"Another day of life", un reporter dans l’enfer de la guerre d'Angola
Un homme. Une guerre. Nous sommes en Angola, ancienne colonie portugaise, théâtre d’une guerre civile à peine l’indépendance obtenue, entre 1975 et 2002. Un conflit majeur, très observé par les milieux diplomatiques - les grandes puissances y interviennent à distance en soutenant les belligérants - mais qui ne fera jamais la une de la presse occidentale, malgré ses 500 000 victimes et son million de déplacés.
Alors que la capitale Luanda bascule, Kapuściński est en première ligne, fonçant vers l’intérieur du pays pour se rapprocher du front, jouant à la roulette russe à l’approche de chaque nouveau barrage… Par qui sera-t-il tenu ? Par le MPLA (mouvement populaire de libération de l'Angola), marxiste et soutenu par l’URSS et Cuba, ou par l'UNITA (union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola), anti-communiste armée par les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, la Chine ou Israël ? Il faut jouer serré, des deux côtés on a la gâchette facile. Courageux jusqu’à inconscience, il vit sa guerre, jamais échaudé par la dernière fusillade.
Cette audacieuse option de créer une sorte de film-roman graphique permet de reconstituer avec précision des scènes qui, toutes, se sont déroulées à l'abri des regards indiscrets. Aucune caméra n'est là pour saisir cette route jonchée de cadavres, femmes et enfants abattus sans pitié. Comme on le verra plus tard au Libéria et dans d’autres conflits, des gamins sont conditionnés, armés et envoyés au front. Mais, "Another day of life", c’est aussi le sourire de la charismatique Carlota, un visage de 20 ans pour incarner une lutte… Jeune icône qui périra quelques heures après avoir quitté Kapuściński, alors que le Polonais poursuit sa route.
Plus loin, il réussit à approcher un chef marxiste en très mauvaise posture. "Encore un jour à vivre, le Polonais…", le chambre le rebelle… avant de s’effondrer sous les balles des unités sud-africaines qui viennent de donner l’assaut. Nouveau bain de sang. Fait prisonnier par les hommes de Prétoria, Ryszard Kapuściński survivra, lui, une fois de plus. Désormais ce sont les soldats de Cuba et de l’Afrique du Sud qui se font face. Le sud est tenu par les anti-communistes… Luanda reste aux mains des "rouges". De nouvelles batailles se préparent.
Journaliste très engagé, le Polonais ne se contente pas d’observer. Même s’il ne nourrit guère d’illusions, il a choisi son camp, celui des révolutionnaires qu’il aidera à sa façon, passant sous silence quelques informations qui auraient pu être précieuses à leurs adversaires. A la fois hommage au métier de reporter de guerre et plongée passionnante sur des années terribles de l’histoire africaine, le film est un essai d’animation très réussi. Le film a reçu le Prix du cinéma européen 2018.
LA FICHE
Pays : Espagne, Allemagne, Belgique, Pologne, Hongrie
Durée : 1h26
Synopsis : Varsovie, 1975. Ryszard Kapuscinski (43 ans) est un brillant journaliste, chevronné et idéaliste. C’est un fervent défenseur des causes perdues et des révolutions. À l’agence de presse polonaise, il convainc ses supérieurs de l’envoyer en Angola. Le pays bascule dans une guerre civile sanglante à l’aube de son indépendance. Kapuscinski s’embarque alors dans un voyage suicidaire au cœur du conflit. Il assiste une fois de plus à la dure réalité de la guerre et se découvre un sentiment d’impuissance. L’Angola le changera à jamais : parti journaliste de Pologne, il en revient écrivain.
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