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"Godland" : l'Islande entre paradis et enfer, dans un splendide film d’aventure mystique

Entre Dreyer et "Aguire, la colère de Dieu" de Werner Herzog, le réalisateur Hlynur Pálmason parle avec le ciel.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Elliott Crosset Hove dans "Godland" de Hlynur Pálmason (2022). (JOUR2FETE)

Après ce que l’on pourrait identifier à deux thrillers sociétaux (Winter Brothers, et Un jour si blanc), l’Islandais Hlynur Pálmason se lance en religion. Proche du Danois Carl Theodor Dreyer et de l’Allemand Werner Herzog, Godland, qui sort mercredi 21 décembre, communique avec les dieux.

Une nature intériorisée


À la fin du XIXe siècle, un jeune prêtre danois part fonder une paroisse en Islande. Devant rejoindre une contrée reculée, aidé de guides, il traverse plaines, montagnes et volcans, pour rejoindre sa destination. Photographe, il témoigne de ses compagnons de route et d’une Islande sauvage et rude, sous l’œil d’un Dieu dont il se met à douter dans l’épreuve. Arrivé à destination, sera-t-il à la hauteur de la mission qu’il s’est fixée ?

L’origine du film repose sur la découverte miraculeuse de plaques photographiques dans un grenier, et à partir desquelles Hlynur Pálmason a imaginé le périple de leur auteur. A l’image de son photographe, le réalisateur islandais capte la lumière. C’est d’abord la blancheur immaculée du presbytère dans laquelle se font face le patriarche et son disciple. Puis dominent le gris-bleu marin et l’immensité du ciel, auxquels succède le vert teinté de mauve des plaines, pour arriver à la rougeur des laves volcaniques. Contemplatif, Godland magnifie une Islande aux températures abyssales, battue par les vents, la pluie, la neige, et habitée de paysages grandioses. A cette nature extérieure extrême, correspond la tempête intérieure d’un homme de Dieu.

Dépaysement sauvage et païen

Passée l’introduction que l’on croirait sortie d’Ordet (1955) de Dreyer, la première partie du film évoque Aguire, la colère de Dieu (1970) de Werner Herzog, où un conquistador du XVIe siècle affronte une nature indomptable qui lui faisait défier le Seigneur. Cabeza de Vaca (2010) de Nicolás Echevarría évoquait aussi un explorateur espagnol qui, lui, devenait chamane. Godland est dans cette lignée, où des représentants de la civilisation européenne laissent derrière eux leurs préceptes moraux et religieux sous l’emprise d’un exotisme sauvage et païen.

Prolongeant le doute gnostique de Dreyer, mêlé aux aventures initiatiques d'Herzog et d'Echevarría, Hlynur Pálmason réalise une œuvre spiritualiste majeure, d’une beauté inouïe. Hypnotique dans ses images et son rythme, habité par l’acteur danois halluciné Elliott Crosset Hove, Godland donne corps aussi à la meurtrissure des chairs et à la putréfaction des cadavres. Sans gratuité aucune, le film visualise la tragédie d’une peur cosmique et le combat d’un homme à la surmonter, avec la poésie d’un magicien de la lumière. Sublime.

L'affiche de "Godland" de Hlynur Pálmason (2022). (JOUR2FETE)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Hlynur Pálmason
Acteurs : Elliott Crosset Hove, Ingvar Eggert Sigurôsson, Victoria Carmen Sonne
Pays :  Danemark, Islande, France, Suède
Durée : 2h23
Sortie : 21 décembre 2022
Distributeur : Jour2Fête

Synopsis : À la fin du XIXème siècle, un jeune prêtre danois arrive en Islande avec pour mission de construire une église et photographier la population. Mais plus il s’enfonce dans le paysage impitoyable, plus il est livré aux affres de la tentation et du péché.

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