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"Les Huit salopards" : Tarantino renaît sous le blizzard

Avec "Les Huit salopards", Quentin Tarantino nous livre une sorte de faux western en forme de huis clos étouffant, en situant son intrigue quelques années après la guerre de Sécession. Un film surprenant mais convaincant, dans lequel le cinéaste semble revenir à l’essence même de son cinéma.
Article rédigé par franceinfo
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Kurt Russell et Samuel L. Jackson dans "Les Huit salopards"
 (2015 The Weinstein Company)

Désarçonnant ce nouveau Tarantino. Dès la première scène. Un long plan fixe sur une montagne enneigée. Puis un autre, interminable, en travelling arrière, qui quitte un Jésus sur sa croix en plein milieu d’un désert glacé pour dévoiler l’avancée périlleuse d’une diligence bravant la neige et le vent.
 
Et pour envelopper le tout, la musique envoûtante du mythique Ennio Morricone, dont les airs à cordes évoqueraient presque plus le cinéma d’horreur que le western. Car si le contexte historique est sensiblement le même que celui de sa dernière réalisation "Django Unchained", ce film lorgne en réalité vers toute autre chose que le western.

Casting royal et faux semblants

Qu’est-il donc arrivé à Tarantino ? Le réalisateur se serait-il assagi ? Et si son style s’était tout simplement épuré ? Où sont passées ses entrées en matière grandiloquentes et tapageuses ?
 
Des interrogations qui vont en réalité vite s’estomper tant le cinéaste semble, au fil du film, creuser son propre sillon, quitte à parfois tomber dans l’auto-caricature. Casting royal, découpage en chapitres, faux semblants, bande originale travaillée, déferlement de violence. Tout y est. Comme à l’accoutumée, Tarantino pose son histoire en prenant son temps. Tout son temps. Mais cette fois, la mise en place est tout bonnement interminable.
Kurt Russell dans "Les Huit salopards"
 (2015 The Weinstein Company.)

Nous voilà quelques années après la guerre de Sécession, dans un Wyoming frappé par un puissant blizzard. John Ruth (Kurt Russell) chasseur de primes, affectueusement surnommé "Le Bourreau", fait route vers Red Rock. Il y conduit sa prisonnière, la dangereuse criminelle Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), qui doit être pendue.
 
En chemin, leur diligence s’arrête pour recueillir le Marquis Warren ( Samuel L. Jackson), autre célèbre chasseur de primes, ainsi que les trois cadavres qu’il transporte. Warren ne prenant pas le risque, lui, de laisser ses prisonniers vivants. Un peu plus loin, c’est Chris Mannix (Walton Goggins), le nouveau shérif de Red Rock, qui sera récupéré par le joyeux convoi.

Une seconde partie plus enlevée

En attendant que la tempête se calme, ils décident de faire une halte dans la mercerie de Minnie, auberge de montagne complètement branlante. Mais la propriétaire est absente. A la place, ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques et pour le moins loufoques, parmi lesquels un confédéré raciste (Bruce Dern), un pianiste mexicain devenu fée du logis (Demian Bichir), un prétendu bourreau anglais court sur pattes (Tim Roth) ou un mystérieux cowboy (Michael Madsen). Et voilà, dans cette mercerie couinante, nos huit salopards réunis. Jouant tous plus ou moins vicieusement avec les apparences, l’un d’entre eux pourrait bien ne pas être celui qu’il prétend. La méfiance, nourrie par les divisions engendrées par la récente Guerre civile, va très vite s’immiscer.
 
C’est à ce moment que le film entre dans sa deuxième partie. Enfin. Rapide, enlevé, dynamique, intense et moins bavard, on se dit qu'il aurait mérité de commencer là. C’est là aussi que son choix de filmer en 70 mm prend tout son sens. Un format d’image très large, permettant de donner encore plus de corps à ce huis clos étouffant.
Samuel L. Jackson dans "les Huit salopards"
 (2015 The Weinstein Company)

Premières amours

Entre les quatre murs bien peu solides de cette piteuse auberge, les personnages vont se dessiner, se révéler. Samuel L. Jackson, savoureux en mythomane imprévisible et passionné. Kurt Russell, délicieux en chasseur de primes bourru mais attachant. Ou Jennifer Jason Leigh impressionnante en criminelle complètement allumée. On peut toutefois regretter que certains autres personnages ne soient pas pleinement incarnés. "Le Mexicain" ou "Le Cowboy" pâtissent en effet d’un traitement beaucoup trop secondaire. Il n’empêche, Tarantino a su convoquer certains de ses acteurs fétiches pour les faire briller, au travers de dialogues amples, mais moins haletants, moins vitaminés que dans ses dernières réalisations.
 
Car avec ces huit salopards, le cinéaste semble surtout revenir à la quintessence de son cinéma. A son premier long métrage auquel celui-ci ressemble trait pour trait. "Reservoir Dogs". Ses huis clos, ses dialogues, ses doubles jeux, ses flash-back, son scénario en trompe-l’œil et sa violence cynique, immature. Comme si l’éternel adolescent qu’est Tarantino avait tout simplement décidé, enfin, de rendre hommage à sa propre filmographie.
Western de Quentin Tarantino - Avec Samuel L. Jackson, Kurt Russel, Tim Roth et Jennifer Jason Leigh. Durée : 2h48. Sortie le 6 janvier 2016.

Reportage de P.Deschamps, D.Dahan et P.Fremont

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