Michel Piccoli fête ses 90 ans dimanche
"Je suis un vieil homme à la mémoire trouée", a confié ce grand pudique dans un livre d'entretiens avec l'ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob ("J'ai vécu dans mes rêves", Grasset). Dans cet ouvrage, Michel Piccoli confie son angoisse de ne plus pouvoir travailler : "On voudrait que ça ne s'arrête jamais et cela va s'arrêter (...) c'est très difficile."
Le 7 décembre dernier, Michel Piccoli était pourtant encore sur scène à Paris, au Théâtre du Rond-Point, pour la dernière de "Gainsbourg poète majeur", une lecture à trois voix avec Jane Birkin et Hervé Pierre de la Comédie-Française. Il y a dix jours, il assistait aux obsèques du metteur en scène Luc Bondy, disparu le 28 novembre, et avec qui il avait "un projet". On l'a vu dominant l'assemblée de sa stature, telle la statue du commandeur dans "Don Juan ou le festin de pierre", ce célèbre téléfilm où, inoubliable, il tenait le rôle-titre, suivi à la télévision en 1965 par 12 millions de téléspectateurs, avec le Requiem de Mozart en bande sonore.
Renoir, Resnais, Demy, Melville, Bunuel, Godard, Hitchcock, Ferreri... Michel Piccoli a tourné avec les plus grands, mais il n'a cessé de découvrir, de s'engager avec de jeunes auteurs avant de se lancer lui-même dans la mise en scène, à 70 ans.
Grand, brun, sourcils broussailleux, voix qui tonne ou ensorcelle, ce personnage énigmatique, secret sur sa vie privée, s'est "régalé à jouer l'extravagance ou les délires les plus troubles, à casser (son) image".
À 20 ans, Michel Piccoli plonge dans l'effervescence de Saint-Germain-des-Prés, rencontre Sartre, Boris Vian, Juliette Gréco - qu'il épousera en 1966. "Un jour, elle m'a dit : +Va-t-en+ Presque de cette façon. Ça été douloureux, de mon côté en tout cas."
Un engagement à gauche au long cours
Il est un temps compagnon de route du Parti communiste. Un engagement à gauche qu'il n'a jamais renié, affichant son soutien à François Mitterrand en 1981, puis à Ségolène Royal en 2007.
"Le mépris" le révèle
C'est "Le Mépris" de Jean-Luc Godard (1963) avec Brigitte Bardot qui le révèle au grand public. "À ce moment-là, au début des années 1960, je n'existais pas, j'étais un jeune acteur peu connu", rappelle-t-il dans son livre. "+Le Mépris+ m'a donné parmi les plus beaux moments que j'aie pu vivre avec mon réalisateur et mes partenaires. Tous, Fritz Lang (acteur dans le film, ndlr), Bardot, l'équipe des techniciens, nous travaillions dans la joie, mais aussi avec une sévérité exceptionnelle. Il est rare qu'un film suscite à la fois autant de joie et de concentration."Michel Piccoli tourne ensuite plus de 150 films, incarnant même un pape torturé par la peur de ne pas être à la hauteur dans "Habemus Papam" de Nanni Moretti (2011), tout en poursuivant une carrière au théâtre, où il est dirigé notamment par Peter Brook et Patrice Chéreau.
Parmi ses réalisateurs fétiches, figurent Luis Buñuel ("Le journal d'une femme de chambre", "Belle de jour", "La voie lactée", "Le charme discret de la bourgeoisie") et Claude Sautet ("Les choses de la vie", "Max et les ferrailleurs", "César et Rosalie").
Son refus des plans de carrière, son côté "antistar" l'amènent à tourner des films d'auteur : Leos Carax, Jean-Claude Brisseau ou encore Jacques Doillon.
En 1990, Michel Piccoli campe avec gourmandise un personnage de grand bourgeois fantasque dans "Milou en mai" de Louis Malle.
Sa plus grande crainte ? "Être prétentieux." Il cite comme modèle Marcello Mastroianni: "Il l'a dit souvent devant moi: +Être acteur ? Il n'y a pas besoin de se gargariser, il n'y a qu'à faire et puis voilà." "Faire" est devenu plus difficile avec l'âge et la mémoire qui flanche : "Je suis comme un stylo qui n'a plus d'encre, et je me mets à râler comme un fou : +Où est mon encre?+"
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