Qui est l'avocat Victor Hissel, qui a inspiré le personnage incarné par Daniel Auteuil dans le film "Un silence" ?

En 2010, l'avocat des familles des victimes de Marc Dutroux est condamné pour détention d'images à caractère pédopornographique. Le réalisateur Joachim Lafosse s'est inspiré de l'affaire pour réaliser son dixième long-métrage.
Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
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Temps de lecture : 4 min
L'avocat Victor Hissel, photographié à la sortie du tribunal, le 14 octobre 2010, à Liège (Belgique). (MICHEL KRAKOWSKI / BELGA MAG / AFP)

Le scandale avait été retentissant en Belgique. Dans son dernier film, Un silence, sorti en salles mercredi 10 janvier, le réalisateur Joachim Lafosse raconte l'implosion d'une famille bourgeoise sur fond de pédocriminalité.

Le personnage principal, incarné par Daniel Auteuil, est inspiré de Victor Hissel. Cet avocat liégeois avait accédé à une forte notoriété dans le sillage de l'affaire Marc Dutroux, avant de se retrouver lui-même mis en cause dans une affaire de détention d'images à caractère pédopornographique. Franceinfo revient sur l'histoire vraie à l'origine de ce long-métrage.

Un emblème de la lutte contre la pédocriminalité

Le 24 juin 1995, Julie Lejeune et Mélissa Russo, âgées de 8 et 9 ans, sont portées disparues. Leurs corps sont retrouvés un an plus tard, enterrés dans le jardin d'un des plus célèbres pédocriminels de l'histoire. Julie et Mélissa sont les deux premières victimes de Marc Dutroux. Pour assurer leur défense, les familles des fillettes se tournent vers le même avocat : Victor Hissel. Alors âgé de 40 ans, il apparaît pour la première fois devant les caméras en août 1996, lors d'une conférence de presse.

Victor Hissel entame une bataille qui lui fait accéder à une importante notoriété. Au premier rang des marches blanches, son discours très offensif lui vaut le statut d'emblème de la lutte contre la pédocriminalité. "Il n'avait pas hésité à ruer dans les brancards, stigmatisant tantôt les magistrats 'corrompus', tantôt les enquêteurs, tantôt les politiques", écrivait à son sujet La Libre Belgique en 2008.

Son "côté 'prédicateur'", tout comme ses "déclarations pas toujours mesurées et pas toujours forgées sur l'enclume du pur droit" lui attirent toutefois des critiques, ajoutait le quotidien belge. En mars 1998, se disant victime de pressions, il décide d'abandonner la défense des parents de Julie et de Mélissa.

Inculpé pour détention de matériel pédopornographique

Dix ans après, son nom s'affiche de nouveau à la une des journaux. Mais cette fois, les articles n'ont rien d'élogieux : une enquête internationale, baptisée "Koala", a permis d'identifier les propriétaires d'ordinateurs sur lesquels se trouvent des images pédopornographiques. Le nom de Victor Hissel figure sur la liste. Le 18 février 2008, son domicile est perquisitionné. Il est inculpé pour détention d'images à caractère pédopornographique. Dans l'opinion publique, son image bascule.

Lors de son interrogatoire, il reconnaît les faits. Affirmant avoir été abusé par un de ses proches pendant son enfance, il se réfugie derrière des problèmes personnels et médicaux. L'enquête révèle qu'il a consulté plus de 7 500 images à caractère pédopornographiques entre 2005 et 2008. Il est mis en examen.

Sans nier les faits, il considère ne pas avoir commis d'infraction. Son argumentaire est juridique : il s'estime hors du champ d'action de la loi, dans la mesure où il a "seulement" visionné le contenu des sites. La loi belge de l'époque, qui date d'avant la démocratisation d'internet, ne condamne en effet que l'impression ou le téléchargement d'images, pas leur visionnage.

Poignardé par son fils

Le 9 avril 2009, à l'âge de 53 ans, Victor Hissel frôle la mort. Le drame n'a rien d'accidentel : son propre fils, Romain, lui a porté cinq coups de couteau, tentant de l'assassiner. Le jeune homme de 20 ans se mure dans le silence au début de la procédure. Il finit par évoquer comme mobile les penchants pédocriminels de son père.

Le 4 mai 2011, le jeune homme est jugé pour "tentative de parricide" devant le tribunal correctionnel de Liège. Les rapports d'expertise relèvent qu'il se trouvait en état de démence passagère au moment des faits. Les magistrats décident de l'acquitter, en vertu de l'article 71 du Code pénal belge.

Condamné par la justice et par ses pairs

Contrairement à son fils, Victor Hissel est tenu responsable de ses actes. Le 14 octobre 2010, il est condamné à 10 mois de prison ferme par le tribunal de Liège pour "détention d'images à caractère pédopornographique". Jugé en appel en mai 2011, il est condamné à une peine de 10 mois de prison, cette fois avec un sursis de cinq ans. Là encore, la décision ne lui convient pas. Son pourvoi en cassation étant rejeté, il sollicite la Cour européenne des droits de l'homme qui lui adresse, elle aussi, une fin de non-recevoir. C'est la fin de cette longue affaire judiciaire pour le sexagénaire.

Une autre sanction, cette fois d'ordre professionnel, l'attend. Le barreau de Liège décide de le radier du tableau des avocats en 2012. Victor Hissel fait appel. A Bruxelles, le conseil de discipline d'appel lui donne une seconde chance : il transforme la radiation du Liégeois en suspension d'un an, dont la moitié avec sursis. 

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