Kirk Douglas évoque les sombres heures du maccarthysme
"Quand on a 95 ans, on ne regarde plus vers l'avenir. On regarde en arrière, on fait l'inventaire", a déclaré la star, vétéran et légende vivante de Hollywood, ovationné à son entrée dans la salle de cinéma de Los Angeles, peu avant la projection, le 13 août à Los Angeles.
"Je suis très fier de faire partie de la communauté d'Hollywood, parce qu'à Hollywood, on n'est pas divisés entre démocrates et républicains, on est entre Américains", a expliqué l'acteur. "Et je suis fier de types comme George Clooney ou Sean Penn qui dépensent leur argent pour aider les autres", a-t-il ajouté, faisant référence aux engagements de ses cadets en faveur de plusieurs causes humanitaires.
La bande-annonce de "Spartacus" (1960)
Mais Kirk Douglas n'a rien oublié des heures moins glorieuses que connut Hollywood il y a un plus d'un demi-siècle. "Spartacus", dans lequel il incarne un gladiateur qui prend la tête d'une révolte d'esclaves dans la Rome antique, en est d'ailleurs un symbole. L'acteur en était non seulement l'acteur vedette, mais aussi le producteur.
Quand il a décidé de produire le film, adapté d'un roman de Howard Fast, Kirk Douglas a confié le scénario à Dalton Trumbo, qui figurait toujours sur la "liste noire" du maccarthysme. "A l'époque du maccarthysme, je vivais dans un monde... la plupart d'entre vous n'étiez même pas nés", a commencé l'acteur. "Vous ne pouvez pas imaginer combien ces années étaient dures, quand il y avait la 'liste noire'. Personne ne voulait employer les gens qui étaient sur cette liste."
Cette authentique chasse aux sorcières avait été orchestrée par le sénateur américain Joseph McCarthy, en pleine psychose anticommuniste. Elle a pris fin à la suite de sa disgrâce à la fin de l'année 1954. Entre-temps, des dizaines d'artistes, soupçonnés de sympathies communistes, se sont retrouvés sur cette "liste noire", voyant leur carrière compromise ou suspendue, parmi lesquels Charlie Chaplin (d'où son exil en Europe), le cinéaste Jules Dassin (même sort), Orson Welles, Marlene Dietrich, l'écrivain Arthur Miller, le compositeur Aaron Copland...
Trumbo, persécuté depuis la fin des années 40
De son côté, le scénariste Dalton Trumbo (1905-1976) avait effectué onze mois de prison avant même l'avènement de McCarthy... En 1947, avec dix autres personnalités de Hollywood, il avait refusé de témoigner devant la très redoutée "Commission des activités antiaméricaines" qui traquait les sympathisants ou militants communistes. Plus tard, Trumbo a pu continuer de travailler, mais pour ce faire, en exil au Mexique, il signait ses textes sous des pseudonymes. Il a même obtenu un Oscar, sous le nom de Robert Rich, pour le scénario de "The Brave One" ("Les clameurs se sont tues", 1956), réalisé par Irving Rapper.
En 1960, Kirk Douglas a inséré le véritable nom de Dalton Trumbo au générique de "Spartacus", un geste par lequel l'acteur affirme avoir mis officiellement fin au discrédit qui frappait encore les artistes placés sur cette "liste noire". Auparavant, cette même année 1960, le réalisateur Otto Preminger avait déjà prêté main forte à Trumbo en le créditant de son vrai nom pour son film "Exodus". Mais la prise de position de Kirk Douglas est considérée comme l'acte officiel de décès de la "liste noire".
"Spartacus" visé aussi par la censure
Par ailleurs, au-delà de la situation délicate de Dalton Trumbo, "Spartacus" a affronté la censure, à une époque extrêmement puritaine. Une scène, aujourd'hui célèbre, avait été coupée. On y voit le général romain Crassus, l'ennemi de Spartacus interprété par Lawrence Olivier, se faire laver dans son bain par son esclave Antoninus (Tony Curtis). L'homosexualité sous-jacente de la scène est appuyée par le dialogue... Crassus demande à son esclave s'il aime les huîtres et les escargots, et lui confie que lui apprécie les deux... Insupportable pour les gardiens de la bonne morale de l'époque. Comme l'a sobrement résumé Kirk Douglas, cette censure, "c'était idiot".
Kirk Douglas à la projection de "Spartacus" le 13 août 2012 (en anglais)
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