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"Billie Holiday, une affaire d'Etat" : un biopic classique sur une femme d'exception

"Lady Day", surnom de la célèbre chanteuse de blues et de Jazz, se révèle une icône des droits civiques avant l’heure.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Andra Day dans "Billie Holliday, une affaire d'Etat" de Lee Daniels (2021). ( PHOTO CREDIT: TAKASHI SEIDA)

À l’instar de nombreux biopics, Billie Holiday, une affaire d'Etat se focalise sur un épisode de la vie de son héroïne, comme Jackie Kennedy dans Jackie, ou Django Reinhardt avec Django. Le choix de Lee Daniels (Precious, Le Majordome) est d’aborder la star du jazz et du blues sous l'angle des persécutions subies par "Lady Day" avec le FBI. Pendant les années 1940, "le bureau" l’a pourchassée pour ses positions antiracistes sous le prétexte de sa consommation de drogues, afin de la faire taire. Fidèle mais réducteur, le film sort en salles mercredi 2 juin.

Martyre

En 1939, Billie Holiday est une rare chanteuse noire à avoir un statut de star à New York. Elle reprend au Café Society, où elle se produit, une nouvelle chanson , Strange Fruit, qui dénonce le lynchage des noirs dans le Sud. Devenue un hymne antiraciste grâce à l’interprétation bouleversante qu’elle en donne, l’artiste devient la cible des autorités qui lui interdisent de la chanter sur scène. Alors qu'elle persiste dans son choix, le FBI charge un agent d’infiltrer son entourage pour l’accuser de consommation de drogues. Mais c’était sans compter sur l’amour qui pourrait changer la donne…

Si Billie Hollday, une affaire d'Etat s'émancipe de l’académisme de Lady Sings the Blues (DVD chez ESC Editions), premier biopic sur la chanteuse, il ne s’éloigne guère des poncifs du genre. Lee Daniels tire son épingle du jeu en abordant le seul épisode judiciaire, peu connu, de son histoire. L’Administration américaine ne parvint pas à ses fins, malgré ses efforts à détruire la carrière de l’artiste, mais elle l'envoya deux fois en prison en recourant à des procédés fallacieux. Le film s’inscrit ainsi dans la mouvance Black Lives Matter, en en faisant une martyre de la justice américaine pour sa couleur de peau. Louable sujet, mais qui aurait mérité un traitement plus audacieux, comme son modèle. Le contexte pré-maccarthyiste de l’époque n’est que survolé, par exemple. Une des simplifications du film, pour convaincre et le rendre accessible.

Film politique

Chronologique, avec une reconstitution des années 1940 au cordeau et l’interprétation de la chanteuse Andra Day qui lui a valu un Golden Globe, Billie Holiday, une affaire d'Etat coche toutes les cases du travail bien fait. La chanteuse, dans son premier rôle à l’écran, a maigri de 15 kilos, fumé et bu du whisky pour trouver la rugosité vocale de "Lady Day". Une approche du rôle toute américaine, où le jeu s'apparente à une performance. Le mélodrame entre l'infiltré et la chanteuse est convenu, et deux flashbacks évoquent l’environnement dans lequel a grandi Billie Holiday, la prostitution et son addiction toute jeune à la drogue. Mais Lee Daniels ne sort pas du procédé classique du retour en arrière, contrairement au puzzle imaginé par Clint Eastwood dans Bird (1988), son splendide biopic sur Charlie Parker.

Andra Day et Trevante Rhodes dans dans "Billie Holliday, une affaire d'Etat" de Lee Daniels (2021). ( PHOTO CREDIT: TAKASHI SEIDA)

C’est comme pionnière des Droits civiques que le film approche Billie Holiday, au-delà de l’artiste. Il s’inscrit dans un discours politique plus que musical, dans la lignée des Twelve Years A Slave, de Steve McQueen, Moonlight de Barry Jenkins, Green Book, de Peter Farrelly, ou BlacKkKlansman de Spike Lee. Le biopic de Lee Daniels reflète la nécessité d’une réappropriation de l’histoire par ceux qui l’ont faite. L’histoire est terrible et vraie, mais traitée avec un manichéisme didactique. Billie Holiday reste incontestablement la victime d’un système qui a cherché et a réussi à la broyer en précipitant sa mort à 44 ans, par son acharnement. Si le film est méritoire, il prend surtout tout son sens lorsqu'apparaissent les cartons qui referment le film. Ils rappellent le refus du Congrès américain de reconnaître au niveau fédéral le lynchage comme crime jusqu’en 1992, ignorant les milliers de victimes pendant 120 ans. Le texte fut enfin adopté en février 2020, peu de temps avant le bouclage du film. Parfois, quelques mots suffisent.

L'affiche de "Billie Holliday, une affaire d'Etat" de Lee Daniels (2021). (METROPOLITAN FILMEXPORT)

La fiche

Genre : Drame / Biopic
Réalisateur : Lee Daniels
Acteurs : Andra Day, Trevante Rhodes, Garrett Hedlund
Pays : Etats-Unis
Durée : 2h08
Sortie : 2 juin 2021
Distributeur : Metropolitan Filmexport

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis : En 1939, Billie Holiday est déjà une vedette du jazz new-yorkais quand elle entonne Strange Fruit, un vibrant réquisitoire contre le racisme qui se démarque de son répertoire habituel. La chanson déchaîne aussitôt la controverse, et le gouvernement lui intime de cesser de la chanter. Billie refuse. Elle devient dès lors une cible à abattre.

Billie Holiday a tout fait pour atténuer ses souffrances et oublier son enfance difficile, ses choix malheureux en matière d’hommes, et la difficulté de vivre en étant une femme de couleur en Amérique. La drogue fut l’une de ses échappatoires. Le gouvernement va retourner cette faiblesse contre elle et utiliser sa dépendance aux stupéfiants pour la faire tomber. Prêt à tout, Harry Anslinger, le chef du Bureau Fédéral des Narcotiques, charge Jimmy Fletcher, un agent de couleur, d’infiltrer les cercles dans lesquels évolue la chanteuse. Mais leur plan va rencontrer un obstacle majeur : Jimmy tombe amoureux de Billie…

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