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"La vérité si je mens !", "Les Ch'tis"… Pourquoi les clichés font (parfois) rire

A l'occasion de la sortie en salles, mercredi, du troisième volet de "La vérité si je mens !", FTVi s'est penché sur l'utilisation des stéréotypes dans le cinéma français.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Serge, Yvan, Eddie et Patrick, toujours inséparables dans "La vérité si je mens ! 3". (MARS DISTRIBUTION)

La vérité si je mens ! 3 sort en salles mercredi 1er février. Usant de force clichés, la trilogie raconte la vie d'une bande d'amis, pour la plupart juifs sépharades, dans le quartier commerçant du Sentier, à Paris. Bienvenue chez les Ch'tis ou des films comme Pédale douce jouent sur le même registre, celui de la caricature. A quel dessein ?

Grossir le trait

Une comédie est un "film destiné à provoquer le rire par la peinture des mœurs, des caractères, ou la succession de situations inattendues", nous dit le dictionnaire Larousse. Or, pour toucher et être compris par le plus grand nombre, le trait se doit d'être grossi et surtout simplifié. Quand Pédale douce montre des fêtes gays décadentes avec travestis et uniformes sado-maso, lorsque les personnages de La vérité si je mens ! s'exclament inlassablement "Yallah !" ou que Michel Galabru, dans Bienvenue chez les Ch'tis, conte à Kad Merad une vie caricaturale dans le "Nooord", c'est le même type de ressort qui est exploité que lorsque Charlie Chaplin tombe trois fois d'une chaise.

Dans son ouvrage Le Rire, le philosophe Henri Bergson défend la thèse selon laquelle le comique est provoqué par la répétition, en "plaquant du mécanique sur du vivant". Or, qu'est-ce qu'un stéréotype sinon une mécanisation, une simplification du réel ? 

Il convient cependant, comme le souligne Sylvain Delouvée, enseignant chercheur à l'université Rennes-II, de faire la différence entre "stéréotype" et "préjugé". Le premier est "un raccourci de pensée", dit-il, vrai ou faux (par exemple : les Bretons boivent tout le temps, les juifs sont tous riches...). Le second joue sur "l'aspect émotionnel, affectif, typiquement j'aime/je n'aime pas".

Montrer sans braquer

Dans Gazon maudit (1994), réalisé par Josiane Balasko, celle-ci campe Marijo, une lesbienne masculine. Outre son prénom, beaucoup moins sexy que celui de son amante Loli (diminutif de Lolita ?), elle fume des cigarillos, met un coup de boule à Alain Chabat et vit dans un camping-car. A l'époque, en France, les films traitant de l'homosexualité féminine sont rares, voire inexistants. Alors pourquoi s'engouffrer dans de tels clichés ? "Le stéréotype d'un personnage gay permet de rassurer le spectateur considéré comme hétérosexuel en lui évitant le danger d'une identification trop forte avec un personnage dont la marginalité sexuelle peut être déroutante", suggère Alain Brassart, enseignant à l'université Lille-III, dans Stéréotypage, stéréotypes : expressions artistiques.

Car le cinéma permet certes au spectateur de s'identifier, encore faut-il ne pas le brusquer, le braquer, lorsqu'il s'agit, comme à l'époque de La Cage aux folles (1973) et même de Pédale douce (1995) de lui faire découvrir une communauté marginalisée. "L'utilisation du travestissement comme effet comique" rend le personnage homosexuel "moins inquiétant pour une grande majorité du public (masculin notamment)", note Alain Brassart. En outre, "le spectateur hétéro est invité, par identification au personnage [de macho] qu'interprète Richard Berry, non seulement à découvrir la culture gay, mais également à s'interroger sur le macho ou l'homophobe qui se cache en lui".

Des ressorts qui évoluent. L'image du gay "outrancier" était le "reflet d'une époque", souligne Sylvain Delouvée. "Quand un discours ou l'existence d'un groupe est accepté, on peut diminuer voire abandonner les stéréotypes", dit-il.

Jouer sur la "connivence"

Mais des films comme La vérité si je mens ! ou Bienvenue chez les Ch'tis continuent de véhiculer les mêmes stéréotypes sur les identités régionales ou communautaires. C'est parce qu'ils n'ont pas un but d'intégration ou de visibilité sociale : ils jouent sur une "représentation figée et confortable, intégrée à l'extérieur mais aussi à l'intérieur même de la communauté", explique Henri Boyer, professeur à l'université Montpellier-III. Car les stéréotypes ne sont pas toujours négatifs. Une sorte de "connivence", de "dialectique conjointe solidaire" s'instaure alors avec l'autre.

Faire appel à l'autodérision pour dédramatiser

Pour Henri Boyer, Les Ch'tis exorcisent les clichés sur les gens du Nord : à la fin, ils ont "gagné un intérêt sympathique" tant "le film est construit contre le stéréotype". Dans La vérité si je mens !, réalisé par Thomas Gilou (lui-même juif sépharade), les juifs sépharades du Sentier vivent dans un système communautaire clos, aiment le luxe, travaillent dans le textile, n'apprécient pas les "goys" (non-juifs) ni les "pathos" (Arabes)… Autant de clichés utilisés par les antisémites, mais qui, dans la bouche de juifs, sont désacralisés, dédramatisés.

L'autodérision pour désamorcer, c'est aussi le ressort comique qui fait le succès de Jamel Debbouze, ou avant lui, d'Elie et Dieudonné, de Smaïn ou des Inconnus. Pour Henri Boyer, on peut le voir comme une "réponse au stéréotype, un travail de pédagogie, voire une thérapie" pour les deux parties.

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