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Disney : "La Petite Sirène", une nouvelle version aseptisée et bien-pensante, sauvée par le chant

"La Petite Sirène", réalisée par Rob Marshall en "prises réelles", perd un peu de son âme dans une réalisation en images de synthèse high-tech sans charme.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
Ariel (Halle Bailey) dans "La Petite Sirène", de rob Marshall, (mai 2023) (DISNEY)

Inspirée du conte original de Hans Christian Andersen, publié en 1836, et du dessin animé Disney sorti en 1989, cette nouvelle version de La Petite Sirène réalisée par Rob Marshall est une comédie musicale en "live-action" (en prise de vue réelle) remise au goût du jour. La sortie mondiale est prévue pour le mercredi  24 mai.

1830, au large d'une île fictive des Caraïbes, Ariel (Halle Bailey), une jeune sirène, est élevée au fond des mers avec ses sœurs par un père seul, le roi Triton (Javier Bardem). Cadette de la fratrie, Ariel est aussi la plus audacieuse, la plus désobéissante et la plus aventureuse des sept sœurs. Fascinée par les humains, elle collectionne en secret dans une grotte les objets qu'elle chine dans les épaves, au risque de se faire dévorer par les requins.

Dans le sillage de ses aventures, Polochon (voix de Jacob Tremblay pour la version originale), le petit poisson mignon, et Eurêka (voix d'Awkwafina), un oiseau un peu gauche, ne sont jamais loin, tout comme le crabe Sebastian (voix, Daveed Diggs), chargé par le roi de veiller sur elle. Mais un jour, taraudée par sa curiosité, la sirène transgresse l'interdiction de Triton et monte jusqu'à la surface de l'océan. Là, alors qu'une tempête se déchaîne, elle sauve le Prince Eric (Jonah Hauer-King) d'un naufrage. Amoureuse, Ariel est prête à tout pour retrouver son prince…

Réalisation high-tech

Fond bleu, chorégraphe, danseurs, cascadeurs, comédiens harnachés, spécialistes de la construction navale, machines à vent, canons à eau… Disney a mis le paquet pour réaliser cette nouvelle version "en prises réelles" de La Petite Sirène, après le dessin animé sorti en 1989.

"Le monde sous-marin est entièrement numérique tandis qu’à la surface, tout est réel et construit à la manière d'un film d'époque classique. Et comme il s’agit également d’une comédie musicale, nous avions l'impression à bien des égards de préparer trois films différents en même temps", explique le réalisateur dans la présentation du film.

Ariel (Halle Bailey) dans "La Petite Sirène", de rob Marshall, (mai 2023) (PHOTO COURTESY OF DISNEY.)

Une grande partie du travail a été produit en amont : la conception des décors, l'enregistrement des voix avec la participation des acteurs pour les personnages humains, et de marionnettes pour les personnages imaginaires, remplacées ensuite par des versions "photoréalistes" en post-production.

"Étant donné qu'une grande partie du film - en particulier tout ce qui se passe sous l'eau - était numériquement créé par le superviseur des effets visuels Tim Burke en post-production, il était crucial que ces plans soient élaborés à l'avance", précise la production.

Charme

Toute cette mise en œuvre technologique offre une version mi-réaliste mi-féérique du célèbre conte, avec pour résultat des images spectaculaires, des décors clinquants, qui plongent le spectateur dans des univers sous-marins colorés, immersifs, dans des atmosphères qui le transportent au cœur de l'aventure. Le monde maléfique du personnage d'Ursula (Melissa McCarthy) est particulièrement réussi.

Ursula (Melissa McCarthy) dans "La Petite Sirène", de Rob Marshal (mai 2023) (DISNEY)

Revers de cette médaille technologique : les décors sont beaux mais aseptisés, les sirènes ont un look de youtubeuses, et les personnages secondaires "imaginaires" sont sympathiques mais visuellement peu expressifs. Cette esthétique réaliste, mais artificialisée par la tehnologie, fait regretter la version animée, qui malgré ses sirènes pulpeuses et son côté un brin kitsch, laissait la place à une fraîcheur, à une candeur ici gommées par la sophistication des images de synthèse.

La débauche de moyens mis en oeuvre casse le charme de cette histoire, et c'est finalement davantage dans les décors réalistes de la terre ferme et surtout via le son -l'interprétation très réussie des célèbres chansons, et la vivacité des voix des personnages- bien plus que par la virtuosité des images de synthèse, que l'on se laisse émouvoir.

Une Petite Sirène moderne ?

Cette nouvelle production Disney affiche résolument sa volonté de proposer une Petite Sirène "moderne". Post #MeToo, Ariel est née au temps des combats LGTBQ+ et dans un monde hollywoodien désormais attentif à la visibilité de tous, et aux défis écologiques. 

Même si ce n'est pas une première -Disney avait choisi en 1997 la chanteuse noire Brandy pour interpréter Cendrillon- le choix d'une actrice métisse pour incarner Ariel a pourtant suscité des réactions hostiles, mais aussi très enthousiastes. Aux États-Unis, certains parents se sont amusés à filmer leurs enfants visionnant les premières images de La Petite Sirène, émerveillés de découvrir une Petite Sirène qui leur ressemble.

Ariel (Halle Bailey), Polochon et   Eurêka  dans "La Petite Sirène", de rob Marshall, (mai 2023) (DISNEY)

Halle Bailey "était simplement la meilleure pour ce rôle" a assuré Rob Marshall. "Il n'y avait aucune intention préalable de choisir une actrice noire". Au-delà de ce choix, le scénario brouille pourtant volontairement les pistes, avec une reine Sélina noire (Noma Dumezwen), mère d'un fils adoptif blanc, cette idée déclinée ensuite dans les rangs de l'équipage du navire, dans les marchés et les fêtes populaires de l'île (au cas où on n'aurait pas compris), puis en apothéose dans la scène finale.

"Les gens des mers sont comme les humains. À la fin du film, lors de la grande fête, nous voulions célébrer les personnes différentes qui appartiennent à la grande famille du monde", se félicite Jeffrey Silver. Si la question écologique est également évoquée, c'est de manière très furtive (pas de sacs plastiques en suspension pour ternir la beauté des fonds marins). 

Tous ces bons points parviennent-ils à faire d'Ariel une Petite Sirène contemporaine ? Choisir une actrice métisse suffit-il à casser les stéréotypes ? Certes, cette nouvelle Petite Sirène vit dans un monde diversifié, elle est courageuse, s'affranchit de l'autorité patriarcale, assume son choix de vivre dans un autre monde, mais pour ne pas changer, c'est de la séduction de son prince charmant que dépend son émancipation...

Pour aller plus loin avec les enfants, avant ou après la séance, on peut revenir à la version originale du conte (un très beau texte), magnifiquement illustrée et éclairée par Benjamin Lacombe, publiée en novembre 2022 aux éditions Albin Michel Jeunesse.

Affiche de "La Petite Sirène", de Rob Marshal (mai 2023) (DISNEY)

La Fiche

Genre : Aventure, Drame, Famille, Fantastique
Réalisateur :
Rob Marshall
Acteurs
: Halle Bailey, Melissa McCarthy, Jonah Hauer-King, Javier Bardem
Pays
: Etats-Unis
Durée : 2h15
Sortie
: 24 mai 2023
Distributeur
: The Walt Disney Company France

Synopsis : Ariel, la benjamine des filles du roi Triton, est une jeune sirène belle et fougueuse dotée d’un tempérament d’aventurière. Rebelle dans l’âme, elle n’a de cesse d’être attirée par le monde qui existe par-delà les flots. Au détour de ses escapades à la surface, elle va tomber sous le charme du prince Eric. Alors qu'il est interdit aux sirènes d'interagir avec les humains, Ariel sent pourtant qu’elle doit suivre son cœur. Elle conclut alors un accord avec Ursula, la terrible sorcière des mers, qui lui octroie le pouvoir de vivre sur la terre ferme, mais sans se douter que ce pacte met sa vie - et la couronne de son père - en danger...

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