L'Ordre et la morale : le film choc de Mathieu Kassovitz
"L’ordre et la morale" ne laissera personne indifférent et suscitera vraisemblablement des polémiques. Vus au travers du prisme de l’ex-capitaine du Groupe d´Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) Philippe Legorjus, auteur du livre "La morale et l’action" en 1990, les événements relatés dans le film s’en inspirent directement. En avril 1988, après le meurtre de 4 gendarmes et la prise d’otage de 30 autres sur l’île d’Ouvéa, Legorjus est envoyé de Paris vers la Nouvelle-Calédonie à la tête d’un commando du GIGN afin de libérer les otages. Sur place, il joue le rôle de médiateur auprès d’Alphonse Dianou, un Kanak indépendantiste chef des preneurs d’otages.
Calculs électoralistes
Un dialogue et un respect mutuel s’instaurent entre les deux hommes. Mais l’amorce d’une solution pacifique sera torpillée par les calculs électoralistes des politiciens français, dans une situation de cohabitation droite/gauche entre les deux tours de la présidentielle qui oppose François Mitterrand à Jacques Chirac, et par la passivité du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui rechigne à intervenir dans cette affaire. Sur fond de rivalité entre l’armée et la gendarmerie, la tendance dure des militaires l’emporte : il faut faire un exemple. Les preneurs d’otages sont assimilés à des terroristes et l’on ne badinera pas avec la République. En France, la majorité des médias - interdits d’accès à Ouvéa - relaient cette perspective et en rajoutent dans un nationalisme colonial imprégné de racisme. Le résultat est connu : un carnage, impliquant des exécutions sommaires de la part de l’armée, qui aurait pu être évité en poursuivant le dialogue.
La bande annonce
Complexité
Le film de Kassovitz, au faîte de son art comme réalisateur et acteur, film que l’on peut qualifier d’engagé, manifeste une certaine empathie envers la cause défendue par les preneurs d’otages, la revendication indépendantiste. Mais il témoigne également de la complexité de la situation locale, de l’incompréhension entre différentes visions du monde, des ruptures générationnelles et des perceptions simplificatrices du conflit. Et pourtant rien n’est simple, même dans l’apparence d’une situation coloniale brutale. C’est sans doute à cause de cette complexité, que, même plus de vingt ans après les faits, personne parmi tous les protagonistes ne tenait vraiment à voir Kassovitz tourner en Nouvelle-Calédonie et que le film a été délocalisé sur l’île d’Anaa en Polynésie. A noter la performance du Calédonien Iabe Lapacas, étudiant en droit à Clermont-Ferrand, qui incarne Alphonse Dianou pour sa première apparition à l’écran.
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