquels il s’est abondamment documenté, rencontrant même une résistance certaine des instances judiciaires dans ses recherches. Une opacité contrebalancée par la validation du script par un haut magistrat, Serge Portelli. "Présumé coupable" n’est toutefois pas un documentaire, loin s’en faut, tant sa teneur dramatique est forte et convainc que l’art est aussi un vecteur du réel.
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