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"La Vénus d'argent", l'itinéraire fragile et périlleux d'une tradeuse en puissance

Second long-métrage de la réalisatrice Héléna Klotz, "La Vénus d'argent" entend mettre en avant la difficulté à passer d'un univers social à l'autre en racontant la trajectoire d'une personne qui, sans être conforme aux standards du milieu, cherche à intégrer le monde de la finance.
Article rédigé par Neil Senot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Claire Pommet (Jeanne) dans le film "La Vénus d'argent" au cinéma le 22 novembre. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Dans un appartement d'une caserne de gendarmerie de la grande banlieue parisienne, Jeanne, 24 ans, vit avec son père, son jeune frère et sa jeune sœur. On comprend que leur mère n'est plus là, que le père s'occupe peu de ses enfants et que Jeanne, qui finance la cantine et va chercher les petits à l'école, est une figure presque parentale. Au cœur du décor froid de la caserne, où retentissent sans fin les sirènes des gyrophares et les paroles de La Marseillaise, Jeanne semble dépourvue de tout allié, tout auxiliaire.

L'existence de Jeanne se divise et se construit en deux univers. Il y a l'univers d'origine, la caserne, sa petite chambre d'enfant, et l'univers visé, le quartier des affaires de La Défense. Entre les deux, Jeanne, avec un énorme blouson de cuir et en éternel cavalier seul, navigue sur la selle de son tout petit scooter. Son itinéraire est présenté comme celui d'un changement de monde, d'une transgression des barrières sociales, mais pas que. Car Jeanne, qui se vit "neutre comme les chiffres", transgresse aussi les normes du genre. Sa jeunesse, son allure fluette et son identité ne semblent pas lui permettre – du moins dans un premier temps – de se faire une place dans la sphère hypermasculine et luxuriante de la finance.

Récit d'apprentissage

Interprété par Claire Pommet, autrement connue comme chanteuse sous le nom de scène Pomme et qui tient ici son premier rôle au cinéma, le personnage de Jeanne marque par sa vigueur et son opiniâtreté. Alors qu'elle (malgré une non-binarité qui peut sembler manifeste pour le spectateur, le personnage de Jeanne est genré au féminin) travaille comme stagiaire au sein d'un groupe de finance et que les refus de postes fixes et bien rémunérés semblent s'enchaîner, Jeanne parvient à se faire repérer en soulignant l'erreur de codage d'un collaborateur.

Sofiane Zermani (Farès) et Claire Pommet (Jeanne) dans "La Vénus d'argent". (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

D'un instant à l'autre, elle paraît obtenir la confiance et les égards de Farès, le patron du groupe interprété par Sofiane Zermani, connu dans le milieu musical sous le nom de Fianso. Commence alors un véritable récit d'apprentissage, au sein duquel – et conformément à la tradition du genre – Jeanne est prête à tout pour réussir.

Casse d'une vitrine pour voler l'uniforme indispensable qu'est le costume, nuits blanches et séduction : la jeune recrue joue le jeu du milieu, en prend les manières, le langage et bluffe par son intelligence, sa motivation. Dans sa ligne de mire, l'argent. Mais pas pour l'argent en tant que tel. Jeanne rêve de la liberté que l'argent promet de procurer. Conformément aux récits d'apprentissages, La Vénus d'Argent touche aussi à l'initiation à l'amour puisque Jeanne vit une histoire avec Augustin (Niels Scheinder). 

Sans vraiment transgresser

La Vénus d'argent reprend les codes des récits de transfuges de classe, veut aborder la difficulté à se faire une place quand on ne baigne pas dans le milieu. Le film réussit à montrer, notamment à travers des dialogues que la réalisatrice a souhaité travailler de manière presque documentaire, un monde de la finance virulent et acerbe.

Jeanne (Claire Pommet) et Augustin (Niels Schneider) dans le film "La Vénus d'argent". (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Présentée comme un alien au sein de ce milieu, Jeanne parvient entre plusieurs rejets à s'y fondre par le langage et l'ambition. Elle s'y fond aussi par les diplômes. Car malgré le fait qu'elle représente une figure populaire, presque précaire, Jeanne est diplômée d'une très grande école de commerce. 

Tout en évoquant alors les importantes questions de l'intégration, de l'origine sociale, du genre et des premiers amours, le film semble se défendre de tout acte politique. L'exclusion du milieu de la finance n'est pas définitive, l'écart à la norme de genre est cryptée, et Jeanne s'éprend d'un garçon qui l'a autrefois agressée. Fable de l'abandon d'un milieu vorace ou d'une conquête enfin réussie ? Le film ne tranche pas. La Vénus d'argent laisse les spectateurs et les spectatrices avec, entre les mains, le rêve de Jeanne, la liberté. 

Affiche du film "La Vénus d'argent" de Héléna Klotz, sortie au cinéma de 22 novembre. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Genre : Drame
Réalisatrice : Héléna Klotz
Acteurs : Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani, Anna Mouglaglis, Grégoire Colin, Mathieu Amalric
Pays : France
Durée : 
1h35
Sortie :
22 novembre 2023
Distributeur :
Pyramide Distribution

Synopsis : Jeanne a 24 ans. Elle vit dans une caserne en banlieue avec son père gendarme, son petit frère et sa petite sœur. Elle a fait le pari de réussir sa vie dans le monde de la finance. Pas pour la gloire ou le luxe, mais parce que c’est le moyen qu’elle a trouvé pour gagner sa liberté.

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