Festival de Cannes 2024 : quand la Croisette se pare de ses habits de lumière pour recevoir le monde du cinéma
Mardi 14 mai, à quelques heures de l'ouverture du Festival de Cannes, alors que cette 77e édition semble débuter sous le signe d'un #MeToo du cinéma français, la ville, elle, se prépare à recevoir le festival et devenir le temps de la quinzaine, la capitale mondiale du cinéma.
La mue se fait en quelques jours à peine et se voit à œil nu. À commencer par ses symboles : l'affiche du festival d'abord, qui enveloppe depuis quelques jours chacune des façades du Palais des festivals. Image poétique d'autant plus forte le soir venant quand le ciel de l'affiche se confond avec celui de Cannes, quelque peu nuageux ces jours-ci.
Tirée du film d'Akira Kurosawa Rhapsodie en août, elle veut également, par une référence au bombardement de Nagasaki en 1945, véhiculer un message de paix. Un peu plus loin, alors que la traditionnelle cohorte des escabeaux des photographes a déjà pris place, l'immense tapis rouge (60 mètres de long) est installé devant les badauds pour habiller les vingt-quatre marches du Palais.
Tapis rouge pour tous
Cœur névralgique de Cannes, la Croisette – le boulevard bordé de grands hôtels d'un côté et de ses spacieux trottoirs longeant la mer de l'autre – se peuple rapidement. Et on y parle déjà toutes les langues. Hors festival, la ville compte 73 990 habitants et durant le festival, la population triple, atteignant plus de 200 000 personnes. Parmi elles, 40 000 professionnels accrédités. On reconnaît nombre d'entre eux par leur badge pendant à leur cou.
Le soir, les trottoirs de la Croisette sont éclairés de rouge donnant l'image étonnante d'un luxueux tapis rouge sans fin. Sur le sable, les célèbres plages s'installent et préparent leurs chapiteaux, promesse des nombreuses soirées cannoises. Le cinéma est partout. Sur de longues toiles dressées ici et là pour occulter des travaux de la ville, des photographies de précédentes éditions du festival montrent Harrison Ford, Catherine Deneuve, Daniel Auteuil ou Sylvester Stallone.
En levant les yeux, s'imposant sur la façade d'un immeuble de la rue des États-Unis, à l'angle de la Croisette, on peut observer l'immense affiche du dernier film très attendu de David Cronenberg, Les Linceuls, présenté en compétition le 20 mai.
Mémoires du cinéma
Le 7e art est aussi présent dans un des grands hôtels mythiques de Cannes, le Carlton, rouvert l'an dernier après deux ans et demi de travaux.
Le palace, édifié en 1913, à la façade Belle époque photographiée à longueur de journée (8 000 fois par jour pendant le festival, a-t-on apparemment calculé…), vit toujours avec le souvenir de La Main au collet d'Alfred Hitchcock (1955) qui s'y déroule en partie. Le bleu d'une robe portée par Grace Kelly dans le film se retrouve même sur les jupes des hôtesses.
Nous observons la finesse des rénovations de l'hôtel dans nombre de lieux – le Ball Room historique, au plafond classé, ses colonnes et ses dorures, le Tea Lounge ou le Bar 58 – peuplés tout au long de la quinzaine par les festivaliers, y compris le président du jury du festival qui y loge traditionnellement. De ces salons partent également les défilés quotidiens de certaines équipes de films montant les marches.
Toujours sur la Croisette, l'hôtel Majestic est aussi une étape incontournable de la quinzaine. On est frappé cette année par les photos en noir et blanc d'une exposition proposée dans la ruelle privée de l'hôtel.
Intitulée Woman Life Freedom, elle met à l'honneur ces artistes iraniens – les cinéastes Marzieh Vafamehr et Jafar Panahi, les actrices Soheila Golestani et Golshifteh Faharani, etc. – engagés notamment pour valoriser la place des femmes dans leur pays. Poignant.
"Un petit truc" donné à Camille Cottin
Après le Palais des festivals, nous rejoignons la promenade de la Pantiero, près du port. Nous y retrouvons Camille Cottin qui évoque son rôle de maîtresse de cérémonie d'un festival qui ouvre dans un contexte tendu. "C'est l'ouverture d'un festival. Bien sûr, il y a des choses qu'on a envie de dire. Comment les dire ? Et comment dire qu'on a envie que ce soit festif et en même temps, je ne veux pas non plus fermer les yeux sur certaines choses. Et d'ailleurs, est-ce que ce ne serait pas compatible ? Voilà : on s'interroge."
Camille Cottin sort des répétitions. "J'ai pu fouler cette scène et ça me fait du bien de pouvoir enfin y être physiquement, elle m'a fait moins peur que quand je la regarde à la télé avec les sublimes Virginie, Chiara, Audrey, Doria, toutes celles qui l'ont fait avant moi". Le trac, oui, l'habite. Mais il y a, dit-elle, quelque chose qui est "joli" : "Virginie Efira a donné un petit truc à Chiara, qui s'est empressée de me le donner, c'est un petit secret que je garde. C'est un petit truc pour continuer à avoir une belle diction malgré un trac qui pourrait tout emporter sur son passage. Un secret qui se passe de maîtresse de cérémonie en maîtresse de cérémonie, comme une petite flamme."
Une "belle histoire" de cinéma
Nous quittons Camille Cottin et l'on reparle notamment de flamme, cette fois lors de la première conférence de presse du délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, au troisième étage du Palais. La flamme olympique montera les marches du Festival de Cannes le 21 mai, annonce-t-il, avant de revenir ensuite dans la ville le 18 juin, dans le cadre de son tour de France.
Mais évidemment, Thierry Frémaux parle avant tout de cinéma. Il évoque son souhait d'un "festival sans polémiques" et s'enthousiasme pour le "merveilleux hasard" du retour combiné de George Lucas, Francis Ford Coppola et Paul Schrader. "Cette génération est toujours là", affirme-t-il. Une "belle histoire" que le festival accompagne. Mais, insiste-t-il, "nous, on ne fait pas un hommage, on fait une sélection". En redescendant par un Palais des festivals qui prépare encore ses installations, retour sur la Croisette. D'ici à quelques heures, ça y est, le festival va pouvoir commencer.
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