La restauration de films: retrouver l'esthétique tout en respectant l'oeuvre originelle
Présents à Cannes, Venise ou Locarno, les "films de patrimoine" retrouvent une seconde jeunesse dans les festivals mais aussi en DVD, à la télévision ou via la vidéo à la demande.
Leur restauration débute par un minutieux travail de documentation sur l'oeuvre - notes du réalisateur, directives de production, versions disponibles... - pour éclairer les techniciens sur les choix faits à l'époque. Des annotations de Louis Feuillade sur la série des "Fantomas" ont ainsi permis de la rénover dans son "bleu nuit" d'origine. Autre exemple : une version de "Querelle" (1982), de Rainer Werner Fassbinder, contenant une scène "hard" censurée en France, a été retravaillée pour donner à voir le travail initial du cinéaste.
Le processus se poursuit par la remise en état "mécanique" des négatifs originaux, qui sont nettoyés, scannés et numérisés image par image. Les techniciens effacent alors toutes les usures du temps et réajustent les couleurs - ou la densité et les contrastes pour un film en noir et blanc. En parallèle s'effectue la numérisation et la correction du mixage du son.
La vraie conservation, c'est le 35 mm
À l'issue de ce travail, le long métrage est imprimé sur un négatif 35 mm en polyester, l'efficacité des sauvegardes numériques n'étant pas encore avérée. "La vraie conservation, c'est le 35 mm. Conservés par 3 à 5°c, vous pourrez encore voir ces films dans 200 ans", souligne André Labbouz, directeur technique chez Gaumont, où 419 longs métrages ont été soumis à un lifting.Entre 80.000 et 200.000 euros
Le Centre national du cinéma et de l'image animée, qui peut financer jusqu'à 90% des devis, a lancé un "Plan de numérisation pour la restauration des films" : depuis quatre ans, 43,38 millions d'euros ont été engagés dans 560 dossiers de subventions.Respecter l'oeuvre
Mais avant que les films "de patrimoine" ne reviennent à l'affiche, des questions de déontologie agitent les laboratoires. Chaque étape n'a qu'un seul objectif : retrouver l'esthétique première de l'oeuvre. Ce qui s'avère parfois "utopique" pour les films très anciens ou quand leurs réalisateur et chef opérateur "ne sont plus parmi nous", nuance Benjamin Alimi, directeur de clientèle chez Digimage Classics. Si la bonne éthique veut que les restaurateurs travaillent à effacer les usures du temps, et non à corriger les défauts d'origine, la pratique diffère parfois : un commanditaire -autorisé par un ayant-droit- ou un réalisateur encore vivant peuvent attacher de l'importance à "nettoyer" des imperfections tandis que d'autres considèrent qu'elles font partie de l'histoire du film.À l'instar d'un Jacques Tati, qui a remixé toute son oeuvre avant sa mort, certains metteurs en scène profitent d'une restauration pour corriger à l'écran un oubli ou un regret. Jean-Paul Rappeneau, par exemple, a souhaité atténuer les aigus de la voix de Marlène Jobert dans "Les Mariés de l'an II" (1971). Jean-Marie Poiré, lui, a voulu gommer son équipe technique, "oubliée" dans l'arrière-plan d'une scène des "Visiteurs" (1993).
Sans consigne, les laboratoires tentent de respecter les aléas techniques du film en se demandant comment le réalisateur a pu en jouer. "Les films témoignent aussi de l'époque à laquelle ils ont été faits. L'histoire du cinéma est riche de cette mémoire technique", témoigne le chef opérateur Pierre-William Glenn, qui a tourné avec François Truffaut ou Jacques Rivette.
Parfois, les restaurateurs se heurtent à de petites subtilités, comme dans "Week-end" (1967) de Jean-Luc Godard, où un décadrage de l'image était en fait un choix artistique. "Notre déontologie, ce n'est pas de réinterpréter mais de respecter l'oeuvre, y compris dans les contraintes de l'époque. C'est une erreur de penser que chaque film est parfait à sa fabrication", conclut Audrey Birrien, responsable restauration chez les laboratoires Éclair.
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