Cet article date de plus de huit ans.
Le dessin animé "Sausage Party" poursuivi pour pornographie légumière
Des légumes martyrisés, des poires vaginales violeuses et des paquets de corn-flakes libidineux : le tribunal administratif de Paris s'est penché mardi sur le film d'animation "Sausage Party", interdit au moins de 12 ans, accusé de corrompre les jeunes par deux associations conservatrices qui demandant le retrait du visa d'exploitation.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Sexe, violence et parodie Pixar
Dialogue surréaliste dans la salle d'audience n°3 du tribunal entre la présidente et l'avocat des associations :"Maître, sauf erreur, la bande-annonce contient la scène très violente d'épluchage de légumes que vous venez d'évoquer.
- Oui, mais pas celle de la partouze finale".
Crudité des dialogues, scènes à caractère sexuel, violence, présence de la drogue en dépit d'un langage humoristique, "Sausage Party", interdit aux moins de 12 ans en France (aux mineurs aux Etats-Unis), a provoqué l'ire de l'association proche des catholiques traditionalistes Promouvoir (qui s'est déjà attaquée à "La Vie d'Adèle", "Antichrist" ou encore "Baise-moi"), et d'Action pour la dignité humaine. Présenté comme "la première comédie d'animation pour adultes à l'humour particulièrement osé", le film réalisé par Greg Tiernan et Conrad Vernon, raconte la vie intime d'une intrépide saucisse et dans le rôle du méchant, d'une poire à lavement vaginale. En fait, le film a un précédent célèbre, "Fritz the Cat" (1972) de Ralph Bakshi, adapté de la bande-dessinée de Robert Crumb, ou sexe et drogue faisait déjà bon ménage.
Il y a "urgence", selon l'avocat de Promouvoir, Me André Bonnet, "vu qu'il est déjà visible en salles et susceptible de créer un trouble chez le jeune public". Faux, rétorque Me Jacques Molinié l'avocat du ministère de la Culture : "Personne ne peut être confronté à un film contre sa volonté".
Ce qui choque et créé la confusion ? Le format, d'après ses détracteurs. "C'est un dessin animé qui prend volontairement le ton, les expressions de visage, les intonations de Pixar", le studio d'animation, filiale de Disney.
Civilisation et société en danger
D'autant que, selon Me Bonnet, la bande-annonce "ne dit rien sur le véritable contenu du film". "Il s'agit d'une entreprise délibérée de toucher les plus jeunes, avec des images et des concepts qui ne sont pas adaptés à eux", s'insurge-t-il, allant jusqu'à parler d'une "question de civilisation et de protection de l'ensemble de la société"."Oui, vous mettez en scène des légumes. Que peut-on reprocher à des légumes ?" ironise-t-il. Mais "vous aurez très vite des films d'animation avec des scènes pornographiques".
Objet des attaques les plus virulentes, la "scène finale de partouze" : "une orgie sidérante entre scènes de fellation, de sodomisation (...) où l'on voit un paquet de corn-flakes - un objet assez corpulent - assénant des mouvements de va-et-vient brutaux et demandant 'tu aimes ça salope ?'".
Reportage : p. Deschamps, A. Da Silva :
Outre "la vulgarité et l'obscénité", l'avocate d'Action pour la dignité humaine pointe un "viol": "On va tenter de relativiser, raille-t-elle, ce n'est qu'une brique de jus de fruits, on montre ça sous un jour très rigolo..."
Et les associations de citer des extraits du film pour s'en indigner : "La poire vaginale cherche à tout prix un cul, car, nous dit-on, 'elle est faite pour ça'", "'Qu'est-ce que ça doit être bon de glisser la saucisse dans le pain !'".
En face, Me Molinié moque "la volonté de censure" de sescontradicteurs "à l'égard d'un film qui est un peu libertaire" : "L'un des buts du film est de critiquer sur un mode humoristique la société de consommation, la religion aussi en prend pour son grade, mais il ne s'agit pas d'inciter à la violence".
"Oui, le langage est cru mais regardez les protagonistes", "il n'y a pas de représentation de sexe, juste une activité sexuelle", le ton est celui "du grotesque, déjanté et permet de prendre de la distance, tout ce qui est montré n'est pas réaliste".
Le tribunal rendra sa décision mercredi midi.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.