MeToo dans le cinéma : le producteur Alain Sarde mis en cause par neuf femmes pour des viols, des agressions sexuelles ou des comportements déplacés
Une nouvelle affaire pour le cinéma français. A la veille de l'ouverture de la 77e édition du Festival de Cannes, le magazine Elle publie, lundi 13 mai, les témoignages de neuf femmes à l'encontre du producteur Alain Sarde détaillant des comportements déplacés, des agressions sexuelles ou même des viols. Ces faits seraient survenus entre 1985 et 2003. Aucune de ces femmes n'a témoigné devant la justice, précise le magazine, la plupart d'entre elles ayant souhaité conserver leur anonymat.
L'ensemble des témoignages décrivent les contours d'un mode opératoire récurrent de la part de ce producteur de nombreux films à succès, comme Mulholland Drive de David Lynch, La Vénus à la fourrure de Roman Polanski ou encore Adieu au langage de Jean-Luc Godard. Dans l'espoir de décrocher un rôle dans un film, de jeunes actrices débutantes se rendaient à un rendez-vous organisé avec Alain Sarde. Présumé innocent, le producteur de 72 ans nie auprès du magazine l'ensemble de ces "allégations (...) mensongères". Par la voix de son avocate, il se dit par ailleurs "indigné et anéanti". Le magazine rappelle qu'il avait déjà été mis en examen pour viols en 1997 avant de bénéficier d'un non-lieu.
"C’était bestial !"
Parmi les témoignages, une actrice de séries télé des années 1990-2000 raconte un viol en 1985, alors qu'elle était âgée de 15 ans. "D'un seul coup, il m'a poussée sur le lit et m'a sauté dessus, assure-t-elle. Je me souviens très bien de ses lèvres, de sa bouche dégueulasse. Il était laid malgré ses mains manucurées. C'était bestial !"
"Je sens encore la pression de son corps sur le mien. Il m’a maintenue et m’a violée."
Une actriceDans l'enquête du magazine "Elle" sur Alain Sarde
Une autre actrice évoque une agression sexuelle à l'occasion d'un rendez-vous en 1987 pour parler d'un "très beau rôle" dans un film de Jean-Luc Godard. "Il m'a demandé si j'aimais le chocolat, en a pris un dans la boîte, en a croqué la moitié, s'est approché de moi sur le canapé, et, soudain, m'a fourré le morceau restant dans la bouche, tout en me renversant en arrière et en se vautrant sur moi." L'actrice serait parvenue à s'échapper en glissant par terre, avant de courir vers la grande porte capitonnée. "Dans mon dos, je l'ai entendu me traiter de 'salope'", se souvient-elle. Elle n'a pas eu le rôle et se souvient des réactions autour d'elle du milieu du cinéma cherchant à minimiser les faits : "Ce genre d'histoires, ce ne sont pas de simples anecdotes, de malheureux accidents, c'est tout un système qui permet ça."
"Je me sentais coincée"
Une autre comédienne, âgée de 20 ans en 1990, raconte un autre viol, toujours à l'occasion d'un rendez-vous censé être professionnel. "On parle un peu du scénario, puis il me dit qu’il aimerait produire un film à l'ambiance érotique, et me demande sans détour : 'C'est quoi, pour vous, l'érotisme ?' Je ne sais pas quoi répondre, raconte cette femme. Il se lève, fait le tour du bureau et vient vers moi. Il me touche l'épaule, je suis tétanisée. Il est debout, face à moi, et il me dit : 'C'est ça, l'érotisme', en déboutonnant son pantalon." Elle raconte alors que le producteur aurait alors sorti son sexe et lui aurait imposé une fellation.
Agée de 15 ans à l'époque, une autre femme accuse le producteur de viol lors d'un rendez-vous pour un rôle en 1985. "Très vite, il m'a expliqué que si je voulais percer dans le cinéma, je devais être gentille avec lui. Je n'avais pas le choix, je me sentais coincée. J'étais paralysée par la peur, il en a profité pour me violer brutalement par derrière. Je me suis sentie fautive, comme si c'était moi qui m'étais jetée dans la gueule du loup." Elle ne s'est jamais tournée vers la justice.
Une autre comédienne, bien connue du grand public mais préférant rester anonyme, évoque "un système où des hommes puissants regardaient ce qui arrivait sur le marché, les jeunes actrices, et ils se servaient avec la complicité de nos agents". Elle raconte avoir également été victime d'une agression sexuelle de la part d'Alain Sarde : "Je nous revois sur le canapé, je lui parlais de littérature. Soudain, il a mis sa main sous mon chemisier blanc et m’a agrippé un sein. J'ai eu le souffle coupé. J'ai bredouillé un truc et je me suis enfuie."
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