[DEAUVILLE] « Killer Joe » : William Friedkin en grand méchant loup
Synopsis : Chris, 22 ans, minable dealer, doit trouver 6 000 dollars ou on ne donnera pas cher de sa peau. Une lueur d’espoir germe dans son esprit lorsque se présente à lui une arnaque à l’assurance vie. Celle que sa crapule de mère a contractée pour 50 000 dollars. Mais qui va se charger du sale boulot ? Killer Joe est appelé à la rescousse. Flic et tueur à gages, il pourrait être la solution au problème. Seul hic : il se fait payer d’avance, ce qui n’est pas une option pour Chris qui n’a pas un sou en poche. Killer Joe revient sur ses principes en prenant en caution Dottie, la charmante sœur de Chris...
Fidélité au scénariste Tracy Letts
Projeté en avant-première à Deauville, le nouveau William Friedkin ne décevra pas les amateurs du maître. Incisif et violent (très violent), « Killer Joe » bénéficie de Matthew McConaughey dans le rôle-titre, monstrueux de présence à la fois animale et élégante. Les nombreux autres comédiens moins renommés qui l’entourent, composent des prestations de tout premier ordre, notamment Thomas Haden Church qui campe un red neck grand cru ; mais il faudrait tous les citer (voir la fiche technique).
Friedkin adapte pour la seconde fois une pièce de Tracy Letts, qui a également écrit le scénario, tout comme c’était le cas pour « Bug » (2006), son film précédent. Une continuité s’instaure, dans le crescendo narratif, progressif et implacable conduisant à un climax final apocalyptique, proche du malaise. Ce déferlement de violence traduit avant tout celle toute intérieure des personnages, et à travers eux de l’humanité. N’oublions pas enfin l’humour corrosif et noir qui traverse tout le film. Friedkin est également le cinéaste américain qui à le mieux traduit l’ambivalence psychologique des êtres. Nous sommes tous doubles, thème que l’on trouve dans tous les films du réalisateur de « L’Exorciste ».
Schizophrénia
Joe Cooper, dit Killer Joe (McConaughey) est flic le jour, tueur à gages la nuit. La famille qui fait appelle à ses services est représentative de l’Amérique profonde qui ne cherche pas à faire de vagues. Ils n’en fomenteront pas moins le meurtre d’une proche pour bénéficier de son assurance vie. Le thème est décliné chez tous les personnages, comme en poupées russes, tout le long du film. La dimension sociale est aussi importante et, comme chez nombre de ses collègues, un thème majeur depuis 2008, l’année de la crise.
Il y a comme une obsession de la schizophrénie chez Friedkin qui, vue la dimension métaphysique de ses films, pourtant très ancrés dans le réel (encore un paradoxe), traduit son image de l’Homme. Lors de l’hommage qui lui a été rendu avant la projection de « Killer Joe », il confiait ne pas comprendre pourquoi il réalisait des films aussi violents. Reprenant le mot de Gustave Flaubert « Madame Bovary, c’est moi », il concluait, "cette violence, c’est aussi moi".
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