La mort de Raoul Coutard, chef-opérateur mythique de la Nouvelle Vague
Raoul Coutard avait été le directeur de la photographie de quelques-uns des plus grands films français de la seconde moitié du 20e siècle : "À bout de souffle", "Le Mépris" et "Pierrot le Fou" de Jean-Luc Godard, "Jules et Jim" de François Truffaut, "La 317e Section" et "Le Crabe-Tambour" de Pierre Schoendoerffer, "Lola" de Jacques Demy ou encore "L'aveu" et "Z" de Costa-Gavras.
Raoul Coutard apparaissait dans le générique du "Mépris", derrière la caméra :
En réaction à la nouvelle de son décès, la Cinémathèque française a tweeté mardi soir : "À bout de souffle, Jules et Jim, Chronique d'un été, Z, Max mon amour et tant d'autres. Et Le Mépris Raoul Coutard, 1924-2016 Adieu et merci.", a tweeté mardi soir la Cinémathèque française.
https://twitter.com/cinemathequefr/status/796122997438509057
Atteint d'une longue maladie, il vivait depuis plusieurs années au Boucau, près de Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, et est mort mardi soir dans une clinique de Labenne, dans les Landes.
Né à Paris le 16 septembre 1924, Raoul Coutard avait été sergent dans l'infanterie coloniale pendant la Guerre d'Indochine, commandant une section au Laos, avant de devenir photographe aux armées puis, toujours en Indochine, photographe pour Paris-Match et Life. Il y rencontre le cinéaste Pierre Schoendoerffer, avec qui il se lie pour ses premiers pas cinématographiques.
"Nous avons très vite conclu un pacte entre nous : le premier qui arriverait à entrouvrir la porte du cinéma y entraînerait l'autre!", racontait le cinéaste dans un livre il y a quelques années. Chef-opérateur de "La Passe du Diable" (1958) de Pierre Schoendoerffer, Raoul Coutard suit ensuite le cinéaste pour "Ramuntcho" (1959) et "Pêcheur d'Islande" (1959). Puis son expérience de la Guerre d'Indochine sera au cœur de "La 317e Section", réalisé en 1965.
Godard et la naissance de la Nouvelle Vague
En 1959, c'est le coup de tonnerre avec "À bout de souffle" et Jean-Luc Godard, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg, le film qui marque la naissance de La Nouvelle Vague. "Pour moi, la rencontre décisive ce fut Godard. +À bout de souffle+, qui devait être n'importe quoi, fut une entrée dans la vie professionnelle", expliquait Raoul Coutard au quotidien Libération au début des années 2000.Le chef-opérateur devient célèbre avec ce film tourné caméra à l'épaule et sa lumière blanche, qui font scandale à l'époque dans la profession. "Les images n'étaient pas léchées, les conditions syndicales n'étaient pas respectées, et je faisais à la fois la lumière et le cadre, ce qui ne se faisait pas du tout à l'époque", se souvenait-il.
Suivront avec Godard, 14 films au total, dont "Une femme est une femme", "Le Mépris", "Le Petit soldat", "Pierrot le Fou", "La Chinoise" et "Alphaville". Parallèlement, il est aussi l'opérateur de François Truffaut dans "Tirez sur le pianiste" (1960), "Jules et Jim" (1961) ou encore de Jacques Demy dans "Lola" (1960).
https://twitter.com/cinemathequefr/status/796129597804990465
La "révolution" Raoul Coutard, selon Costa-Gavras
Viendront ensuite deux grands films avec Costa-Gavras : "Z" (1969) avec Yves Montand, sur la dictature des colonels en Grèce, et, en parallèle, "L'Aveu" (1970), sur le stalinisme et les procès de Prague, toujours avec Yves Montand."Sa grande qualité, c'est d'avoir complètement renouvelé la façon de faire", a dit ce 9 novembre le cinéaste Costa-Gavras. "Il ne demandait pas beaucoup de temps. Il avait toujours des solutions rapides et de grande qualité. Ce n'était pas le chef opérateur qui disait : donnez-moi une heure pour faire la photo", a expliqué à l'AFP le réalisateur franco-grec de 83 ans. "Ca a allégé énormément le cinéma. C'est devenu une révolution", a ajouté le cinéaste, récompensé par l'Oscar du meilleur film étranger pour "Z" en 1970. Sur le tournage de ce film, la façon de travailler de Raoul Coutard a permis de créer "quelque chose de vrai, de documenté, de pris sur le vif, où il n'y avait pas de reconstitution", se souvient Costa-Gavras.
Coutard travaillera également avec Philippe Garrel sur "La Naissance de l'amour" (1993) ou "Sauvage innocence" (2001). Comme metteur en scène, Raoul Coutard avait réalisé "Hoa-Binh" (1970) sur la Guerre du Vietnam, prix Jean Vigo en 1970, et "La Légion saute sur Kolwezi" (1980). "J'ai toujours éprouvé une certaine tentation pour la difficulté. Ce qui n'est pas classique, voire impossible, me tente", disait encore ce pionnier.
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