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Cinéma : Cédric Ido explore "La Gravité" en plongeant une cité dans une ambiance SF

Avec "La Gravité", une proposition inspirée, Cédric Ido utilise la mythologie construite autour des cités pour nourrir l'univers SF qu'il a convoqué.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Max Gomis, en arrière-plan, et Steve Tientcheu dans une scène de "La Gravité" de Cédric Ido (CAROLINE DUBOIS/ALBA FILMS/TRESOR CINEMA)

La Gravité, deuxième long métrage de Cédric Ido qu'il signe seul (La Vie de château a été co-réalisé avec Modi Barry), s'ouvre sur une chute : deux enfants tombent, deux autres assistent – impuissants – à l’accident. Un drame fondateur dans la psychologie des principaux protagonistes de son dernier film : Daniel (Max Gomis), Christophe (Jean-Baptiste Anoumoun) et Joshua (Steve Tientcheu). Deux décennies plus tard, ils se retrouvent dans la cité, à la veille d’un évènement rare, un alignement des planètes.

Daniel est un athlète de haut niveau qui est sur le point d’émigrer au Canada, avec sa fille et sa compagne Sabrina (Hafsia Herzi). Joshua, son grand-frère qui est dans une chaise roulante depuis le drame, a besoin de son aide. Notamment pour ses livraisons car Joshua est dealer, à temps partiel. Autrement, l'inventeur en herbe s’enferme dans son atelier pour trafiquer son fauteuil. Quant à Christophe, il vient de sortir de prison et a une dent contre les jeunes de la cité, autoproclamés "Les Ronins", "des samouraïs sans maître" qui contrôlent désormais tous les trafics qui ont cours dans la cité, un territoire dont chaque mètre carré est sous surveillance. D'autant que Joshua et son frère opèrent, selon eux, sur leurs terres.

Coupables 

Cédric Ido filme une guerre des gangs, aux forces très inégales, sur fond de conflit intergénérationnel  en utilisant les codes de la science-fiction. Les plus jeunes reprochant à leurs aînés de n'avoir rien fait pour améliorer les conditions de vie dans la cité et, surtout, celles de leurs cadets dont les horizons restent limités, encore aujourd'hui, aux trafics en tous genres. Le champ de bataille est un décor dominé par des tours menaçantes qui défient la gravité à chaque plan ou presque, ce "phénomène par lequel un corps subit l'attraction de la Terre" (Le Robert). Comme le rappelle Daniel, le narrateur de La Gravité, cette force régit tous les mouvements terrestres : le coureur en sait quelque chose surtout quand il a l'impression d'être "collé au sol".

Pour décrire ce combat larvé, le réalisateur met en parallèle le quotidien de ses personnages avec l’évènement astronomique qui se déroule au-dessus sur leurs têtes, l’occasion de découvrir de sublimes images d’un ciel rougeoyant. Il va sans dire que la photo de La Gravité est sublime. Ido, qui est également le scénariste de son film, a utilisé tout ce que l’on sait des cités, ou du moins croit savoir, pour alimenter son intrigue, et en faire de véritables ressorts scénaristiques. Rien n’est laissé au hasard, chaque information à laquelle l’audience pourrait être sensible a, a posteriori, une raison d’être. Comme les miettes de pain essaimées par le Petit poucet pour l'aider à retrouver son chemin, à la différence près que celles de la fiction ne disparaissent pas.

Tous les codes sont permis 

Toujours au service du récit, Cédric Ido recourt à des astuces visuelles tels les magnifiques dessins du personnage de Christophe que l’on retrouve également dans un ingénieux dispositif où il surveille, derrière une vitre, les nouveaux petits maîtres du quartier. La vision de Christophe confère des attributs paranormaux aux Ronins, filmés par ailleurs comme des zombies, formant une meute prête à bondir sur sa proie. Leurs méthodes, qui évoquent celles des gangs les plus violents, font froid dans le dos. La Gravité entretient ainsi une atmosphère glauque créée par la multiplication d’angles de prises de vue qui surfent sur le thème du film et interrogent la verticalité de l’être humain.

La distribution est un autre atout de la proposition SF de Cédric Ido. Les seconds rôles, comme ceux des leaders des Ronins ou celui de Jovic  – incarné par un Olivier Rosemberg – que Christophe accuse d’appartenir aux RG (Renseignements généraux) tant il sait tout sur tout, participent à asseoir le récit porté par le trio au cœur de l’intrique.

Les tours des cités et l’espace semblent faire bon ménage, ces temps-ci, au cinéma. En 2020, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh proposaient Gagarine, du nom de l'immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine condamnée à la destruction, dont le héros Youri rêvait d'apesanteur. Avec La Gravité, dans un registre plus sombre, Cédric Ido explore de manière singulière et inspirée les pesanteurs d'un cadre architectural, qui riment malheureusement dans certains quartiers avec horizons bouchés.

Affiche du film "La Gravité" de Cédric Ido (ALBA FILMS/TRESOR CINEMA)

La fiche

Genre : science-fiction
Réalisateur :  Cédric Ido
Acteurs : Max Gomis, Jean-Baptiste Anoumoun, Steve Tientcheu, Olivier Rosemberg et Hafsia Herzi
Pays :  France
Durée : 1h26
Sortie : 3 mai 2023
Distributeur : Alba Films, Trésor Cinéma 
Synopsis : Un mystérieux alignement des planètes embrase le ciel et inquiète tous les habitants de la cité. Une bande d’adolescents, Les Ronins, règnent en maîtres sur cette cité, et voient cet évènement planétaire comme la possibilité d’une nouvelle ère. Daniel, Joshua et Christophe, 3 amis d’enfance que le deal et la prison ont séparés, vont devoir s’unir pour affronter ce gang. Après cette nuit-là, où le ciel a viré au rouge sang, plus rien ne sera jamais pareil...

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