« Elena » : le dilemme d'une femme russe
Synopsis : Elena et Vladimir forment un couple d'un certain âge avec chacun un enfant d'un précédent mariage. Elle aide financièrement son fils au chômage, alors qu'il ne voit plus sa fille. Quand il a une attaque cardiaque, il la revoit et décide de lui léguer toute sa fortune. La femme au foyer timide et soumise élabore alors un plan pour offrir à son fils et ses petits-enfants une vraie chance dans la vie.
Intimisme collectif
A travers le récit intimiste d’un couple d’âge mur, aux prises avec leurs enfants d’un précédent mariage, « Elena » dresse un constat désenchanté sur la société russe contemporaine. Le réalisateur du « Retour » (Lion d’or à Venise en 2003), Andreï Zviaguintsev, poursuit sa thématique familiale, également au cœur de son film précédent, « Le Bannissement », tout en l’élargissant à une analyse collective.
Privilégiant les longs plans fixes et rythmant son film de répétitions - les réveils du matin, les repas, les déplacements d’Elena chez son fils -, Zviaguintsev transmet dans la forme un sentiment d’engluement sempiternel dans une réalité oppressante impossible à fuir. Elena et son mari Vladimir sont pourtant des privilégiés en vivant dans un immeuble et un appartement cossus. Mais leur relative aisance est minée par une fille qui a rompu avec son père et un fils qui ne cesse de tarauder sa mère pour lui donner de l’argent, alors qu’elle dépend des subsides de son mari.
Argent trop cher
Le couple que forment Elena et Vladimir apparaît comme un mariage de raison, où l’épouse soumise sert son mari comme pour compenser le standing qu’il lui apporte. Le rapport à l’argent est au cœur de leur liaison, mais aussi de celle qu’ils entretiennent avec leurs enfants respectifs. Un argent qui est cœur des rapports sociaux en Russie depuis la chute du communisme. C’est à travers lui que s’exprime l’amour, avant tout filiale, à travers l’héritage du père et l’aide pécuniaire de la mère, alors qu’entre Elena et Vladimir ne subsiste qu’un échange de bons procédés.
Elena va briser la chaîne en faisant le choix de son fils. Le geste qu’elle commet est dénué de tout sentiment, comme s’il était le fruit de la seule raison. Le plan qu'elle élabore n'est pas loin d'un sacrifice, qu'elle s'inflige, mais aussi à sa victime expiatoire. En gardera-t-elle de la culpabilité ? Il y a bien le soupçon de la fille de Vladimir qui pèse sur elle, mais Elena est déjà ailleurs, ayant agi, à ses yeux, pour le mieux, selon la nouvelle donne russe, désormais sous le dogme capitaliste du chacun pour soi.
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