"Les Belles Créatures" : un film troublant sur une bande d'adolescents dans la tourmente de la violence sociale islandaise

L'amitié et l'adolescence sont au cœur de ce nouveau film du réalisateur de "Hearstone : un été islandais", au cœur d'un quartier de Reykjavik où règnent la misère sociale et la violence.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
"Les Belles Créatures" du réalisateur islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson, sortie le 25 septembre 2024. (OUTPLAY FILMS)

Dans ce second film, le réalisateur islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson met en scène une bande d'adolescents confrontés à la violence sociale et à l'incurie parentale. Un film qui explore le thème de l'adolescence dans un contexte social extrême. Les Belles Créatures sort dans les salles le 25 septembre.

Balli, un adolescent chétif et craintif se fait harceler par les ados du quartier. Il vit seul avec une mère souvent absente, et défaillante quand elle ne l'est pas. La maison est un taudis où s'accumulent les ordures, la vaisselle sale et la poussière. Dans les murs rode le fantôme d'un beau-père violent, momentanément incarcéré.

Addi, le même âge, grandit avec sa petite sœur et sa mère. Dans cette maison sereine comparée à celle de Balli, la mère interprète ses rêves, qui peuvent parfois s'avérer prémonitoires. Le père, alcoolique, est absent.

Addi forme avec ses deux copains Konni, un gros dur au coup de poing facile, et Siggi, son gentiment souffre-douleur, une équipe bien armée contre la violence qui règne à l'école et dans les rues du quartier. Addi prend Balli sous son aile, qui devient bientôt le quatrième larron de la bande. 

Les quatre garçons traînent dans les rues, font la bagarre avec des garçons d'autres bandes, et se retrouvent régulièrement dans la maison de Balli, où sa sœur a fait une réapparition. Peu à peu, ils se retrouvent débordés par une violence, la leur et celle des autres, qu'ils ne maîtrisent plus…

"La montée de la violence chez les jeunes islandais"

Avec ce second long métrage, le réalisateur islandais dresse le portrait d'un âge, celui qui referme l'enfance et ouvre l'âge adulte, dans un contexte social particulièrement violent. Dans ce quartier périphérique de Reykjavik, loin des images carte postale de cette île à la nature sauvage, les adultes semblent trop préoccupés par leurs propres difficultés pour prendre soin de leurs enfants, qui grandissent sans cadre, et sans amour. "Connaissons-nous vraiment le quotidien de nos enfants", entend-on de la bouche d'un journaliste qui fait part des inquiétudes concernant "la montée de la violence chez les jeunes islandais".

Provocations, alcool, bagarres, expéditions sur le toit des immeubles… Les quatre garçons cherchent les limites dans un monde où elles semblent avoir complètement disparu. Pauvreté, agressions sexuelles, alcool, drogues… Les adolescents expérimentent une forme d'hyper-masculinité brutale, qui passe par la violence.

Mais dans cet engrenage qui semble ne jamais pouvoir s'arrêter, ils se serrent aussi les coudes et tentent de faire advenir un peu de douceur et de justice dans ce monde dans lequel ils grandissent, gangrené par le comportement irresponsable, voir criminel des adultes. Un monde dans lequel les hommes, les pères, sont notoirement absents, quand ils ne sont pas carrément des agresseurs. Les rêves prémonitoires d'Addi et de sa mère, loin d'apaiser, contribuent à accentuer la tension, qui monte crescendo tout au long du film.

"Les Belles Créatures" du réalisateur islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson, sortie le 25 septembre 2024. (OUTPLAY FILMS)

La forme organique de ce second long-métrage du réalisateur islandais traduit parfaitement cette urgence de l'adolescence, avec des plans très serrés, un son tonitruant, du mouvement, et des images plus impressionnistes pour la partie onirique du récit. Cette mise en scène tendue comme une corde est déployée dans un rythme qui ne se calme jamais, à l'instar de la violence — et fait surgir à chaque instant les émotions, celles d'une jeunesse perdue qui met toute son énergie en branle et compte sur l'amitié pour retrouver la confiance, essayer de sortir des abîmes pour devenir, envers et contre tout, des adultes apaisés.

Servi par des jeunes acteurs éblouissants, Les Belles Créatures est un film édifiant, sans concessions, dont on sort tourneboulé comme après un passage dans une lessiveuse.

Affiche du film "Les Belles Créatures" du réalisateur islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson, sortie le 25 septembre 2024. (OUTPLAY FILMS)

La Fiche 

Genre :  drame
Réalisateur : Gudmundur Arnar Gudmundsson
Acteurs : Birgir Dagur Bjarkason, Áskell Einar Pálmason, Viktor Benóný Benediktsson
Pays : Islande
Durée : 2h 03min 
Sortie : 
25 septembre 2024
Distributeur : 
Outplay Films
Synopsis : Addi, 14 ans, est élevé par sa mère clairvoyante qui perçoit l’avenir dans les rêves. Il prend sous son aile Balli, un garçon introverti et en marge, victime de harcèlement scolaire. En l’intégrant à sa bande, ces garçons désœuvrés et livrés à eux-mêmes explorent la brutalité et la violence, comme seuls moyens d’expression et d’exister. Alors que les problèmes du groupe s’aggravent, Addi commence à vivre une série de visions oniriques. Ses nouvelles intuitions lui permettront-elles de les guider et de trouver leur propre chemin ?

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