"Port Authority", premier film de Danielle Lessovitz : un bouleversant "Roméo et Juliette" en terre queer
Premier rôle au cinéma pour Leyna Bloom, top-model transgenre, qui crève l'écran dans cette histoire d'amour universelle.
Port Authority, dans les salles le 25 septembre, est le premier long-métrage de l'auteure et scénariste Danielle Lessovitz, qui avait co-signé le scénario de Mobile Home, en 2017. Produit par Martin Scorcese et sélectionné à Cannes dans la section Un certain Regard, ce premier film plonge dans le monde queer et met en scène dans une histoire d'amour romantique l'actrice et top-model afro-américaine transgenre Leyna Bloom, icone engagée du mouvement LGBTQ (lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queers).
On entre dans l'histoire dans les pas de Paul (Fionn Whitehead), en conditionnelle, débarqué à New York à la gare routière Port Authority. A son arrivée, sa sœur, qui devait l'accueillir, n'est pas là. Après quelques jours d'errance dans les rues de New York, il croise dans le métro Lee (Maccaul Lombardi), qui lui offre un toit dans un refuge de nuit pour SDF, et un boulot, qui consiste à récupérer l'argent des loyers impayés dans les quartiers pauvres de New York, ou pire, à procéder aux expulsions musclées.
Parallèlement à cette vie de débrouille, Paul rencontre Wye (Leyna Bloom), une très belle jeune femme noire aperçue pour la première fois dans la rue avec un groupe de queers, adeptes du voguing, cette danse née dans les années 60 dans le quartier new-yorkais de Harlem au sein de la communauté homosexuelle afro-américaine et latino, et qui reprend la gestuelle des défilés de mode.
Paul et Wye se rapprochent. Wye l'invite chez elle, dans l'appartement d'Harlem qu'elle partage avec sa famille, celle qu'elle s'est choisie, et qui dans un premier temps regarde Paul, blanc, hétérosexuel, d'un mauvais œil, avant de l'accepter. Paul se sent bien dans cette maison remplie de joie et d'amour, et il tombe amoureux de Wye. Mais un soir, dans un ballroom de voguing, où se disputent les compétitions de danse, Paul comprend que Wye n'est pas une jeune femme comme les autres…
Universel
Le film de Danielle Lessovitz nous fait entrer dans le monde queer à travers l'œil vierge de Paul, jeune américain blanc, hétérosexuel, originaire de Pittsburg. Le garçon est fasciné par l'univers qu'il découvre, et il trouve dans la famille de Wye ce qui lui a depuis toujours manqué : une famille, ce cocon dans lequel les uns et les autres s'aiment et se soutiennent. "Nous voyons souvent des histoires de personnes issues d'une culture minoritaire qui souhaitent intégrer la culture dominante. Moi je voulais montrer le contraire", souligne la réalisatrice. "La culture des salles de Ballroom est une réponse magnifique à la culture dominante aux États-Unis", poursuit Danielle Lessovitz, pour qui cette communauté "a réussi à ne prendre que les bons côtés de la famille et à l'incarner d'une manière différente".
Dans Port Autorithy, comme dans Romeo et Juliette, ou Tristan et Iseult, ou n'importe quelle bonne tragédie, après la rencontre, les héros sont confrontés à des obstacles empêchant l'amour de s'épanouir. Ils sont ici de taille. Les copains et protecteurs de Paul sont très, très homophobes, et les membres de la famille "adoptive" de Wye, qui veulent la protéger, se montrent hostiles. Sans parler des réticences, mensonges et préjugés de Paul. Les deux amoureux vont donc devoir se battre contre le monde et ses normes, mais aussi contre eux-mêmes. Comme dans toutes les bonnes histoires, le dénouement redistribue les cartes et donne aux héros, ici surtout à Paul, l'occasion d'offrir une nouvelle chance à leur vie, et un chemin vers eux-même.
"Je reprends l'espace que le monde ne me donne pas"
Le premier long-métrage de Danielle Lessovitz est magnifiquement servi par ses comédiens et danseurs aussi drôles qu'émouvants. Fionn Whitehead interprète avec retenue un Paul, tendre et écorché vif. Face à lui Leyna Bloom crève l'écran.
Sans voyeurisme, la caméra de Danielle Lessovitz filme au plus près les corps des comédiens et des danseurs, l'énergie et la joie qui s'en dégagent, autant que la souffrance. Elle entre aussi, sans pathos dans le New York pauvre et la misère des laisser-pour comptes américains. "Je veux juste reprendre l'espace que le monde ne me donne pas" dit l'un des danseurs en déployant ses bras dans les lumières du ballroom. Et c'est bien là le sujet, universel, de ce très beau film.
La fiche
Genre : drame
Réalisateur : Danielle Lessovitz
Acteurs : Fionn Whitehead, Leyna Bloom, McCaul Lombardi
Pays : Américain
Durée : 1h42
Sortie : 25 septembre
Distributeur : ARP Sélection
Synopsis : C’est l’histoire d’une rencontre, entre un jeune homme blanc qu’on prend pour un loser et qui tente de survivre dans un New York qui ne veut pas de lui, et une "famille" de danseurs noirs et queer de Harlem adeptes du "voguing". Parmi eux, il y a une fille superbe. Mais voilà, elle n’est pas seulement une fille superbe.
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