"Il faut que le gouvernement réfléchisse aux conditions de réouverture" : le monde du cinéma face à la validation par le Conseil d'Etat de la fermeture des salles
Le vice-président de l’Association française des cinémas Art et Essai, Guillaume Bachy, a répondu à nos questions sur la décision du Conseil d’Etat.
La décision du Conseil d’Etat est tombée ce mercredi 23 décembre : les salles de cinéma resteront fermées au moins jusqu’au 7 janvier, comme décidé par le gouvernement. Le vice-président de l’Association française des cinémas Art et Essai, Guillaume Bachy, a répondu à nos questions sur cet avis, dans l’espoir d’une rencontre avec le gouvernement avant le 7 janvier, échéance du deuxième confinement partiel et couvre-feu.
Franceinfo Culture : Quelle est votre réaction à la décision du Conseil d’Etat de ne pas rouvrir les salles de spectacles avant le 7 janvier, voire au-delà ?
Guillaume Bachy : Nous n’avons pas l’attendu complet encore. Ce qui a été décidé, c’est la non-réouverture des salles, ce à quoi on s’attendait. Et si le référé a été fait avec les autres structures et associations culturelles, c’était avant tout pour lancer deux messages. Premièrement, qu’il fallait discuter avec la filière de la reprise au moment où la crise permettra de le faire, et de ne pas être tributaire d’une décision non concertée tombée d’en haut sans délai pour s’y préparer du jour au lendemain. Deuxièmement, il faut trois semaines, en termes de communication, d’affichage, de préparation du personnel et des salles pour faire vivre un film… Un troisième message est que face à la réouverture des magasins et des transports, les salles de cinéma et de spectacle se sentent un peu mis à l’écart, pointées du doigt, alors que selon tous les rapports, nous sommes peut-être les lieux les moins dangereux de propagation du virus.
Vous êtes donc aujourd’hui dans l’attente du détail de l’avis du Conseil d’Etat ?
Oui, peut-être que les salles de cinéma doivent encore rester fermées, mais peut-être faut-il que le gouvernement réfléchisse aux conditions de réouverture, à la dérogation de la séance de 20h entre autres, c’est pour cela que le référé a été posé, pour qu’on puisse avoir une discussion avec le gouvernement.
Vous pensez qu’elle peut avoir lieu avant le 7 janvier ?
Il y a déjà eu une rencontre entre le gouvernement et les instances du cinéma hier (mardi 22 décembre NDLR), c’est la première fois qu’une telle rencontre avait lieu. Et oui, bien sûr, il faut qu’on se retrouve avant le 7 janvier, date de revoyure pour débattre d’une possible réouverture, afin de caler une date, car nos établissements sont fermés et ça devient très, très long, avec tous les préparatifs que cela entraîne.
Vous rejoignez les propos de Grand Corps Malade ou de Christophe Alévèque sur ce point ?
Oui, d’autant plus qu’un rapport de l’Institut Pasteur démontre que moins de 2% des contaminations ont été constatés dans les salles de spectacle et que 0,46% ont eu lieu dans les cinémas. En termes de circulation du virus, les salles de cinéma sont d’un niveau tellement congru que cette fermeture administrative est dure à avaler. Il faut que le gouvernement trouve un autre argumentaire pour justifier notre fermeture.
Que pensez-vous de la déclaration de Mathieu Kassovitz sur la mort annoncée des salles de cinéma, dans la foulée de la pandémie ?
En tant qu’amoureux du cinéma et admirateur de Kassovitz, je ne peux que le regretter, nous n’avons pas le même point de vue aujourd’hui. Est-ce parce que ses derniers films n’ont pas aussi bien marché en salle qu’il l’espérait, ou est-ce que Monsieur Kassovitz estime qu’il y a un danger sanitaire à aller au cinéma ? C’est à mon avis rajouter de la crise à la crise, on ne peut pas laisser dire cela, puisque c’est faux, ça a été démontré. Ensuite s’il estime que la salle de cinéma n’est pas essentielle aux films, je ne suis pas d’accord. La salle de cinéma est indispensable au lien social, car une société, c’est voir ensemble, c’est ressentir ensemble, c’est partager ensemble et cela, il n’y a aucun autre lieu qui l’offre hors la salle de cinéma.
Oui, c’est toute l’invention des frères Lumière pour lesquels le cinématographe était avant tout un spectacle collectif, non comme Edison l’avait conçu pour un visionnage individuel.
Cette année particulièrement, c’est un crève-cœur, puisque nous sommes le 27 décembre à l’anniversaire officiel des 125 ans de la naissance du cinéma, qui tombe dans cette année sombre. Alors qu’on souhaite le fêter avec le public, et que les salles sont fermées.
On ne peut pas dénigrer pourtant la montée en puissance des plateformes de streaming en cette période ?
Ce qui est triste, c’est que ces films la plupart du temps ne sont même pas regardés sur un écran de télévision, mais sur un écran de téléphone, une tablette et demain sur une montre. Mais pour y déroger, encore faudrait-il qu’il existe encore des salles de cinéma. Cette période de fermeture de 162 jours est impactante culturellement et économiquement. Si on veut que le cinéma, les salles de cinéma perdurent, dans de bonnes conditions, avec de bons films et une séance à 20h, il faut nous donner des armes. C’est-à-dire nos écrans, notre son, l’accueil des gens dans la convivialité, l’humanité, dans un rapport de partage et pas seulement un système d’abonnement, de forfait, dans un seul but commercial.
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