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"Moonlight", un premier film à fleur de peau sur une jeunesse afro-américaine

Belle entrée en matière pour Barry Jenkins, réalisateur, scénariste et acteur qui avec son premier film "Moonlight" a décroché le Golden Globe du meilleur film dramatique, et est nommé dans sept catégories aux Oscars. En adaptant la pièce de Tarell Alvin McCraney "Choir Boy", il traite de la communauté afro-américaine à travers un personnage pris à trois âges de sa vie : sensible et inattendu.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Ashton Sanders dans "Moonlight" de Barry Jenkins
 (A24 / DCM / David Bornfriend)

Contrepied

On a l’habitude de voir traiter au cinéma les noirs-américains sous l’angle de sujets "raciaux", ou sous celui d’une réhabilitation à destination d’une société américaine affranchie récemment (les années 1960) d’un apartheid, dont l’idéologie est encore répandue. "Moonlight" prend le contrepied des clichés en vigueur (l’esclave, le trafiquant, la Mama, le bon flic…) par un personnage qui rompt avec une approche emblématique, archétypale, pour une vision plus personnalisée, intériorisée.

Enfant d’une dizaine d’année, surnommé Little, puis adolescent de 16 ans, appelé Chiron, et enfin adulte trentenaire du nom de Black, ce seul et même personnage est comme l’anti-héros d’une trilogie de la vie rassemblée en un seul film qui pourraient en composer trois. Little est le souffre-douleur de son école, et sa mère célibataire, toxicomane, se double d’être bipolaire. Chiron est toujours la cible des élèves du collège qui l’ont suivi dans sa scolarité. Mais il va découvrir la sexualité et se rebeller contre ses tortionnaires, ce qui lui vaudra un long séjour en prison. Là, il va s’aguerrir en devenant Black, une montagne de muscles qui a gagné en autorité, assez pour devenir un dealer prospère.

Humanité

La différence de "Moonlight" avec d’autres films autour de la communauté afro-américaine, provient de l’absence totale de Blancs à l’écran. De fait, le film ne tire pas sur la corde traditionnelle du racisme ou de la condescendance. Le sujet est ailleurs. L’histoire de Little/Chiron/Black pourrait aussi bien être celle d’un Blanc ; la drogue, la toxicomanie du film, ne sont pas l’apanage des Noirs, pas plus que leur précarité. L’auteur de la pièce, Tarell Alvin McCraney, et du film, Barry Jenkins, tirent le personnage vers le haut, en le détachant de toute conjoncture raciale. Qu’il soit noir ou blanc n’est pas le sujet, c’est son humanité qui importe.

Trevante Rhodes dans "Moonlight" de Barry Jenkins
 (David Bornfriend)

Cette fibre ressort en premier lieu de sa victimisation à l’école, puis de sa solitude face à une mère addicte, irresponsable, lunatique et volage. Culpabilisé, Little en devient quasiment autiste, ne disant pas un mot ; il trouve refuge chez un couple d’amis qui le prend en charge. Problème : Juan, le conjoint, est le plus gros dealer du quartier ; Little en aura de beaux restes… Devenu Chiron, il sort de ses gonds en frappant son tortionnaire et se retrouve en prison, victime encore d’une injustice. C’est éloigné de son milieu qu’il va subir une métamorphose, s’affirmer, et se transformer à sa sortie en caïd : Black. Pourtant, en profondeur, il n’a pas changé, il demeure le même, le fruit d’une émotivité première, fondamentale, presque maladive, mais qui en fait toute la force, la dimension humaine. Bouleversant. 

"Moonlight" : l'affiche française
 (Mars Films)

LA FICHE

Drame de Barry Jenkins (Etats-Unis), Avec : Alex R. Hibbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes, Mahershala Ali, Janelle Monáe, Naomie Harris, Andre Holland - Durée : 1h51 - Sortie : 1er février 2017

Synopsis : Après avoir grandi dans un quartier difficile de Miami, Chiron, un jeune homme tente de trouver sa place dans le monde. Moonlight évoque son parcours, de l’enfance à l’âge adulte.

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