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"La Dérive des continents (au sud)", une comédie grinçante où se mêlent crise humanitaire et familiale

Dans un mélange des genres osé mais désopilant, Lionel Baier fustige une Union européenne incapable de faire face aux tragédies maintenues sur son sol. 

Article rédigé par franceinfo Culture, Lola Scandella
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Isabelle Carré et Théodore Pellerin (en arrière-plan) dans "La dérive des continents (au sud)", de Lionel Baier. (COPYRIGHT LES FILMS DU LOSANGE)

La filmographie de Lionel Baier ressemble à une boussole. Après Comme des voleurs (à l’est) et Les grandes ondes (à l’ouest), cap vers un nouveau point cardinal pour le réalisateur suisse. Pour tourner son dernier long-métrage, La Dérive des continents (au sud), il a posé sa caméra en Sicile. Il en tire un film doux-amer, à l’humour caustique, présenté en mai dernier à la Quinzaine des réalisateurs du 75e Festival de Cannes

Une satire européenne

À Catane, ville portuaire du sud de l’Italie, Nathalie Adler (Isabelle Carré), officier de liaison de la Commission européenne, doit organiser une visite du président français Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel dans un camp de réfugiés. Avant la venue des deux chefs d’état, elle reçoit d’abord leurs deux représentants pour une "répétition" en amont d’une visite présentée comme "spontanée".

Problème, pour ces deux agents du navire européen : le camp est "trop propre", "pas assez dramatique". "Pardon mais, il n’y a pas de misère", ose même l’un d’eux. Le film n’aura par la suite de cesse de railler, avec un humour grinçant, les rapports hypocrites, entre discours utopiques et déconnectés d’un côté, bureaucratie ubuesque et impasse humanitaire de l’autre, qu’entretient "la grande famille européenne" avec les exilés et les questions migratoires.

Au cours de la répétition, Nathalie tombe nez à nez avec son fils Albert (Théodore Pellerin), bénévole au sein d’une association intervenant sur le camp. Problème, là encore : les deux ne se sont pas vus depuis des années, Nathalie ayant abandonné son fils à la découverte de sa propre homosexualité. Entre deux chamailleries franco-allemandes, et avec la tragédie migratoire en toile de fond, mère et fils vont tenter de recoller les morceaux.

Théodore Pellerin et Isabelle Carré dans "La dérive des continents (au sud)" de Lionel Baier, 2022.  (COPYRIGHT LES FILMS DU LOSANGE)

Mélange des genres 

On passe facilement du rire à la larme à l’œil dans ce film qui se plaît à mélanger les genres. Outre les passages humoristiques ou dramatiques, certaines scènes tiennent presque du fantastique ou de l’absurde. Le début et la fin réservent de beaux moments d’émotion et tissent une réflexion politique intéressante sur les possibles résistances, notamment villageoises, locales, à un système global (l’Union européenne) déshumanisant. Entre les deux, le film pâtit de quelques longueurs et d’un aspect un peu brouillon qui donne parfois au spectateur l’impression d’être un peu perdu.  

Finalement, et on peut le regretter, le film laisse peu de place à la situation des exilés. À moins que ce ne soit un moyen de renvoyer chacun à sa propre inaction, y compris les spectateurs concentrés sur les péripéties de la mère et du fils. Il est si aisé, même pour le réalisateur, de détourner le regard. Lors d’une scène dans le camp de réfugiés de Catane, une jeune femme s’adresse à une petite foule militante – dont fait partie Albert, le fils révolté, venue manifester téléphone au poing devant les grilles face aux journalistes et représentants de la délégation européenne : "Vous nous filmez tout le temps, mais vous souciez-vous de nos sentiments ?"

L'affiche du film "La dérive des continents (au sud)" de Lionel Baier, 2022.  (COPYRIGHT LES FILMS DU LOSANGE)

La fiche

Genre : comédie, drame
Réalisateur : Lionel Baier
Casting : Isabelle Carré, Théodore Pellerin, Ursina Lardi  
Pays : Suisse
Durée : 1h29
Sortie : 24 août 2022
Distributeur : Les films du Losange

Synopsis : Nathalie Adler est en mission pour l’Union Européenne en Sicile. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite de Macron et Merkel dans un camp de migrants. Présence à haute valeur symbolique, afin de montrer que tout est sous contrôle. Mais qui a encore envie de croire en cette famille européenne au bord de la crise de nerfs ? Sans doute pas Albert, le fils de Nathalie, militant engagé auprès d’une ONG, qui débarque sans prévenir alors qu’il a coupé les ponts avec elle depuis des années. Leurs retrouvailles vont être plus détonantes que ce voyage diplomatique…

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