Festival de Cannes 2024 : Coppola et Cannes, cinq décennies de présence et deux Palmes d'or pour le créateur du "Parrain"

Avec cinq Oscars et deux Palmes d'or, Francis Ford Coppola a marqué le monde du cinéma avec des films inoubliables. Entre la trilogie du Parrain, The Conversation ou Apocalypse Now, Coppola a aussi marqué la Croisette. Grande figure du Nouvel Hollywood, il est président du jury du Festival de Cannes en 1996. Quarante-cinq ans après avoir décroché une Palme d'or en 1979 pour Apocalypse Now, Francis Ford Coppola présente en compétition pour cette nouvelle édition, son nouveau film Megalopolis. Retour sur les quatre films de Francis Ford Coppola présentés au Festival de Cannes, pas toujours connus de tous.

"You're a Big Boy Now" (1966)

Comédie tombée dans l'oubli, You're a Big Boy Now ou Big Boy est une adaptation du roman du même nom de David Benedictus de 1963. Le film raconte l'histoire de Bernard Chanticleer, surnommé "Big Boy" par ses parents autoritaires et conservateurs des incunables à la bibliothèque publique de New York. Bernard tombe amoureux de la belle et froide actrice Barbara Darling qui déteste les hommes après avoir été agressée sexuellement lorsqu'elle était jeune fille.

Francis Ford Coppola a réalisé le film dans le cadre de son projet de thèse pour sa maîtrise dans les systèmes universitaires anglo-saxons à l'université de Californie. Il est alors sous contrat avec Seven Arts Productions pendant trois ans. Coppola écrit environ une quinzaine de scripts, dont la plupart ne seront jamais produits. You're a Big Boy Now fini par dépasser son budget et a coûté près d'un million de dollars, que Coppola n'a récupéré qu'une fois vendu à la télévision.

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 1967 comme seule entrée américaine, le film s'inscrit dans une thématique plébiscitée à l'époque. Celle d'un jeune homme amoureux d'une femme prédatrice et tentant d'échapper aux conventions sociétales de la génération de ses parents. Le film The Graduate de Mike Nichols, sorti un an avant You're a Big Boy Now, reprend ce même type d'histoire. L'actrice Geraldine Page est nommée aux Oscars et aux Golden Globes dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation du rôle de Margery Chanticleer, la mère de Bernard. Elle n'a gagné dans aucune des compétitions.

"The Conversation" (1974)

Thriller d'espionnage mémorable, The Conversation est un film multi récompensé notamment avec la Palme d'or lors du Festival de Cannes 1974, la première pour Francis Ford Coppola. L'acteur Gene Hackman tient le premier rôle et incarne un expert en surveillance confronté à un dilemme moral lorsque ses enregistrements révèlent un meurtre potentiel. Acclamé par la critique, le film fait pourtant un score décevant au box-office.

En 1966, Francis Ford Coppola est fasciné par les inventions dans le domaine de l'espionnage et en particulier la surveillance. Inspiré par le film Blow-Up (1966) de Michelangelo Antonioni, le film utilise par coïncidence le même équipement de surveillance et d'écoute téléphonique que celui du gouvernement Nixon pour espionner les opposants politiques, avant le scandale du Watergate. Souvent mis en rapport avec ce scandale et le délabrement de la vie politique américaine, le film est réalisé bien avant ces événements, bien qu'il soit précurseur. Francis Ford Coppola avouera que c'est le film qu'il préfère dans sa filmographie.

Le film influence en partie Brian De Palma pour son film Blow Out sorti en 1981, avec John Travolta et Nancy Allen. En 1995, The Conversation a été sélectionné pour être conservé dans le National Film Registry des États-Unis par la Bibliothèque du Congrès comme étant "culturellement, historiquement ou esthétiquement significatif."

"Apocalypse Now" (1979)

Apocalypse Now est le plus gros succès de Francis Ford Coppola. Adaptation revisitée du roman court Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness) de Joseph Conrad, il lui vaut une seconde Palme d'or, partagée avec l'Allemand Volker Schlöndorff pour Le Tambour, autre grande adaptation littéraire. Apocalypse Now est classé à la 28e place des 100 meilleurs films du cinéma américain par l'American Film Institute.

Considéré comme l'un des meilleurs films de tous les temps, Apocalypse Now raconte la mission du capitaine Willard pendant la guerre du Viêt Nam. Il est chargé par les services secrets de l'armée américaine de retrouver et d'exécuter le colonel Kurtz, dont les méthodes sont jugées "malsaines". Établi au-delà de la frontière avec le Cambodge, Kurtz a pris la tête d'un groupe de Mnong et mène des opérations sauvages contre l'ennemi.

George Lucas est d'abord pressenti pour réaliser le film, mais les studios américains sont réticents à l'idée de faire un film sur cette guerre décriée aux États-Unis. Francis Ford Coppola relance le projet en 1975 et n'hésite pas à investir sa fortune personnelle en hypothéquant tous ses biens. Le documentaire Aux cœurs des ténèbres : L'Apocalypse d'un metteur en scène (1991) retrace le parcours chaotique du film. Un typhon ravage le décor, l'acteur Martin Sheen est victime d'une crise cardiaque et Marlon Brando, qui avait promis de perdre du poids, débarque sur le tournage obèse et sous la dépendance de stupéfiants. Dépassé, Coppola se drogue, sombre pratiquement dans la folie et tente de mettre fin à ses jours.

La production se retrouve avec 250 heures d'images et l'équipe du montage est mise à rude épreuve. Après trois ans de préparation, le film sort en salles en 1979. Cette odyssée dans l'horreur guerrière d'une puissance visuelle hypnotique est inégalée dans l'œuvre de Coppola. Apocalypse Now Redux, une nouvelle version avec 50 minutes supplémentaires, est présentée au Festival de Cannes de 2001.

Lors du Festival de Cannes de 1979, une polémique enfle. Coppola aurait opéré un chantage sur Gilles Jacob, Maurice Bessy et Robert Favre Le Bret, les dirigeants du festival. Coppola n'aurait accepté de présenter le film qu'à condition qu'il remporte la Palme d'or. Françoise Sagan, la présidente du jury, n'aurait apprécié ni le film, ni ce marché imposé. Le compromis d'une double Palme d'or aurait alors été proposé, démarche aujourd'hui impossible avec le règlement actuel. Thierry Frémaux et Gilles Jacob nient ce qu'ils considèrent comme une légende urbaine, expliquant que la seule condition de Coppola était que le film soit en compétition.

"New York Stories" (1989)

New York Stories (1989) est un film composé de trois courts-métrages dont le thème central est New York. Il est présenté au Festival de Cannes en 1989. Le premier, Apprentissages (Life Lessons) est réalisé par Martin Scorsese. Le second, La Vie sans Zoë (Life Without Zoë) est écrit et réalisé par Francis Ford Coppola, assisté de sa fille Sofia pour l'écriture. Le dernier, Le Complot d'Œdipe (Œdipus Wrecks) est écrit et réalisé par Woody Allen. Ce film marque les débuts au cinéma d'Adrien Brody et de Kirsten Dunst.

Le segment réalisé par Coppola raconte l'histoire de Zoë, une écolière de 12 ans vivant dans un palace. Elle découvre une boucle d'oreille offerte à son père Claudio par Soraya, une princesse arabe jouée par Carole Bouquet. Elle essaye en même temps de réconcilier sa mère Charlotte, une photographe, et son père, un joueur de flûte.

Zoë est joué par Gia Coppola, petite-fille de Francis Ford Coppola et fille de Gian-Carlo Coppola. Les critiques furent en général positives pour les courts-métrages de Scorsese et d'Allen, mais plutôt négatives pour celui de Coppola. Hal Hinson, du Washington Post, écrivit "c'est de loin la pire réalisation".