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Michel Audiard : des écrits antisémites sortent de l'oubli 70 ans plus tard

Michel Audiard, le plus célèbre dialoguiste du cinéma français, n'est pas seulement l'auteur des répliques les plus cultes du cinéma français, si l'on en croit la revue Temps Noir. Il aurait également rédigé des écrits beaucoup moins drôles et légers, antisémites, pendant la Seconde Guerre mondiale, dans des revues collaborationnistes.
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Michel Audiard dans l'émission "Monsieur Cinéma" en 1969
 (Jean-Pierre Loth / Ina / AFP)

Le 26 octobre, dans son prochain numéro, Temps Noir, revue consacrée à la littérature policière, va publier une enquête recensant plusieurs publications exhumées lors de recherches menées par son rédacteur en chef Franck Lhomeau.

En juillet 1943, Michel Audiard, alors âgé de 23 ans, publie une nouvelle dans la revue L'Appel, "Le Rescapé du Santa Maria". Plusieurs personnages du récit sont juifs. Le jeune auteur les décrit en des termes féroces, évoquant à leur sujet une "une veulerie suante", "une odeur de chacal", une "synthèse de fourberie"... Le vocabulaire habituel du discours antisémite alors répandu dans la société française. Le texte, qui mentionne enfin une "conjuration des synagogues", souligne, au moment où les personnages concernés sont pendus, une "manifestation de l'immanente justice", d'après Temps Noir.

Joseph Kessel qualifié de "petit youpin"

En juin 1944, dans la revue L'Union Française, le futur dialoguiste des "Tontons flingueurs" décrit le monde des arts comme "le plus coquet ramassis de faisans, juifs (pardonnez le pléonasme), métèques, margoulins..." et qualifie au passage l'écrivain Joseph Kessel de "petit youpin".

Certains de ces écrits ont été publiés mercredi soir sur le site de L'Obs., puis jeudi dans l'édition papier de l'hebdomadaire.

Toujours selon Temps Noir, Michel Audiard a été membre du mouvement Collaboration, qui réunissait des intellectuels favorables au régime de Vichy, comme l'indique une fiche d'adhésion datée de 1942. Arrêté à la Libération chez le collaborateur Robert Courtine, puis relâché, Michel Audiard a affirmé à la police que cette inscription s'était faite à son insu : "Il est possible que quelqu'un m'ait fait inscrire à ce groupement à mon insu mais je suis absolument certain de n'avoir jamais donné ma signature pour une adhésion volontaire."

Ce type de révélations sur le passé sombre de Michel Audiard pendant la guerre n'est pas tout à fait une première. En 1980, le livre "Les collaborateurs" de Pascal Ory mentionnait déjà ses publications dans la revue L'Appel.

Dialoguiste légendaire des "Tontons flingeurs" et "Un Taxi pour Tobrouk", dialoguiste et co-scénariste d'"Un Singe en hiver" (parmi des dizaines d'autres films), Michel Audiard est mort le 28 juillet 1985 à l'âge de 65 ans.

Pour l'auteur de l'enquête, il n'était pas question de "traquer qui que ce soit"

Interrogé par l'AFP, Franck Lhomeau, le fondateur des éditions nantaises Joseph K., se défend d'avoir voulu "traquer qui que ce soit", ajoutant qu'il avait cherché à "démystifier le personnage" et à comprendre qui il était avant de devenir le dialoguiste révéré du cinéma des années 1950 et 1960. Il a travaillé pendant un an sur des archives de la police, de la justice et des journaux collaborationnistes.

"Les années de guerre sont largement oubliées et peu documentées par les biographes", selon lui. Sous l'Occupation, Michel Audiard, qui se présente à l'époque comme un "gosse", aurait fait "comme tous les Français", essayant de "survivre", notamment en volant des vélos pour manger. "Sa contribution à l'Appel n'était pas +politique+ mais +littéraire+ et ne constituait pas un appel à la collaboration, explique Franck Lhomeau. Ses portraits de juifs n'étaient pas des +dénonciations+ passibles des tribunaux, mais avaient la forme littéraire des +caricatures+ antisémites courantes dans les journaux collaborationnistes."

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