"Crazy Horse" en DVD : les dessous chics du cabaret
Le sujet : Au cœur du plus avant-gardiste des cabarets parisiens, la caméra du documentariste américain suit le metteur en scène Philippe Decouflé et Ali Mahdavi, directeur artistique, qui réinventent les numéros de la célèbre revue de danseuses nues. Découvrez la vie du Crazy, des répétitions aux représentations publiques...
Le film : Frederick Wiseman passe de La danse, le ballet, de l’Opéra de Paris (son avant-dernier film), au Crazy Horse. Deux univers différents qu’il explore d’une façon similaire en dévoilant toutes les composantes qui participent à la mise en place et la représentation de spectacles d’exception. Chacun dans leur domaine : le classicisme d’une institution dans le premier cas, le cabaret d’effeuillage dans le second.
Le Crazy Horse de Paris, qui s’est d’autre part exporté aux Etats-Unis, se démarque des autres établissements, comme Le Moulin Rouge ou Le Lido, par une approche du nu féminin scénique résolument émancipée de la tradition issue du XIXe siècle ou de l’influence américaine venue de Las Vegas, mais également du strip-tease traditionnel ou du « burlesque » d’outre-Atlantique. Ce départage est l’œuvre d’Alain Bernardin dès 1951 qui parvint à renouveler le genre.
Le Moulin Rouge à le cancan, Le Lido les Blue Bell Girls, le Crazy ses filles à la coupe au carré. Mais aussi, et peut-être surtout une conception scénique qui repose sur des éclairages révolutionnaires pour le genre qui les (dés)habillent avec un résultat à l’œil pas très éloigné de l’art cinétique. Ajoutez une approche musicale nettement plus moderne que celle usitée par ses concurrents, et la recette est détonante pour aboutir au cabaret le plus couru du monde.
Frederick Wiseman a filmé la création du dernier spectacle en date du Crazy, Désir, mis en scène par le chorégraphe Philippe Découflé et le directeur artistique Ali Mahdavi. Sans aucun commentaire, l’on passe des coulisses où se maquillent, se vêtent les filles, aux brainstormings des responsables, aux répétitions et enfin aux représentations publiques. La caméra de Wiseman ne se pose pas devant la scène, mais cadre, souvent en plans très rapprochés, les danseuses à l’action, ce qui dynamise la conception des numéros et galvanise les corps, jusqu’à l’abstraction. Avec à la clé un montage des plus efficaces qui rythme et diversifie les angles.
Parmi les morceaux de choix : la rencontre avec la costumière Fifi Chachnil qui explique à Découflé le planning propre au Crazy, ou le chorégraphe se plaignant du manque de temps disponible pour ripoliner l’infrastructure de l’établissement, nécessaire à un nouveau départ. Sans oublier les envolées lyriques d’Ali Mahdavi, passionné, qui a fait du Crazy sa raison de vivre. Peu d’accrocs dans ce système bien huilé, peut-être trop, alors que l’on imagine aisément des batailles d’egos comme dans toute entreprise artistique. Un fort sentiment de vie et d'investissement personnel passe toutefois dans ce film qui explore l'envers du décor noir et feutré du Crazy.
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