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On vous dévoile 75 choses à savoir sur Steven Spielberg, à l'occasion de la sortie de son nouveau film "West Side Story"

Article rédigé par Benoît Jourdain, Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 27 min
Le réalisateur Steven Spielberg sur le tournage de son film "Jurassic Park", en 1992. (MURRAY CLOSE / MOVIEPIX / GETTY IMAGES)

Le réalisateur, derrière la caméra pour le remake de la mythique comédie musicale, qui sort mercredi, va souffler ses 75 bougies le 17 décembre prochain. L'occasion était trop belle pour ne pas dépoussiérer ce mythe du septième art.

E.T., Indiana Jones, Les Dents de la mer, La Liste de Schindler... parcourir la filmographie de Steven Spielberg, c'est replonger dans de nombreux films cultes du cinéma américain. Le cinéaste sort mercredi 8 décembre West Side Story, son 34e long-métrage, le remake de la célèbre comédie musicale. Si vous avez vu la plupart de ses films, si vous savez déjà que c'est grâce à lui que Harrison Ford a revêtu le costume d'Indiana Jones en lieu et place de Tom Selleck, voici 75 choses, comme les 75 bougies qu'il va souffler le 18 décembre, que vous ignorez peut-être sur l'un des maîtres du septième art.

1. Sa fortune est estimée à 3,7 milliards de dollars. Ses films ont généré plus de 10 milliards de dollars au box-office à travers le monde, selon Forbes*.

2. Il s'est fait taper dessus pendant son enfance car il était le seul juif de l'école. "J'étais totalement conscient de déparer à l'école à cause de ma judaïté. Au collège, on me tapait, raconte Spielberg au site Aish*. Deux fois, j'ai fini le nez en sang. C'était horrible."

3. Cette situation l'a poussé à renier ses origines et sa foi. "J'ai souvent dit aux gens que mon nom de famille n'était pas d'origine juive, mais allemande", a-t-il confié au site MoviePilot*. 

4.  Son surnom quand il était petit ? "Le débile". "J'étais hyper mal dans mes baskets. Vous êtes boutonneux, froussard, juif, et vous vous faites harceler pour tout ça. On me surnommait 'le débile'", révèle le site Wired*.

5. Enfant, il était assez taquin avec ses petites sœurs. "Il avait l'habitude de se tenir devant leurs fenêtres la nuit, hurlant 'Je suis la Lune. Je suis la Lune'", raconte sa mère, Leah Adler, morte en 20217, dans le livre The Jewish Mothers' Hall of Fame (Doubleday), de Fred A. Bernstein. "Elles ont encore peur de la Lune. Et il a coupé la tête d'une des poupées de Nancy et la lui a servie sur un lit de laitue", ajoute-t-elle.

6. Steven Spielberg a avalé un transistor à l'âge de 9 ans. La puce électronique, pas un poste de radio en entier tout de même, précise le New Yorker*. 

7. Vous faisiez quoi, vous, à 14 ans ? Steven Spielberg, lui, dirigeait un film de guerre de 40 minutes mettant en scène quelques-uns de ses camarades de classe (dont un des élèves qui le harcelaient dans le rôle principal, rappelle Laura B. Edge dans sa biographie de l'artiste). Intitulé Escape to Nowhere, le moyen métrage a remporté un prix national du film amateur en 1961.

8. Il a généré un profit d'un dollar sur son premier long métrage, Firelight (1964), qui disposait d'un budget de 500 dollars. Le film n'a été projeté que dans un cinéma de Phoenix (Arizona), avec un ticket à un dollar l'unité. Il fera mieux avec E.T. ou Jurassic Park.

9. Il s'est incrusté aux studios Universal, à Los Angeles, pendant un voyage scolaire, et y est resté dix semaines… sans badge. "J'ai rencontré un documentaliste, qui m'a prêté un badge valable trois jours, avec son nom, se souvient Spielberg sur le site de la Directors Guild of America*. J'ai donc pu me balader partout pendant trois jours. Le quatrième, je me suis présenté à la grille en faisant signe à Scotty, le garde, qui m'a laissé rentrer sans que j'aie à montrer mon badge."

10. Steven Spielberg n'a pas commencé au cinéma, mais à la télévision. Son premier contrat décroché à l'âge de 21 ans, d'une durée de sept ans, signé avec Universal TV en 1968, lui rapporte 275 dollars par semaine. L'année suivante, il signe un épisode de la série médicale Marcus Welby. Plus connu du public français, son épisode de la série Columbo, intitulé Murder by the Book, remonte à 1971. 

11. Steven Spielberg est allé rencontrer Joan Crawford, alors légende de Hollywood, pour le tournage d'un téléfilm où elle incarnait une aveugle pendant le grand black-out de 1965 à New York. "Elle s'était mis un bandeau sur les yeux, elle se cognait partout dans son appartement en me disant : 'Steven, je m'entraîne à faire le tour de mon appartement les yeux bandés'. Personne ne l'avait prévenue que j'avais 21 ans à peine. Elle s'attendait à un vétéran, genre George Cukor. Elle a ôté son bandeau, elle m'a vu, et elle s'est pratiquement mise à pleurer : 'Oh mon Dieu, on ne peut pas aller dîner ensemble, les gens vont penser que vous êtes mon fils'."

12. Son cinéaste préféré ? Steven Spielberg se réfère souvent à John Ford (auteur de grands classiques et de westerns avec John Wayne) et David Lean (Lawrence d'Arabie, Le Pont de la rivière Kwaï). Dans une interview à l'American Film Institute*, Spielberg confiait : "Je me loue un John Ford avant de démarrer un nouveau film. Tout simplement parce que ça m'inspire, comme un peintre classique."

13. Pourtant, son film préféré n'est ni de John Ford, ni de David Lean. Il s'agit de Capitaines courageux, l'adaptation d'un texte de Rudyard Kipling, de Victor Fleming, sortie en 1937. 

14. Duel (1975) a beau parler d'une poursuite sur route et Les Dents de la mer (1975) de la traque d'un requin, Steven Spielberg estime que les deux sont intimement liés : "Quand j'ai postulé pour réaliser Les Dents de la mer, j'ai demandé aux producteurs de regarder Duel, raconte-t-il à Empire*. Parce que Duel, c'est à peu près Les Dents de la mer sur la terre ferme. Je pense que ça m'a aidé à décrocher le poste."

15. Mathieu Kassovitz n'oubliera jamais la première fois qu'il a vu Les Dents de la mer. "J'étais trop petit pour le voir en salles, mais on l'avait enregistré à la télé. Je le découvre en même temps que Duelraconte-t-il au magazine Première. Je perçois l'importance de l'écriture avec la caméra, le génie de ce mec qui arrive à te faire croire à des choses que tu ne vois pas – un requin, un chauffeur fou. Du grand art. Ma passion Spielberg vient de là."

16. L'idée brillante de ne pas montrer le requin, dans Les Dents de la mer, est autant une nécessité qu'un coup de génie. Car l'équipe du film se rend compte durant le tournage que le squale mécanique n'est pas crédible. L'idée d'en donner à voir le moins possible vient de la monteuse Verna Fields, même si Spielberg la revendique également, assure un hors-série du magazine Les Inrockuptibles consacré au cinéaste.

Le réalisateur Steven Spielberg sur le tournage des "Dents de la mer", en 1975 aux Etats-Unis. (UNIVERSAL - ZANUCK-BROWN / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

17. Steven Spielberg est devenu accro au jeu vidéo Pong sur le tournage des Dents de la mer (pour rappel, cet ancêtre lointain de Fifa arbore un design rudimentaire, mais addictif). Le réalisateur a toujours conservé une certaine appétence pour la manette. Au début des années 2000, il a ainsi fini le jeu de guerre Call of Duty.

18. Avec Les Dents de la mer, premier film de l'histoire du cinéma à dépasser les 100 millions de dollars de recettes, Steven Spielberg a inventé le blockbuster. "Le film est sorti durant l'été, il était conçu pour être un succès, car adapté d'un best-seller, c'est le 'film-attraction', à sensation qu'on va voir en masse", explique à franceinfo Clément Safra, cinéaste et auteur du Dictionnaire Spielberg (éditions Vendémiaire, 2011).

19. Avant le triompher du film sur grand écran, le tournage des Dents de la mer – Jaws en version originale n'a pas été de tout repos. Au moment où il a accepté son rôle, "il n'y avait encore ni scénario, ni distribution, ni requin, et le tournage allait commencer", se souvient l'acteur Richard Dreyfuss. Au final, le tournage aura duré 159 jours au lieu de 55 et coûté 10 millions de dollars au lieu de 3,5. "Jaws était chouette à regarder, pas à réaliser", résume Spielberg.

20. Pour Rencontres du troisième type (1977, sorti en France en 1978), Steven Spielberg voulait le réalisateur français des 400 Coups, François Truffaut. "J'ai pensé à lui en écrivant le rôle. Il m'a inspiré pour écrire les dialogues du personnage de Lacombe, parce qu'il y a quelque chose d'authentiquement innocent et de pur chez lui. Ses films reflètent sa sensibilité d'homme-enfant", justifie-t-il dans une interview en 1978.

Steven Spielberg et François Truffaut sur le tournage de "Rencontres du troisième type", en 1977. (COLUMBIA PICTURES CORPORATION / / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

21. C'est sur ce film qu'il aborde pour la première fois le thème de l'enfance. Mais ce thème n'a pas germé tout seul dans l'esprit du cinéaste, qui s'est laissé convaincre par François Truffaut. "Oubliez les soucoupes volantes, travaillez avec des enfants", lui souffle le réalisateur des 400 coups, qui était impressionné "par la manière dont Spielberg dirige un petit garçon de 3 ans sur le plateau" du film de science-fiction, raconte Le Monde (article abonnés).

22. Pour diriger Cary Guffey, 5 ans, sur le plateau de Rencontres du troisième type, il transforme le tournage en un jeu "qu'il pourrait comprendre, à la condition de bien vouloir y participer", se souvient-il dans Le Monde (article abonnés). "Il fallait se montrer inventif : lui offrir un cadeau afin de voir ses yeux s'illuminer… Je me trouvais en permanence près de lui."

23. Des chercheurs se sont penchés sur la surreprésentation des enfants dans l'œuvre du cinéaste. En 2016, l'ouvrage universitaire Les Enfants dans les films de Steven Spielberg identifiait 427 plans impliquant au premier chef des enfants sur 15 de ses films, détaille Wired*. Soit 28,5 interactions avec un enfant par film, un record pour un cinéaste aussi grand public.

24. Un des mouvements de caméra typiques de Steven Spielberg, c'est la "Spielberg Face", un mouvement de caméra vers un personnage étonné qui écarquille les yeux face à un élément inattendu. Le record dans Rencontres du troisième type, avec près de 30 plans de "Spielberg Faces"*.

25. Il a touché 2,5% des recettes du premier Star Wars sans l'avoir tourné. Très proche de George Lucas, Steven Spielberg a échangé avec lui un petit pourcentage des recettes de son Rencontres du Troisième Type avec celles du premier Star Wars. Les deux films feront un carton au box-office, mais seules les aventures de Luke Skywalker accèderont au statut d'œuvre cultissime. Ce deal rapportera 40 millions de dollars à Spielberg quand Lucas, lui, se contentera de 13 millions. 

Le producteur George Lucas (à gauche) et le réalisateur Steven Spielberg sur le tournage d'"Indiana Jones et le Temple maudit", en 1984. (LUCASFILM / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

26. Steven Spielberg a effectué plusieurs caméos, ou apparitions, dans des films qu'il n'a pas réalisés. Citons l'improbable Goldmember, troisième volet des aventures d'Austin Powers, un passage dans un kart customisé dans Gremlins ou un rôle de percepteur des impôts dans Les Blues Brothers

27. Steven Spielberg n'aurait pas dû réaliser Les Aventuriers de l'arche perdue, film sorti en France en 1981. George Lucas avait trouvé un accord avec Philip Kaufman (connu pour L'Etoffe des héros, notamment), mais ce dernier a dû se décommander car occupé à tourner L'Invasion des profanateurs de sépultures

28. C'est sur le tournage des Aventuriers de l'Arche perdue que Steven Spielberg confie avoir appris son métier. "J'ai appris à me contenter d'aimer une prise plutôt que de rechercher systématiquement la perfection. En moyenne, sur 1941 [son précédent film, en 1979, où il avait explosé le budget et explosé en vol au box-office], je faisais 20 prises par scène. Sur Les Aventuriers, seulement quatre."

29. Il y a des mezouzas partout chez lui depuis son mariage avec l'actrice Kate Capshaw, rencontrée sur le tournage d'Indiana Jones et le Temple Maudit (1984). Cette dernière s'est convertie au judaïsme avant son mariage, après un an à potasser la Torah en compagnie d'un rabbin orthodoxe, relate le site Aish*. 

30. Il a offert un chat à Drew Barrymore pour la consoler, lors de son dernier jour du tournage de E.T. "Les enfants vivaient l'histoire. Leurs larmes quand ils disaient ‘au revoir’ à E.T. étaient sincères. Ils allaient tous rentrer pour de vrai à la maison. C'est Drew Barrymore, 6 ans à l'époque, qui pleurait le plus."

Steven Spielberg et la jeune actrice Drew Barrymore sur le tournage de "E.T., l'extra-terrestre", en 1981. (UNIVERSAL PICTURES / AMBLIN ENTE / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

31. Le président Ronald Reagan s'est fait projeter E.T. dans le cinéma de la Maison Blanche en compagnie de l'équipe du film, à l'hiver 1982. Spielberg raconte, dans le livre de Tom Shone Blockbusters (éditions Scribner, 2005) : "Après quelques commentaires élogieux, Reagan a lâché : 'Il y a quelques personnes dans la pièce qui savent à quel point ce qu'il y a dans le film est exact'. J'étais à fond dans l'ufologie, ma mâchoire s'est décrochée, et je n'ai pas eu l'occasion de lui demander ce qu'il entendait par là."

32. Steven Spielberg a reçu une médaille de l'ONU pour la paix, alors que ce n'est vraiment pas le sujet d'E.T.. Le film est devenu un phénomène de société, au point d'avoir failli faire la "une" de Time Magazine, ce qui est rarissime. Les rotatives étaient prêtes, mais douze heures avant le bouclage, la guerre des Malouines a débuté, reléguant E.T. dans un coin en haut à droite de la couverture.

33. Alain Baran, secrétaire particulier d'Hergé, se souvient avec émotion de sa rencontre avec Steven Spielberg à Los Angeles, pour discuter de l'adaptation de Tintin, en 1983 : "Pour lui, Tintin, c'est 'Indiana Jones for kids', avec Henry Thomas, le garçon star de E.T., Nicholson en Capitaine Haddock ou François Truffaut pour diriger un prochain film."

34. Si Hergé avait aimé Les Aventuriers de l'arche perdue, c'est sa femme qui le poussera à choisir Spielberg pour porter Tintin sur grand écran un an après, après des tentatives peu convaincantes dans les années 1960. "Fanny, la deuxième épouse d'Hergé, lit un portrait de Spielberg au moment de la sortie de E.T.. Elle montre cet article à Hergé et lui dit 'Voilà le réalisateur qui conviendrait pour les aventures de Tintin'", raconte Alain Baran. Intrigué par des critiques européennes liant son Indiana Jones aux aventures de Tintin, Spielberg dévorera les bouquins... sans parler français.

35. Albert Broccoli, le producteur de James Bond, a dit "non" à Spielberg à deux reprises quand il a déposé son CV pour réaliser un épisode des aventures de 007, raconte le cinéaste à la Directors Guild of America*. 

36. C'est avec le film La Couleur pourpre (sorti en France en 1986) que Spielberg prend un virage vers des films plus sérieux dans sa carrière. "C'est mon premier film qui s'apprécie mieux sans pop corn", résume-t-il à la Director Guild of America. 

Le réalisateur Steven Spielberg et l'actrice Whoopi Goldberg sur le tournage de "La Couleur pourpre", en 1985. (ARCHIVES DU 7EME ART / AFP)

37. Quand on a Spielberg comme paternel, ça ne rigole pas tous les jours. Au programme des enfants : faire leur lit, ramener les assiettes après le repas et devoirs quotidiens. Pas question de regarder un film de temps en temps ? "Hors de question d'allumer la télé en semaine, s'amuse Steven Spielberg dans People*. Bon, il arrive qu'on regarde un film ensemble."

38. Spielberg sait immédiatement s'il va adapter un scénario, en se fiant au "vieux sentiment familier". "C'est comme ça que je l'appelle", confie-t-il à Wired*. "Certaines histoires déclenchent en moi un bouton magique spécial. Tout d'un coup, je suis sûr que je dois réaliser ce film", développe-t-il dans le Figaro.

39. Pour L'Empire du soleil (1987), Spielberg a choisi Christian Bale parmi 4 000 candidats. Le futur interprète de Batman est apparu dès la première semaine du casting mais le réalisateur a tout de même voulu voir tous les prétendants, pour être sûr de ne pas se tromper, raconte Le Monde.

Le jeune acteur Christian Bale sur le tournage du film de Steven Spielberg "L'Empire du soleil", en 1988. (AMBLIN ENTERTAINMENT / WARNER BR / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

40. Il s'en est fallu de peu que les spectateurs de Jurassic Park soient privés des sarcasmes du professeur Malcolm. Jeff Goldblum a raconté bien après le tournage du film, sorti en 1993, que son personnage a failli être coupé du scénario par un Steven Spielberg désireux de densifier le film, tiré du livre très bavard de Michael Crichton. 

41. Steven Spielberg voulait Harrison Ford pour le rôle du Docteur Grant dans Jurassic Park : "Je suis même allé voir le département artistique et je leur ai commandé un dessin réaliste d’un T-Rex pourchassant Harrison et deux gamins, raconte Spielberg à Entertainment Weekly*. Je lui envoie et le lendemain, je reçois un coup de fil : 'Ce n'est pas pour moi, vieux frère.' Fin de la conversation."

42. Jurassic Park, sorti en pleines négociations du GATT (ancêtre de l'OMC), a pulvérisé au passage le fleuron français Germinal. Le ministre de la Culture de l'époque, Jacques Toubon, avait sommé les Français d'aller voir l'adaptation du roman de Zola "comme un devoir patriotique" plutôt que de s'enjailler devant des dinosaures, raconte l'auteur Tom Shone dans son livre Blockbusters. Spielberg avait dû se fendre d'une lettre ouverte pour répondre au monde du cinéma européen. "Je suis pour la créativité, sans restrictions."

43. Il est si connu au Japon que son visage apparaissait sur l'affiche de Jurassic Park aux côtés de ses dinosaures, en 1993, quand le film est sorti dans le pays, toujours d'après Blockbusters.

Steven Spielberg sur le tournage de "Jurassic Park", au Costa Rica, en 1992. (ARCHIVES DU 7EME ART / AFP)

44. Il a souvent jonglé entre les films d'auteur et d'autres plus grand public. Jurassic Park et La Liste de Schindler, La Guerre des mondes et Munich, Ready Player One et Pentagon Papers. "Je suis bipolaire ! Pas dans ma vie personnelle mais dans ma carrière, c'est une certitude. Cela me permet d'entretenir une qualité indispensable : l'objectivité, explique-t-il au Journal du dimanche. Mais à l'époque de Jurassic Park et de La Liste de Schindler, cette gymnastique s'est transformée "en cauchemar", assure-t-il. "A Cracovie, où le souvenir de l'Holocauste me perturbait, j'étais très en colère de devoir superviser le montage de séquences avec des dinosaures courant après des Jeep."

45. Malgré ce jonglage entre deux films aux sujets différents, Steven Spielberg ne s'emmêle jamais les pinceaux. "Il examinait peut-être 80 ou 100 plans dans la journée, en demandant pour chacun d'eux des modifications, et quand il revenait deux semaines plus tard, il se souvenait du plus petit détail, se rappelle le Suisse Jonathan Jobin, qui a travaillé sur les effets spéciaux de Ready Player One, pour le journal helvète Le Temps. Tout ça alors qu'il était déjà en train de tourner son film suivant, Pentagon Papers".

46. Pour La Liste de Schindler, il a refusé de toucher un centime, avance Forbes*. Il a travaillé des mois durant à rencontrer les survivants en Pologne pour étoffer la matière du roman qu'il adaptait, signé Thomas Keneally.

47. Il voulait tourner ce long-métrage à Auschwitz mais le Congrès juif mondial lui a refusé cette possibilité, avance Jürgen Müller dans son livre Films des années 90 (éditions Taschen, 2001). Ce projet, finalement tourné à Cracovie, lui a valu de nombreuses critiques. Comment le roi du divertissement pouvait-il mettre en scène l'Holocauste ? "J'ai mis longtemps à m'habituer au succès. Puis à l'envie. Maintenant, je me borne à faire des films, et j'espère que celui-là sera utile, c'est tout", glisse-t-il en 1993 à L'Express

Steven Spielberg entouré (de gauche à droite) des acteurs Ralph Fiennes, Ben Kingsley et Liam Neeson sur le tournage de "La Liste de Schindler" en 1992, à Cracovie (Pologne). (UNIVERSAL PICTURES / AFP)

48. Sur le tournage du film, Steven Spielberg a du mal à gérer les émotions. Il reçoit alors l'aide de Robin Williams. "Robin savait ce que je traversais (...), il m'appelait une fois par semaine, et pendant 15 minutes, il me faisait un sketch au téléphone. Je rigolais à gorge déployée... Et il raccrochait toujours au moment où je rigolais le plus fort", raconte-t-il au festival du film de Tribeca, en 2018.

49. A la sortie, le succès en salle est au rendez-vous, mais les critiques sont plus mitigées. Claude Lanzmann, réalisateur de Shoah, se fend d'une tribune dans Le Monde (article abonnés), accusant le film de "trivialiser", d'abolir "ainsi le caractère unique de l'Holocauste." Gérard Lefort, critique cinéma chez Libération, parle lui de "pédopornographie" pour évoquer la scène de la petite fille au manteau rouge (le film est tourné en noir et blanc). "Schindler est un film qui vous congèle l'esprit", martèle-t-il dans Première, vingt-cinq ans après la sortie du long-métrage.

50. Pourtant, c'est pour ce film qu'il a décroché deux de ses trois Oscars. Il a d'ailleurs été nommé 13 fois pour la catégorie "Meilleur film" ou "Meilleur réalisateur", entre Rencontres du troisième type (1978) et Pentagon Papers (2018).

51. En parlant des Oscars, il a acheté des statuettes mises en vente au public, pour les redonner à l’Académie, rapporte le site eightieskids*. Notamment celle de meilleur acteur remise à Clark Gable pour New York-Miami en 1934, ou les deux statuettes de meilleure actrice décernées à Bette Davis pour L'Intruse et L'Insoumise. Le tout pour la rondelette somme de 1,3 million de dollars. 

52. En 1994, Steven Spielberg, associé à Jeffrey Katzenberg, ancien directeur de Disney, et à David Geffen, producteur de musique, crée DreamWorks SKG, un studio censé rivaliser avec Universal, Paramount et Disney. Pour l'anecdote, l'idée est née le 28 septembre 1994, lors d'un dîner à la Maison Blanche pour une réception en l'honneur de Boris Eltsine, où les trois hommes étaient invités, raconte Le Temps.

Le producteur américain Jeffrey Katzenberg, le réalisateur américain Steven Spielberg et le producteur David Geffen après une conférence de presse annonçant la création du studio Dreamworks SKG, le 12 octobre 1994, à Beverly Hills. (HAL GARB / AFP)

53. Steven Spielberg derrière la caméra. John Williams qui compose la musique. La société ILM aux effets spéciaux. Tout ça pour une pub pour BP, datant de 1994, considérée comme la meilleure du réalisateur américain.

54. Steven Spielberg est un spécialiste du plan-séquence d'une à deux minutes, dans tous ses films ou presque. Sa touche personnelle, c'est qu'il fait tout pour que le spectateur ne s'en rende pas compte. Si vous comprenez l'anglais, c’est magnifiquement analysé dans cet épisode de la chaîne YouTube Every Frame a Painting. 

55. Existe-t-il un style "spielbergien" ? "C'est du cinéma grand spectacle à hauteur d'hommes, détaille à franceinfo Clément Safra, il filme les destins extraordinaires de messieurs-tout-le-monde." L'intéressé prend ça "comme un honneur", assure-t-il dans Première. Je me souviens d’avoir utilisé en permanence le terme 'hitchcockien' quand j’étais plus jeune. Perpétuer la tradition du suffixe '-ien' derrière mon nom me fait très plaisir."

56. Il possède la luge de Citizen Kane, la fameuse Rosebud. Des trois luges existantes, les deux premières ont été brûlées pour les besoins du tournage du film d'Orson Wells. "C’est dans mon bureau en ce moment, ça fait des années", avoue Spielberg à la BBC*.

57. Spielberg peut voir le futur. Il avait prévenu les concepteurs d'Independence Day : "Profitez-en, car dans six mois, tout le monde va se retourner contre vous." "Il avait raison, embraye Dean Devlin, le producteur du film, cité dans le livre Blockbusters. En Europe, toutes les conférences de presse commençaient par la question ‘Pensez-vous que ce film promeut l’image de l’Amérique comme gendarme du monde ?’ (...) Six mois plus tard, on était considérés comme le problème d’Hollywood."

58. On ne change pas une équipe qui gagne. Le compositeur John Williams a réalisé la musique de tous les films de Steven Spielberg, à trois exceptions près (La Couleur pourpre, Ready Player One et Le Pont des Espions). La productrice Kathleen Kennedy a aussi travaillé avec lui sur près de 20 films, le directeur de la photographie Janusz Kaminski sur 18 longs-métrages et le monteur Michael Kahn sur 15 d'entre eux.

59. Il a tourné Il faut sauver le soldat Ryan pour son père, Arnold. "Il m'a farci la tête de récits de guerre au fur et à mesure que je grandissais", raconte Spielberg fils au magazine People*. Le paternel a dit à son fils en sortant de la salle : "En tant que vétéran, je te remercie d’avoir fait ce film. En tant que père, je suis très fier de toi." Commentaire du fils : "C’est tout ce que je voulais entendre."

Steven Spielberg sur le tournage d'"Il faut sauver le soldat Ryan" en 1997. (AMBLIN ENTERTAINMENT / MUTUAL FI / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

60. Steven Spielberg a choisi cinq fois Tom Hanks pour tenir l'un des rôles principaux de ses films. L'acteur d'Il faut sauver le soldat Ryan (entre autres) devance ainsi Harrison Ford (qui a joué dans les quatre Indiana Jones). Deux acteurs se partagent la troisième marche du podium : Richard Dreyfuss (Les Dents de la Mer, Rencontres du troisième type et Always) et Mark Rylance (Le Pont des Espions, Ready Player One, Le Bon Gros Géant).

61. Harrison Ford aurait pu compter cinq apparitions devant la caméra de Steven Spielberg, mais sa scène dans E.T. a été coupée. Le scénario avait pourtant été écrit par son épouse de l’époque, Melissa Mathison. On n'y voyait cependant que sa main et ses pieds.

62. Pour que Men In Black III se fasse, il a fallu que Steven Spielberg, le producteur du film, accepte de baisser sa part des bénéfices à 7,5% (Tommy Lee Jones en exigeait 12,5% et Will Smith 20%). "Sinon, ils seraient encore à s'écharper sur des décimales", s'amuse Tom Shone, auteur du livre Blockbusters

63. Approché pour tourner l'adaptation du premier volet des aventures de Harry Potter, le réalisateur a refusé. "Je suis certain que la saga sera un succès phénoménal. Cependant, mes préférences actuelles de réalisations me font prendre un autre chemin", justifie-t-il dans le Los Angeles Times en février 2000, rapporté par Le Figaro. C'est finalement Chris Columbus qui s'en est chargé.

64. Il a eu une conversation au téléphone pendant sept heures avec Stanley Kubrick, au sujet du film A.I. Intelligence artificielle (sorti en 2001). "C'est le moment où il m'a parlé du film pour la première fois, et m’a demandé conseil pour un scénariste. On rebondissait sans cesse sur les idées avancées par l’autre… Je suis un inconditionnel de tout ce qui est kubrickien, donc quoi que Stanley veuille, j’allais lui trouver", relate-t-il pour Entertainment Weekly.

65. Javier Bardem a décliné une proposition de Spielberg pour la raison la plus décevante qui soit. On lui offrait le rôle finalement tenu par Colin Farrell dans Minority Report (2002), et l’acteur espagnol a balayé l'idée d’un "Mouais, je ne me vois pas courir sur des toits." Amer, Javier ? "Si je ne croyais pas à mon personnage, le spectateur n’allait pas y croire", concède-t-il chez GQ*. Certes. 

66. Tom Cruise a tenté de le convertir à la scientologie sur le plateau de La Guerre des Mondes (2005). Le réalisateur finira par décliner, mis en garde par le réalisateur Paul Haggis, détaille The New Yorker*. La promotion du film, avec un Tom Cruise tout juste en couple avec Katie Holmes et un poil trop euphorique sur le canapé d'Oprah Winfrey, finira de brouiller l'acteur et le réalisateur.  

67. Il a été élu "meilleur réalisateur du monde" par 10 000 lecteurs du magazine Empire* devant Scorsese et Hitchcock en 2005. Commentaire du patron du magazine, Ian Freer : "L’impact de Steven Spielberg sur le cinéma ne peut être comparé qu’à celui des Beatles sur la musique." 

68. Steven Spielberg s’est retrouvé boycotté par la Ligue arabe après avoir donné un million de dollars à Israël pendant la deuxième guerre du Liban, en 2006. C’est le journal britannique The Guardian qui l’a révélé au cours de l’affaire WikiLeaks, l’année suivante. 

69. L'actrice Mia Farrow l'a accusé d'être le "Leni Riefenstahl des Jeux de Pékin", dont il a longtemps occupé un poste de conseiller artistique pour les cérémonies d’ouverture et de clôture. Une accusation toute en nuance, Leni Riefenstahl étant la documentariste officielle des Jeux de Berlin, organisés par les nazis en 1936. Spielberg s'est retiré en catastrophe des Jeux de 2008, en raison de l'implication de la Chine dans la situation au Darfour, rapporte le Los Angeles Times*. 

70. Steven Spielberg n'a pas toujours eu le nez creux. Il a été victime de la gigantesque arnaque de Bernard Madoff, l’homme d’affaires, mort en avril dernier, à l'origine d'une fraude de type pyramidale (ou pyramide de Ponzi) estimée entre 25 et 63 milliards de dollars. Le réalisateur aurait investi près de 70% des fonds de sa fondation d'aide aux jeunes cinéastes, la Wunderkinder Foundation, auprès du fonds Madoff, selon le Wall Street Journal. On ignore si la fortune personnelle du réalisateur a été touchée.

71. Les Aventures de Tintin (2011) constituent la première adaptation d’une BD par Steven Spielberg. Il avait failli porter à l’écran Superman en 1978, avant que le projet soit attribué à Richard Donner. Pour la petite histoire, ce serait le salaire demandé par Spielberg qui aurait fait l’effet de la kryptonite aux producteurs.

72. Meryl Streep a découvert sur le plateau du film Pentagon Papers que Steven Spielberg ne fait jamais répéter ses acteurs. Son partenaire, Tom Hanks, bien rodé à la méthode, avait choisi de lui laisser la surprise. "Souvent, quand j’arrivais sur le plateau après une répétition, je n’arrivais pas à capturer la magie des acteurs interagissant ensemble pour la première fois. Ça doit arriver devant la caméra", explique le réalisateur.

73. Steven Spielberg a refusé qu’on baptise un hamburger à son nom. La chaîne Carl’s Jr souhaitait rebaptiser son sandwich avec deux steaks, une généreuse rasade de fromage, du ketchup et les petits condiments de rigueur le "SpielBurger". Comme par hasard au moment de la sortie de Ready Player One. Offre que le réalisateur a décliné, tout en assurant que les burgers de cette chaîne étaient "vraiment bons".

74. West Side Story est le 34e film de Spielberg. Un remake d'un classique du cinéma et de la comédie musicale, et un rêve qui se réalise : "Je vais pouvoir admirer les autres exceller dans un domaine, la danse, où [je suis] nul !" assure-t-il dans Le Journal du Dimanche. Sur l’ensemble de sa filmographie, 21 films se déroulent dans le passé, neuf dans le présent et quatre dans le futur.

75. Il se considère comme un membre de la dernière génération de cinéastes ayant appris leur métier devant le grand écran, les "technocrates" ayant pris le pouvoir derrière eux. "Nous sommes la dernière génération qui avons appris à tourner en regardant des films, raconte-t-il à Empire*. Les petits jeunes ont tout appris devant MTV, en nous bombardant de scènes à 18 plans."

* Les liens suivis d'un astérisque renvoient sur des contenus en anglais.

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