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La crise des migrants en Europe s'invite à la Mostra de Venise dans une Italie gouvernée par l'extrême droite

Le calvaire des migrants tentant de rejoindre l'Europe s'est imposé comme le thème politique dominant au Festival de Venise, dont les fenêtres offrent une vue plongeante sur une Méditerranée devenue le tombeau de milliers de candidats à l'exil.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Le cinéaste Matteo Garrone entouré des deux comédiens Seydou Sarr (à gauche) Moustapha Fall  lors du photocall du film "Moi Capitaine" présenté en compétition à la 80ème Mostra de Venise le 6 septembre 2023 au Lido de Venise. (GABRIEL BOUYS / AFP)

Les grands représentants du cinéma social ou politique se sont emparés depuis longtemps des questions d'intégration et de xénophobie. Récemment encore, les frères Dardenne avec Tori et Lokita, primé à Cannes en 2022, ou Ken Loach, avec The Old Oak, présenté cette année sur la Croisette et qui sort en salles en France le 25 octobre 2023.

Une compétition politique

Mais le sujet est d'autant plus brûlant à Venise que l'Italie, dirigée par un gouvernement d'extrême droite élu il y a un an, est en première ligne face au sujet des migrants qui tentent de rejoindre l'Europe. Ils sont plus de 105.000 à être arrivés en Italie depuis le début de l'année, soit plus du double par rapport à 2022. Et, selon l'ONU, plus de 2.000 d'entre eux ont déjà péri depuis janvier en tentant de traverser la Méditerranée, devenue la route migratoire la plus mortelle au monde. C'est pour donner un visage à ces migrants que Matteo Garrone, le réalisateur italien de Gomorra, a tourné Moi, Capitaine, en course pour le Lion d'or.

Le film relate l'épopée d'adolescents sénégalais, Seydou (Seydou Sarr) et Moussa (Moustapha Fall), deux cousins qui décident de quitter sans un mot leur famille pour tenter leur chance en Europe. Sans misérabilisme, il évoque les périls qui les attendent sur leur route : marches éreintantes à travers le Sahara, tortures dans les geôles libyennes, esclavagisme... Les deux cousins finiront par embarquer pour l'Italie à bord d'un bateau surpeuplé.

Un road movie initiatique

Le long-métrage, qui ne s'appesantit pas sur les raisons qui poussent les jeunes Sénégalais à s'exiler, se veut comme "un contre-champ à ce que l'on voit d'habitude", a expliqué mercredi Matteo Garonne, 54 ans."Depuis des années, nous voyons des bateaux qui arrivent de Méditerranée. Parfois, on les sauve. D'autres fois, non", observe Matteo Garonne. "Avec le temps, on s'habitue à voir ces personnes comme des chiffres et on oublie que derrière il y a tout un monde, des familles, des rêves, des désirs...".

"L'idée est de poser la caméra sur le côté opposé, c'est-à-dire en Afrique, en la pointant vers l'Europe, pour raconter leur voyage et surtout le vivre avec eux". Pour ce road movie initiatique, le réalisateur s'est longuement documenté, notamment en recueillant des témoignages de migrants.

Au-delà, le film interroge la responsabilité des Européens, qui ont sous-traité une partie de la politique migratoire à des régimes de la rive sud de la Méditerranée ou se renvoient la balle entre Etats pour éviter de porter assistance à des bateaux de migrants en difficulté.

"Rendre justice aux invisibles"

Une autre grande voix du cinéma européen, la Polonaise Agnieszka Holland, en compétition avec Green Border, voudrait que les Européens cessent "de se cacher la tête dans le sable" face à la situation à leurs frontières. "Les gens ne veulent pas voir ce qui se passe aux frontières, c'est pour cela que j'ai fait ce film", explique la cinéaste de 74 ans. Son film choral de 2H30 en noir et blanc est une peinture sans concession du sort de migrants originaires de Syrie, d'Afghanistan et d'Afrique, ballottés entre la Pologne et le Bélarus en 2021, prisonniers d'un jeu diplomatique qui les dépasse.

La cinéaste Agnieszka Holland avec ses deux jeunes comédiennes lors de la présentation de son film "Green Border" à la Mostra de Venise le 5 septembre 2023 (Tiziana FABI / AFP)

Le long métrage, lui aussi présenté en compétition, veut "rendre justice et donner la parole à ceux qui ont été réduits au silence". Il a déjà provoqué l'ire du gouvernement polonais, qui s'en est pris verbalement à la réalisatrice plusieurs fois nommée aux Oscars, et qui a vécu entre l'Allemagne, la Pologne, la France, et les Etats-Unis, où elle a réalisé des épisodes de séries à succès comme The Wire, The Killing ou House of cards. Pas de quoi impressionner Agnieszka Holland : sans prise de conscience, l'Europe "va devenir une sorte de forteresse où, nous, Européens, tuerons les gens qui cherchent à rejoindre notre continent", met-elle en garde.

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