[DEAUVILLE] "The Queen of Versailles", la crise vue par les riches
Plus de 8000 mètres carrés, dix cuisines, dont une exclusivement dédiée à la conception de sushis, une salle de bowling, un salon de réception pouvant accueillir 500 personnes, des millions de dollars en marbre importé d'Italie... Voici quelques éléments de ce qui composera la plus grande maison individuelle des Etats-Unis, encore en chantier en cette année 2008. Cette réplique à l'américaine du château de Versailles est née dans l'imagination de Jaqueline et David Siegel. Et lorsque la documentariste Lauren Greenfield demande au milliardaire pourquoi un tel projet, une telle folie des grandeurs, il répond : "Pourquoi ? Parce que nous le pouvons !" L'entrepreneur a bâti sa fortune dans le "time sharing", ces résidences vendues à temps partagé. L'apogée de sa carrière est une immense tour à Las Vegas qui vient de sortir de terre. Comme ses autres résidences, il va la vendre par petits bouts et pour quelques jours à des Américains moyens qui se voient proposer le rêve à crédit. La philosophie de Siegel est claire : "S'il y a des gens qui ne veulent pas se sentir riches, probablement qu'ils sont morts !".
Mais cet empire est bâti sur le crédit, et le pouvoir des d'achat des classes moyennes. Or, 2008, c'est l'année de la crise des subprimes. En quelques mois la fortune de David Spiegel se retrouve fragilisée, les banques exigent la vente de la tour bâtie à Las Vegas, de l'immense maison à demi terminée. Le magnat s'efforce de conserver son empire, tandis que sa famille tente d'être plus économe, épouse en tête. Pas facile pour cette ancienne miss Californie. Elle fait ses courses de Noel chez Wall-Mart, mais remplit les caddies à la chaîne. L'aînée laisse mourir lézard et poisson parce qu'il n'y avait acun chauffeur pour l'emmener à l'animalerie... Mais Jackie l'assure, elle n'a pas épousé son mari pour de mauvaises raisons et est prête à tous les sacrifices...
Lauren Greenfield a suivi pendant trois ans cette famille, de l'apogée de leur fortune aux tourments de la crise. Elle livre un portrait sidérant de la société américaine, du point de vue des des riches. On pourrait se laisser aller, par moments, à la compassion devant leur désaroi. On pourrait aussi croire que c'en est fini de leur fortune. Mais l'illusion est de courte durée. On est surtout impressionné par la déconnexion de ce milieu. Loin des réalité, cette famille voit à peine les angoisses de ses propres employés qui ne parviennent pas à s'en sortir, ou les conséquences des licenciements massifs dans l'entreprise... Et pour ceux qui croiraient qu'un tel empire pouvait vraiment s'efondrer, ce ne fut pas le cas, rassurez-vous, après le documentaire. Quant au film, il vaut vraiment le détour. Rires et questionnements existenciels à la sortie assurés. "The Queen of Versailles" a d'ailleurs été primé au dernier festival de Sundance.
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